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01/06/2021 | FRANCE | N°20PA03349,20PA03350

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 01 juin 2021, 20PA03349,20PA03350


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1913867 du 14 octobre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis et, d'autre part, enjoint

au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de Mme D... da...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 novembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1913867 du 14 octobre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis et, d'autre part, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de Mme D... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour valable pendant la durée de ce réexamen, enfin a mis à la charge de l'Etat, la somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2020 sous le n° 20PA03349, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1913867-2 du 14 octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil.

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'un vice de procédure du fait de l'irrégularité de la procédure de saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein de ce collège de médecins ;

- l'avis de l'OFII a été notifié à Mme D... et elle n'a donc pas été privée d'une garantie ;

- les autres moyens soulevés en première instance par Mme D... ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2020 et le 8 février 2021, Mme D..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de quinze euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le temps de ce réexamen, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 26 janvier 2021.

II - Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2020 sous le n° 20PA03350, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1913867-2 du 14 octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2020 et le 8 février 2021, Mme D..., représentée par Me C... E..., conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... ressortissante marocaine, née le 19 septembre 1953, entrée régulièrement en France en 2010, a sollicité une admission au titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 novembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 14 octobre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté. Par les requêtes n° 20PA03349 et n° 20PA03350, le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel de ce jugement et demande à la Cour d'en prononcer le sursis à exécution.

2. Les requêtes n° 20PA03349 et n° 20PA03350 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...)".

4. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 12 novembre 2019, les premiers juges ont estimé que le préfet ne justifiait pas avoir recueilli l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans des conditions régulières, faute d'observations en défense et de réponse à la mesure d'instruction qui lui a été adressée le 14 avril 2020 tendant à la production de cet avis. Le préfet produit pour la première fois en appel l'avis du 17 juin 2019, émis au vu du rapport établi par le docteur Tran et portant la signature des seuls docteurs Pierrain, Barennes et Eutrope. Mme D... qui ne conteste pas sérieusement que le docteur Tran était l'auteur du rapport médical exigé par les dispositions citées au point 3, n'apporte aucun élément de preuve que le docteur Tran aurait siégé au sein de ce collège de médecins. C'est donc à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif d'absence d'avis régulier du collège des médecins de l'OFII pour annuler l'arrêté contesté.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... en première instance et en appel.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme D..., à la date de l'arrêté en litige, résidait en France depuis neuf ans auprès de son fils de nationalité française. Il ressort des attestations qu'elle a produites, et qui ne sont pas contestées par le préfet, qu'elle n'a plus au Maroc qu'un frère et une soeur dont l'état de santé ne leur permet pas de l'assister. L'évolution de son état de santé depuis son arrivée en France la rend dépendante de son fils français, à la charge duquel elle se trouve. Dans ces conditions, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, la décision de rejet de sa demande de titre de séjour porte une atteinte excessive a droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'illégalité de cette décision entraîne par voie de conséquence celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 12 novembre 2019. Compte tenu du motif par lequel la Cour confirme l'annulation de cet arrêté, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme D... un titre de séjour dans un délai de trois mois, à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte. Par ailleurs, Mme D... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Enfin, dès lors que la Cour statue sur la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement attaqué du Tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement n° 1913867-2 du 14 octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant au sursis à exécution du jugement mentionné à l'article 1er.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer un titre de séjour à Mme D... dans un délai de trois mois.

Article 4 : L'Etat versera à Me E... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B... D..., à Me E... et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2021.

Le rapporteur,

J.E. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C.MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 20PA03349-20PA03350 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03349,20PA03350
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : DUPOURQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-01;20pa03349.20pa03350 ?
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