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01/06/2021 | FRANCE | N°19PA00932

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 01 juin 2021, 19PA00932


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme D... ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1718886/1-1 du 27 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés 28 février 2019 et le 19 avril 2021, M. D..., représenté par Me B..., dem

ande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1718886/1-1 du 27 décembre 2018 du Tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme D... ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1718886/1-1 du 27 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés 28 février 2019 et le 19 avril 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1718886/1-1 du 27 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la réduction de ces impositions à concurrence de la fraction résultant de la remise en cause de l'amortissement des frais d'acquisition de la maison située 14, rue Drevet, à Paris (75018) et des frais de ravalement de cet immeuble ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont statué irrégulièrement en admettant le rejet de l'amortissement comptable des dépenses de ravalement ;

- ils ont omis de répondre au moyen tiré du refus d'appliquer le régime d'amortissement comptable des dépenses pour l'acquisition de biens utilisés à titre professionnel ;

- toujours au titre de mêmes frais, ils ont omis de même de répondre au moyen tiré du refus injustifié d'admettre l'amortissement sur 15 ans des dépenses de ravalement exposées en 2003 ;

- c'est à tort que le service a rejeté la déduction de la dotation aux amortissements échelonnée sur 60 ans de cette maison, au prorata de la surface utilisée à des fins professionnelles par Mme C..., son épouse ;

- c'est également à tort que le service a rejeté l'amortissement comptable des dépenses de ravalement du domicile où Mme C... exerçait son activité professionnelle, qu'il n'avait pas remis en cause lors d'un contrôle du revenu des années 2003 à 2011.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. À la suite du contrôle sur pièces portant sur les revenus de M. D... et de Mme C..., son épouse, au titre des années 2012 à 2014, le service a adressé, le 14 octobre 2015, une proposition de rectification tendant à rehausser leur impôt sur le revenu. Ces rectifications qui étaient principalement dues au rejet de frais professionnels réels dont se prévalait Mme C... au titre de son activité de pianiste-concertiste, ont été dans l'ensemble confirmées à l'issue d'un recours hiérarchique. M. D... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu litigieux, qui a été rejetée par un jugement du 27 décembre 2018. Dans sa requête d'appel, M. D... ne conteste plus que la remise en cause de l'amortissement, d'une part, des frais d'acquisition de la maison située 14, rue Drevet, à Paris (75018), d'autre part, des frais de ravalement de cet immeuble.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, le fait que les premiers juges ont estimé fondé le rejet par le service de la quote-part de 33,33 %, correspondant à la surface occupée par Mme C..., de l'amortissement comptable des dépenses de ravalement de la maison mentionnée ci-dessus, a trait au fond du jugement, et est sans incidence sur sa régularité.

3. D'autre part, et en conséquence de ce qui précède, le jugement attaqué répond, au point 8, au moyen tiré du refus injustifié d'admettre l'amortissement sur 15 ans de ces dépenses exposées en 2003. Le moyen tiré du défaut de réponse à moyen manque donc en fait.

4. Mais, si les premiers juges ont écarté explicitement le moyen tiré du rejet injustifié de la déduction des primes d'assurance de la CNP relatives au prêt immobilier contracté pour l'acquisition de cette maison, il ne ressort pas du jugement attaqué qu'ils aient examiné le moyen tiré du refus d'appliquer le régime de l'amortissement comptable des frais d'acquisition de ce bien en tant qu'il est utilisé à titre professionnel. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, s'agissant de ce chef de redressement, doit donc être accueilli, ce qui entraîne son annulation dans cette mesure.

5. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions tendant à la décharge de ce chef de redressement, et par la voie de l'effet dévolutif pour le surplus.

Sur la procédure d'imposition :

6. Le requérant fait grief à l'administration d'abuser du pouvoir que lui attribue le livre des procédures fiscales, en exigeant au titre des trois années en litige plus de mille justificatifs des frais professionnels de Mme C..., sans préciser ceux dont la production est nécessaire à corroborer le caractère professionnel de telles ou telles dépenses. Selon lui, cette exigence abusive et sans rapport avec les impositions contestées présente le caractère d'une rupture d'égalité devant les charges publiques. Mais, faute pour le requérant d'avoir présenté une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité de la loi à la Constitution ou à un principe à valeur constitutionnelle. En tout état de cause, il incombe toujours au contribuable de justifier du caractère déductible des frais professionnels dont il se prévaut. Ainsi, le moyen tiré de la rupture d'égalité devant les charges publiques doit être écarté sur le terrain de la loi.

7. M. D... ne saurait plus efficacement invoquer le bénéfice de la doctrine administrative exprimée par le BOFIP Impôts " Sur les revenus salariaux et assimilés ", Titre III, chapitre 5, section 3, sous-section 1, paragraphes 20 et 40, qui ne comporte pas une interprétation différente de la loi fiscale.

8. Il résulte de l'instruction que l'administration a tenu compte des justificatifs joints aux observations le 16 janvier 2016 et de ceux produits le 20 juin 2016. Ainsi le moyen tiré de l'absence de respect du contradictoire doit être écarté.

9. Le requérant se prévaut également de l'irrégularité de la notification des rectifications qui auraient, en outre, été mises en recouvrement avant le terme de la procédure contradictoire et en déduit un détournement de procédure. Toutefois, la procédure de rectification contradictoire s'achevait le 6 juin 2016, jour de la notification de la réponse aux observations du 16 janvier 2016. Si les impositions en litige n'ont été mises en recouvrement que le 30 juin 2017, ce délai supplémentaire a, en tout état de cause, permis aux requérants d'apporter, le 20 juin 2016, de nouveaux justificatifs sur le fondement desquels le service a admis, par un courrier du 26 avril 2017, la déduction de certains frais supplémentaires. Dans ces conditions, tant le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure que celui de son détournement ne peuvent qu'être écartés.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

10. En vertu des dispositions du 3° de l'article 83 du code général des impôts, le montant des frais réels, notamment ceux exposés pour l'acquisition d'immeubles, destinés à l'acquisition et à la conservation du revenu professionnel, peut être déduit des traitements et salaires, ce montant s'entendant de la dépréciation effectivement subie par ces immeubles au cours de l'année d'imposition, lorsque ces frais ne sont pas couverts par des allocations spéciales.

11. Il résulte de l'instruction que les contribuables ont entendu amortir sur 60 ans, la quote-part de l'achat de leur résidence principale, au titre de la superficie utilisée par Mme C... pour l'exercice de sa profession. Ils ont donc déduit des revenus de l'intéressée, au cours de chacune des années en litige, une dotation aux amortissements d'un montant de 2 879 euros, à proportion de cette quote-part.

12. Toutefois, si M. D... allègue que, dans le précédent domicile du couple, dans un immeuble en copropriété, ses voisins avaient déposé plainte pour trouble anormal de voisinage en raison des nuisances causées par la pratique intensive de la pianiste, et qu'un litige se nouait, il n'en rapporte pas la preuve. Ainsi, il n'établit pas que l'acquisition de cet immeuble en 1993 était nécessaire à l'exercice de la profession de Mme C.... De plus, le requérant se prévaut de la dépréciation de cet immeuble, mais n'en précise ni la cause ni la nature. En outre, il résulte des dispositions analysées ci-dessus du code général des impôts, qu'à la supposer établie, la dépréciation subie par le bien nécessaire à l'exercice d'une activité professionnelle ne donne pas lieu à un amortissement calculé depuis l'acquisition de ce bien, mais s'apprécie entre sa valeur au début de l'année d'imposition et celle de la fin de cette année. Le service ne s'étant fondé pour rejeter la déduction des dotations aux amortissements que sur ces dispositions de la loi fiscale, et non sur le paragraphe 70 du BOI-RSA-BASE-30-50-30-3 du 21 juin 2017, le moyen tiré du refus injustifié de ces amortissements doit être écarté.

13. A supposer même que les frais de ravalement n'aient pas nécessairement pour contrepartie un accroissement de la valeur d'actif du bâtiment et puissent être regardés comme une dépréciation amortissable sur le fondement des dispositions du 3° de l'article 83 du code général des impôts, les frais de ravalement exposés en l'espèce datent du mois de mars 2003, et n'ont pas été réglés au cours des années d'imposition. Ainsi, le moyen tiré de leur rejet injustifié ne peut qu'être écarté sur le terrain de la loi.

14. L'absence de remise en cause de l'amortissement de ces frais de ravalement au cours de contrôles portant sur les revenus du couple pour des années antérieures ne constitue pas une prise de position motivée sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Ainsi, M. D... ne saurait se prévaloir de cette absence de remise en cause de l'amortissement de ces frais au cours d'années antérieures pour contester le chef de redressement en litige dans la présente instance.

15. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. D... est fondé à demander l'annulation partielle du jugement attaqué, d'autre part, que les conclusions de sa demande sur lesquelles la Cour statue par la voie de l'évocation et le surplus des conclusions de sa requête d'appel doivent être rejetés. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1718886/1-1 du 27 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme D... ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014, à concurrence de la fraction résultant de la remise en cause de l'amortissement des frais d'acquisition de la maison située 14, rue Drevet, à Paris (75018).

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris tendant à la réduction de ces impositions, dans la limite résultant de l'annulation partielle du jugement, et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. A..., président-assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2021.

Le rapporteur,

J. E. A... Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA00932


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00932
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-07-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Traitements, salaires et rentes viagères. Déductions pour frais professionnels. Frais réels.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : LEDESERT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-01;19pa00932 ?
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