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01/06/2021 | FRANCE | N°20PA01416

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 01 juin 2021, 20PA01416


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Pau, qui a transmis la requête au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une attestation de séjour provisoire.

Par un ju

gement n° 2004591/8 du 9 mars 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Pau, qui a transmis la requête au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une attestation de séjour provisoire.

Par un jugement n° 2004591/8 du 9 mars 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 27 février 2020 du préfet de police, enjoint à ce dernier de réexaminer la situation de M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer l'attestation provisoire de séjour correspondante et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2020, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2004591/8 du 9 mars 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant cette juridiction.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'arrêté contesté était entaché d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il n'a pas saisi le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour avis ;

- les autres moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2020, M. C..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de police n'est fondé.

M. C... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 10 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant mauritanien né le 31 décembre 1980, est entré en France en 2012 selon ses déclarations. Il a été interpellé le 26 février 2020 pour vol et n'a pas été en mesure de justifier de son entrée régulière sur le territoire français ou de son droit au séjour. Par un arrêté du 27 février 2020, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 9 mars 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté. Le préfet de police interjette appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

3. Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de son audition, que M. C... s'est borné lors de son audition à indiquer qu'il avait des problèmes psychologiques et des documents délivrés par un médecin, sans fournir de précisions supplémentaires ni produire de certificat de nature à attester de troubles psychiatriques. Dans ces conditions, le préfet n'était pas tenu de recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français. C'est donc à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté litigieux.

4. Toutefois il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C....

Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :

5. L'arrêté contesté indique que M. C... ne s'est pas conformé aux dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire national et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, en ce qu'il s'est soustrait en 2013 à une telle mesure. L'arrêté indique également qu'il ne présente pas de garanties suffisantes en ce qu'il ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente. L'arrêté mentionne ainsi les dispositions de droit qu'il applique et précise les motifs de fait sur lesquels il se fonde, et est de ce fait suffisamment motivé. Il n'est pas, pour les mêmes raisons, entaché d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. C....

Sur les moyens relatifs à l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, M. C... fait valoir qu'il est atteint de troubles psychiatriques nécessitant un suivi et une prise en charge réguliers, et que le préfet de police a, dès lors, méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant obligation de quitter le territoire français. Il produit au soutien de son moyen plusieurs certificats médicaux rédigés par un médecin du groupement hospitalier universitaire Sainte-Anne, dont un postérieur à l'arrêté, qui indiquent qu'il souffre de schizophrénie paranoïde avec injonctions hallucinatoires menaçantes, de troubles de la compréhension et de la mémoire le rendant dépendant de son entourage et de complications psycho-traumatiques. Selon ces certificats médicaux, les traitements dont bénéficie M. C... aux fins de prise en charge de sa condition que sont le Zyprexa, le Propanol et le Nozinan sont coûteux, et il ne pourrait en bénéficier en Mauritanie, l'Effexor n'y est pas disponible, et le seul hôpital psychiatrique du pays est situé à six cents kilomètres de son village d'origine. Cependant, M. C... ne produit pas au dossier d'éléments circonstanciés de nature à confirmer les indications contenues dans ces certificats, notamment quant à la disponibilité des médicaments concernés dans son pays d'origine. En outre, par un avis du 4 mars 2020, postérieur à l'édiction de l'arrêté, le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut bénéficier en Mauritanie d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays et qu'il est en mesure de voyager vers ce dernier. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 précité.

7. En deuxième lieu, si M. C... soutient que le préfet de police a entaché sa décision d'erreur d'appréciation, il n'assortit son moyen d'aucune précision de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur les moyens relatifs à la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. La décision portant obligation quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire serait illégale par voie de conséquence.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, pour les mêmes raisons qu'au point précédent, M. C... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception l'illégalité de l'obligation quitter le territoire français.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Pour les motifs précédemment énoncés au point 6 du présent arrêt, le retour de M. C... dans son pays d'origine ne saurait être regardé comme susceptible d'exposer l'intéressé à un traitement inhumain et dégradant en raison de son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en litige et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. C.... La demande présentée par ce dernier devant le Tribunal administratif de Paris doit en conséquence être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2004591/8 du 9 mars 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2021.

Le rapporteur,

J. E. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01416


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01416
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : MAAOUIA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-01;20pa01416 ?
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