Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1907574 du 23 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 février 2020, appuyée de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour les 3 et 9 juillet 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1907574 du 23 janvier 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 25 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour avec autorisation de travail à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié ;
- le préfet ne pouvait exiger la communication d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes dès lors que les dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 28 octobre 2016 n'exigent que la communication d'une attestation d'emploi ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, au regard des dispositions de l'article L. 312-1 et -2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord bilatéral franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988, modifié ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et 1'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me B..., pour Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante tunisienne née en 1960, est entrée en France en 2002 muni d'un visa Schengen. Mme C... s'est vu délivrer trois cartes de séjour temporaire portant la mention " salarié ", renouvelées jusqu'au 17 décembre 2017, sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988, modifié, ainsi que des récépissés de demande de carte de séjour dont le dernier, résultant d'une demande présentée le 1er août 2018 sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien précité et de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, était valable jusqu'au 31 octobre 2018. Par un arrêté du 25 octobre 2018, le préfet de police a refusé le renouvellement de son titre de séjour. Mme C... fait appel du jugement en date du 23 janvier 2020, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dans sa rédaction issue de l'article 2 de l'accord-cadre du 28 avril 2008 : " Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : / - les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans ". Il résulte de ces stipulations que seuls les ressortissants tunisiens justifiant d'une résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008, sont admissibles au bénéfice de de l'article 7 ter d) de l'accord franco tunisien. En l'espèce, Mme C... déclare être entrée en France en 2002. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 7 ter d) de l'accord susvisé.
3. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien en matière de travail et de séjour du 17 mars 1988, modifié : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié " ".
4. Si Mme C... se prévaut du bénéfice d'un contrat à durée déterminée jusqu'au 31 décembre 2018, ainsi que d'une lettre par laquelle son employeur indique être disposé à la réemployer dans le cas d'une régularisation de sa situation, il est constant que Mme C... ne justifie pas d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche visé par les autorités compétentes. Au surplus, le métier d'" ouvrier d'entretien " exercé par la requérante n'est pas mentionnée sur la liste figurant à l'annexe I du protocole du 28 avril 2008. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article
L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) ".
6. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. D'une part, Mme C... fait valoir qu'au 25 octobre 2018, date de l'arrêté contesté, elle résidait en France de façon habituelle depuis plus de dix ans. Toutefois, Mme C... ne produit aucune pièce justifiant sa présence en France entre juin 2009 et janvier 2010, et entre janvier et octobre 2017. Par ailleurs, la production d'un avis d'impositions ne mentionnant aucun revenu, d'une facture EDF comportant un nom de client ne correspondant pas à celui de l'intéressée et d'un formulaire de renouvellement de la réduction solidarité transport reçu par courrier en avril 2011 sont insuffisants à justifier sa présence continue sur le territoire français entre octobre 2010 et juin 2011. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour aurait dû être soumise par le préfet de police à la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 précitées.
8. D'autre part, si Mme C... se prévaut de la durée de son séjour en France et son intégration professionnelle, il ressort des pièces du dossier que Mme C... est célibataire et sans charge de famille en France. Par ailleurs, elle ne conteste pas qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales à l'étranger, où résident sa mère et sa soeur et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans. Dans ces conditions, la requérante ne peut être regardée comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au titre de la vie privée et familiale au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14. En outre, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 précitées est inopérant à l'encontre du refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité de salariée. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
9. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des éléments rappelés au point 8 que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme C... au titre des frais qu'elle a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. Platillero, président-assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 mai 2021.
Le rapporteur,
B. D...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00475