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27/05/2021 | FRANCE | N°21PA00407

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 27 mai 2021, 21PA00407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités bulgares en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2020243 du 22 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 25 janvier 2021 et 8 février 2021, M. E..

., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridiction...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités bulgares en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2020243 du 22 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 25 janvier 2021 et 8 février 2021, M. E..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2020243 du 22 décembre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 26 novembre 2020 ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une attestation de demande d'asile en procédure normale ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

M. E... soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté contesté lui a été notifié de manière irrégulière, dès lors qu'il n'était pas assisté d'un interprète en langue pachto, en méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet de police n'établit pas qu'il a saisi les autorités bulgares d'une demande de reprise en charge dans le délai prévu aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet de police a commis une erreur de droit en désignant la Bulgarie comme l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit, dès lors que l'article 18 - 1. b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 est inapplicable à sa situation ;

- il a été pris en méconnaissance du 2. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause de souveraineté prévue aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un courrier du 23 avril 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public, tiré de ce que la décision du 26 novembre 2020 portant transfert de M. E... aux autorités bulgares pouvait être légalement fondée, par substitution de base légale avec le même pouvoir d'appréciation et sans priver l'intéressé d'aucune garantie, sur les dispositions du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 au lieu du b) du même article.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 avril 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un courrier du 3 mai 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des moyens selon lesquels l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé, la procédure contradictoire n'aurait pas été respectée, l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance des dispositions des articles 4, 5, 24, 25 et 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que le requérant n'a soulevé que des moyens se rattachant à la légalité interne de l'arrêté contesté en première instance (CE, 24 octobre 1990, M. D..., n° 81333).

Une réponse du préfet de police aux moyens d'ordre public soulevés les 23 avril et 3 mai 2021 a été enregistrée le 5 mai 2021.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 28 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant afghan né le 7 mai 1997 selon ses déclarations, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 14 octobre 2020. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé a présenté une demande d'asile auprès des autorités bulgares le 27 juillet 2020. Le préfet de police a adressé à ces autorités une demande de reprise en charge de M. E... le 26 octobre 2020, qu'elles ont acceptée le 30 octobre 2020 sur le fondement du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de police a alors décidé, par l'arrêté contesté du 26 novembre 2020, de remettre M. E... aux autorités bulgares en vue de l'examen de sa demande d'asile. L'intéressé fait appel du jugement du 22 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. E... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 28 janvier 2021, ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, devant le Tribunal administratif de Paris, M. E... n'a soulevé qu'un moyen de légalité interne à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté contesté. Dès lors, les moyens de légalité externe invoqués pour la première fois devant la Cour, tirés de ce que l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance des dispositions des articles 4, 5, 21 et 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui ne sont pas d'ordre public, se rattachent à une cause juridique distincte de celle afférente aux moyens invoqués en première instance et constituent, dès lors, une demande nouvelle, irrecevable en appel.

4. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur de droit en désignant la Bulgarie comme l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, M. E... n'assortit pas ses allégations des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; / (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. / 2. Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, points a) et b), l'État membre responsable est tenu d'examiner la demande de protection internationale présentée par le demandeur ou de mener à son terme l'examen. / (...) Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l'État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d'un recours effectif en vertu de l'article 46 de la directive 2013/32/UE. ".

6. M. E... ne saurait utilement invoquer le paragraphe 2 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 au soutien de ses conclusions à fin d'annulation, dès lors que ces dispositions, relatives aux obligations de l'État désigné responsable en vertu de ce règlement en application des a), b) ou d) du 1. de son article 18, qui est en l'espèce la Bulgarie, n'imposent aucune obligation à l'État membre requérant et sont sans incidence sur la légalité de la décision de transfert. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions du paragraphe 2 de l'article 18 du règlement précité en ne s'assurant pas de la possibilité pour lui de bénéficier d'un recours effectif contre la décision de rejet de sa demande d'asile en cas de transfert vers la Bulgarie ne peut qu'être écarté comme inopérant.

7. En quatrième lieu, M. E... soutient que le préfet de police a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur le b) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que la demande de reprise en charge relevait du point d) de cet article.

8. Il ressort des pièces du dossier que si le préfet de police a saisi le 26 octobre 2020 les autorités bulgares d'une demande de reprise en charge de M. E... sur le fondement des dispositions du b) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ces autorités ont fait droit à cette demande le 30 octobre 2020 sur le fondement du d) du 1. du même article, dès lors qu'elles avaient rejeté la demande d'asile de l'intéressé. Ainsi, l'arrêté portant transfert de M. E... aux autorités bulgares ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions du b) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

9. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

10. En l'espèce, l'arrêté contesté trouve son fondement légal dans les dispositions du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui peuvent être substituées à celles du b) du 1. du même article l'ayant fondé à tort dès lors, d'une part, que M. E... se trouvait dans la situation où, en application du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet de police pouvait décider de son transfert aux autorités bulgares, d'autre part, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie, enfin, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. M. E... fait valoir qu'au regard des douloureuses épreuves qu'il a traversées, il tente de s'établir en France où il réside actuellement. Toutefois, il est constant qu'à la date de la décision contestée l'intéressé résidait en France depuis moins de deux mois, et ne fait état d'aucune attache sur le territoire français. Alors même qu'il n'aurait pas davantage de liens en Bulgarie, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait, en décidant sa remise aux autorités bulgares, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi par cette mesure. Partant, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

13. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur d'asile vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe par en vertu des critères fixés par le présent règlement ".

14. La Bulgarie, État membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales et à celles de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain et dégradant. Il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises, sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

15. M. E... soutient, d'une part, qu'en cas de transfert vers la Bulgarie, il risquerait d'être renvoyé en Afghanistan, où il subirait des traitements inhumains et dégradants en raison de la situation sécuritaire tant dans sa province d'origine qu'à Kaboul, seul point d'entrée sur le territoire afghan. Toutefois, l'arrêté contesté a pour seul but de transférer M. E... vers la Bulgarie et n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner le requérant vers l'Afghanistan. En tout état de cause, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités bulgares n'évalueront pas, avant de procéder à son éventuel éloignement, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. D'autre part, M. E... fait valoir qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie, où il aurait subi des traitements inhumains et dégradants. Il affirme y avoir été incarcéré arbitrairement sans possibilité de contacter un avocat, dans une cellule insalubre qu'il a partagée avec une vingtaines d'autres détenus, ne pas avoir eu accès à un point d'eau lui permettant de se laver pendant l'ensemble de la durée de sa détention, n'y avoir été nourri qu'une seule fois par jour et avoir subi des sévices physiques de la part des autorités bulgares en charge de la surveillance du centre de détention, qui auraient également détruit ou volé l'ensemble de ses possessions. Toutefois, la production d'un certificat médical en date du 19 janvier 2021, établi postérieurement à la décision contestée, par lequel le Dr Arshad constate que des cicatrices diffuses sont présentes sur le corps de M. E..., témoignant de petites plaies cutanées superficielles, et diagnostiquant un syndrome de stress post-traumatique accompagné d'une dépression réactionnelle, ainsi que d'un court extrait d'un rapport d'Amnesty International inséré directement dans la requête d'appel, ne sauraient suffire à corroborer les allégations du requérant. Ces éléments ne permettent pas de considérer que les autorités bulgares, qui ont expressément accepté de reprendre l'intéressé en charge, ne seraient pas en mesure de traiter la demande d'asile de M. E... dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de ce que le préfet de police aurait entaché l'arrêté contesté d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. E... doivent être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

17. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au conseil de M. E... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. E... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 mai 2021.

Le rapporteur,

I. B...Le président,

S.L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

8

N° 21PA00407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00407
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : RAJI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-27;21pa00407 ?
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