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01/06/2021 | FRANCE | N°19PA00738

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 01 juin 2021, 19PA00738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Godot et Fils a demandé au Tribunal administratif de Paris d'ordonner la restitution de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux et de la contribution au remboursement de la dette sociale qu'elle a acquittées au titre des exercices clos les 31 décembre 2010, 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1705738/2-1 du 22 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mé

moire en réplique, enregistrés le14 février et le 4 septembre 2019, la SARL Godot et fils, repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Godot et Fils a demandé au Tribunal administratif de Paris d'ordonner la restitution de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux et de la contribution au remboursement de la dette sociale qu'elle a acquittées au titre des exercices clos les 31 décembre 2010, 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1705738/2-1 du 22 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le14 février et le 4 septembre 2019, la SARL Godot et fils, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1705738/2-1 du 22 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'ordonner la restitution de ces impositions, assortie des intérêts prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre aux moyens ayant trait à la portée de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales et à la méconnaissance des droits supérieurs, s'agissant notamment de l'instruction à charge et à décharge ;

- l'administration a opposé à tort une fin de non-recevoir en première instance ;

- elle a méconnu les droits supérieurs, en n'en tirant pas les conséquences pour la taxe en litige du statut juridique et de l'activité de l'entreprise ;

- elle n'est pas assujettie à la taxe en litige en raison de ses activités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la condamnation aux intérêts moratoires, qui n'ont pas été précédées d'une demande à l'administration, sont irrecevables ;

- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, l'administration a, par deux propositions de rectification du 17 décembre 2014 et du 25 juin 2015, notifié à la SARL Godot et Fils des suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, d'imposition forfaitaire annuelle et d'impôt sur les sociétés, au motif qu'elle n'agissait pas en qualité d'intermédiaire transparent et devait ainsi inclure dans son chiffre d'affaires soumis à ces impôts la totalité du prix de vente facturé aux clients. La société qui exerce une activité d'achat-vente de métaux précieux, de devises de bijoux, a réclamé pour ce même motif la restitution de la taxe acquittée par elle sur les métaux précieux sur la période de décembre 2010 à décembre 2013, pour un montant de 1 444 763 euros. Après le rejet de sa réclamation, elle a demandé cette restitution au Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande par un jugement du 22 janvier 2019 dont elle relève appel.

Sur la recevabilité de la demande en tant qu'elle concerne la taxe forfaitaire sur les métaux précieux versée antérieurement au mois de décembre 2013 :

2. Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 (...) ". Aux termes de l'article R. 196-3 du même livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. ".

3. Il résulte de l'instruction que la SARL Godot et Fils a acquitté spontanément la taxe forfaitaire sur les métaux précieux, prévue à l'article 150 VI du code général des impôts, pour la période de janvier 2011 à novembre 2013, lors du dépôt de ses déclarations effectué le mois suivant, soit entre les mois de janvier 2011 et décembre 2013. Ainsi, sa réclamation en date du 26 septembre 2016, en tant qu'elle sollicitait la restitution de ces impositions pour la période de décembre 2010 à novembre 2013, était tardive au regard des dispositions précitées du b) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. Si la requérante se prévaut du délai spécial de réclamation ouvert par l'article R. 196-3 de ce livre dès lors qu'elle a fait l'objet d'une proposition de rectification portant sur la période en litige, il est constant que la vérification de comptabilité mentionnée au point 1 n'a pas entraîné de rehaussement de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux et qu'aucune imposition supplémentaire n'a été mise en recouvrement à ce titre. La circonstance qu'elle ait fait l'objet de rappels en matière de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, d'imposition forfaitaire annuelle et d'impôt sur les sociétés, sur cette période, n'est pas de nature à rouvrir le délai de réclamation applicable à l'imposition distincte que constitue la taxe forfaitaire sur les métaux précieux en litige. Enfin, l'administration n'était pas davantage tenue de procéder à un dégrèvement d'office de la taxe en litige. Ainsi c'est à bon droit que les premiers juges, qui ont répondu à tous les moyens opérants soulevés en première instance par la société, ont accueilli la fin de non-recevoir opposée par l'administration pour rejeter les conclusions relatives à cette période.

Sur le surplus des conclusions portant sur la taxe forfaitaire sur les métaux précieux de décembre 2013, acquittée en janvier 2014 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

4. Il ressort de la réclamation du 26 septembre 2016, jointe à la demande, et des écritures en première instance, que la SARL Godot et Fils a invoqué devant les premiers juges l'atteinte à certains droits supérieurs, tels que l'impartialité, la loyauté et l'équité, l'équilibre des droits des parties, plus précisément l'obligation pour le vérificateur d'instruire également à décharge sa situation fiscale et de tirer les conséquence de la requalification de son activité d'intermédiaire sur son assujettissement à la taxe forfaitaire sur les métaux précieux. Faute d'avoir répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant, les premiers juges ont entaché leur décision d'irrégularité. Par suite le jugement doit être partiellement annulé. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la société devant le Tribunal administratif de Paris.

5. D'une part, la société soutient que la substitution de la qualité d'intermédiaire opaque à celle d'intermédiaire transparent au regard de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de l'imposition forfaitaire annuelle et de l'impôt sur les sociétés faisait obligation à l'administration, en application du principe d'équilibre des parties et dans le cadre du pouvoir de rectification qu'elle tient de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales, de tirer toutes les conséquences de cette requalification sur l'assujettissement à la taxe litigieuse. Toutefois, ce principe d'équilibre des parties et ce pouvoir de rectification en faveur du contribuable, ne trouvent à s'appliquer qu'aux impositions rectifiées, et non à celles qui n'ont pas été modifiées au cours d'un contrôle fiscal.

6. D'autre part, si la Sarl Godot et Fils se prévaut d'autres droits supérieurs, à savoir de l'impartialité, de la loyauté et de l'équité, elle ne précise en rien en quoi, à l'occasion de la procédure de rectification qui concernait d'autres impositions que la taxe litigieuse, ces droits auraient été lésés à propos de cette dernière taxe.

7. Aux termes de l'article 150 VI du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I. - (...) sont soumises à une taxe forfaitaire dans les conditions prévues aux articles 150 VJ à 150 VM les cessions à titre onéreux ou les exportations, autres que temporaires, hors du territoire des Etats membres de l'Union européenne : / 1° De métaux précieux ; / 2° De bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité ". Aux termes de l'article 150 VK du même code : " I. - La taxe est supportée par le vendeur ou l'exportateur. Elle est due, sous leur responsabilité, par l'intermédiaire établi fiscalement en France participant à la transaction ou, en l'absence d'intermédiaire, par l'acquéreur lorsque celui-ci est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi en France ; dans les autres cas, elle est due par le vendeur ou l'exportateur ". L'article 74 S quinquies de l'annexe II audit code dispose : " Pour l'application du I de l'article 150 VK du code général des impôts, l'intermédiaire s'entend de toute personne domiciliée fiscalement en France participant à la transaction qui agit au nom et pour le compte du vendeur ou de l'acquéreur, ou qui fait l'acquisition du bien en son nom concomitamment à sa revente à un acquéreur final (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque les cessions de métaux précieux et de bijoux sont réalisées avec la participation d'un intermédiaire tel qu'il est défini à l'article 74 S quinquies précité, la déclaration et le paiement de la taxe incombent à l'intermédiaire.

8. Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable, ce dernier ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, qu'en démontrant son caractère exagéré dans la réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification. En application de ces dispositions, la société supporte la charge de la preuve de l'exagération de la taxe litigieuse qu'elle a acquittée spontanément.

9. En premier lieu, la société ne saurait utilement se prévaloir, pour apporter la preuve qui lui incombe, des énonciations des propositions de rectification du 17 décembre 2014 et du 25 juin 2015 portant sur les années 2011 à 2013 qui lui ont notifié des rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, d'imposition forfaitaire annuelle et d'impôt sur les sociétés, dès lors qu'elles portaient sur des impositions distinctes de celle en litige qui concerne la taxe forfaitaire sur les métaux précieux du mois de décembre 2013. En tout état de cause, ces propositions de rectification qui indiquent, s'agissant des modalités d'exploitation, que la société n'agit jamais en qualité d'intermédiaire transparent mais exerce son activité soit en tant qu'acheteur-revendeur, soit en tant qu'intermédiaire opaque, ne permettent pas de retenir, à elles seules, que la société exerçait effectivement, au titre du mois de décembre 2013, une activité qui ne la rendait pas redevable de la taxe sur les métaux précieux.

10. En second lieu, si la société soutient agir en tant qu'acheteur revendeur et non en tant qu'intermédiaire opaque dans ses opérations d'achat d'or, d'argent et de bijoux anciens auprès de particuliers, motif pris que, lors de l'achat de ces biens, elle ne connait aucunement l'identité de leur futur acheteur, et qu'ainsi son intermédiation revêt un caractère aléatoire, incompatible avec les critères de l'intermédiation opaque, elle n'apporte aucune précision concrète justifiant l'absence de lien et de concomitance entre ces deux types d'opération.

11. Il résulte de ce qui précède que, d'une part, la SARL Godot et Fils est seulement fondée à demander l'annulation partielle du jugement attaqué, et que, d'autre part, sa demande et le surplus des conclusions de sa requête doivent être rejetés. Par voie de conséquence doivent également être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que, en tout état de cause, celles tendant au versement des intérêts moratoires prévu à l'article L. 208 du live des procédures fiscales.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1705738/2-1 du Tribunal administratif de Paris en date du 22 janvier 2019 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la SARL Godot et Fils tendant à la restitution de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux de décembre 2013, acquittée en janvier 2014.

Article 2 : La demande présentée par la SARL Godot et Fils devant le Tribunal administratif de Paris, dans la limite résultant de l'annulation partielle du jugement, et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Godot et Fils et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. A..., président-assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2021.

Le rapporteur,

J. E. A... Le président

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA00738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00738
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxes sur le chiffre d`affaires et taxes assimilées autres que la TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : GEISSLER ALBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-01;19pa00738 ?
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