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25/05/2021 | FRANCE | N°21PA00979

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 25 mai 2021, 21PA00979


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre à l'aide juridictionnelle à titre provisoire, d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2020 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'enjoindre au préfet de police d'admettre sa demande d'admission au bénéfice de l'asile et de lui remettre l'attestation de demande d'asile visée à l'article R.742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du d

roit d'asile dans le délai de 24 heures à compter de la notification du jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre à l'aide juridictionnelle à titre provisoire, d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2020 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'enjoindre au préfet de police d'admettre sa demande d'admission au bénéfice de l'asile et de lui remettre l'attestation de demande d'asile visée à l'article R.742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de 24 heures à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer pour la durée de cet examen l'attestation de demande d'asile visée à l'article R.742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2021651/8 du 25 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a admis Mme A... à l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a annulé l'arrêté du 4 décembre 2020 du préfet de police, a enjoint à ce dernier de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, a mis la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2021, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n°2021651/8 du 25 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de Mme A....

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré que son arrêté portant transfert de

Mme A... aux autorités espagnoles méconnaissait les dispositions de l'article 4 du règlement

n° 604/2013 du 26 juin 1993 ;

- les autres moyens soulevés par l'intéressée devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mai 2021, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) de rejeter la requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née 5 mai 1996, a sollicité le 31 août 2020 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient été relevées par les autorités espagnoles le 2 décembre 2019. Le préfet de police a adressé à ces autorités une demande de prise en charge, acceptée le 7 septembre suivant. Par un premier arrêté du 13 octobre 2020, le préfet de police a décidé de leur remettre

Mme A.... Par un jugement du 16 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de l'intéressée dans le délai d'un mois. Par un second arrêté du

4 décembre 2020, le préfet de police a à nouveau décidé de remettre Mme A... aux autorités espagnoles. Par un jugement du 25 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme A... dans le délai de deux mois. Le préfet de police relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". Il résulte de ces dispositions que Mme A... conserve de plein droit le bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dont elle a bénéficié en première instance sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle devant la cour est sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné :

3. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ". Il résulte de l'annexe X au règlement (CE) susvisé du 2 septembre 2003 que ladite brochure comprend une partie A intitulée " Informations sur le règlement de Dublin pour les demandeurs d'une protection internationale en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 " et une partie B intitulée " Procédure de Dublin - Informations pour les demandeurs d'une protection internationale dans le cadre d'une procédure de Dublin en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ".

4. Pour annuler l'arrêté litigieux, le magistrat désigné a considéré que, s'il ressortait des pièces du dossier que Mme A... s'était vue remettre le 27 novembre 2020 des brochures en langue bambara, qu'elle a alors signées, contenant les informations visées au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'intéressée faisait cependant valoir qu'elle ne savait pas lire le bambara et que les brochures ne lui avaient pas été traduites à l'oral, ce que l'administration ne contestait pas, que Mme A... était ainsi fondée à soutenir qu'elle n'avait pu prendre connaissance de l'ensemble des informations écrites que ces brochures contenaient, que les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) 604/ 2013 avaient ainsi été méconnues et que l'intimée avait été en conséquence privée d'une garantie préalablement à l'adoption de la décision attaquée.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A... s'est vue remettre le

27 novembre 2020 les brochures " A " et " B " intitulées respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", contenant les informations sur la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 susvisé ainsi que le guide du demandeur d'asile. Les brochures A et B remises à l'intéressée étaient rédigées en langue bambara qu'elle a déclaré comprendre, à défaut de comprendre le français. Faute de traduction existante en langue bambara de la brochure " Eurodac " et du guide du demandeur d'asile, les informations contenues dans ces documents ont été portées oralement à la connaissance de Mme A... avec le concours d'un interprète en langue bambara de l'organisme de traduction ISM, ainsi qu'en atteste la signature portée par l'intéressée sur la première page de chaque document. Si Mme A... a invoqué son illettrisme pour la première fois lors de l'audience qui s'est tenue devant le magistrat désigné, il ressort des pièces du dossier que les termes de la documentation remise ont été comprises par l'intimée dès lors que celle-ci n'a pas formulé de réserve et en a accusé réception en les signant de son nom. Les brochures dont s'agit lui ont par ailleurs été remises à l'issue de l'entretien individuel durant lequel elle était également assistée d'un interprète d'ISM-Interprétariat en langue bambara et il ressort du compte-rendu signé de cet entretien que l'intéressée atteste que l'information sur les règlements communautaires lui a été remise et qu'elle a compris la procédure engagée à son encontre. Dès lors, les dispositions de l'article 4 du règlement

n° 604/2013 n'ont pas été méconnues et le préfet de police est, en conséquence, fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal a estimé que Mme A... avait été privée d'une garantie et que la décision de transfert était intervenue au terme d'une procédure irrégulière.

6. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par

Mme A... à l'appui de ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2020.

Sur les autres moyens soulevés par Mme A... :

7. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui n'avait pas à faire référence à l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, vise les dispositions dont il fait application et notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il mentionne que Mme A... a été identifiée comme ayant franchi irrégulièrement les frontières de l'Espagne le 2 décembre 2019 et que les autorités de ce pays devaient ainsi être regardées comme responsables de la demande d'asile, avaient été saisies aux fins de prise en charge le 1er septembre 2020 sur le fondement des dispositions de l'article 13-1 du règlement précité et avaient donné leur accord le 7 septembre suivant. Il fait en outre état de la situation personnelle et familiale de l'intéressée en France et indique que celle-ci n'est exposée à aucun risque en cas de retour dans l'Etat responsable de sa demande d'asile. Ainsi, l'arrêté attaqué comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation particulière de Mme A....

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin

2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a bénéficié d'un entretien individuel le 27 novembre 2020, mené par un agent de la direction de la police générale dans les locaux de la préfecture de police. Le compte-rendu de cet entretien comporte la mention, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, selon laquelle cet agent était " qualifié " et la requérante n'apporte aucune précision à l'appui de son allégation selon laquelle tel n'aurait pas été le cas, ni aucun élément quant aux conséquences de cette prétendue absence de qualification, alors qu'il résulte du résumé de l'entretien qu'elle a pu apporter les précisions utiles sur sa situation personnelle. En outre, ainsi qu'il a été dit, cet entretien s'est déroulé en présence d'un interprète en langue bambara, langue que l'intimée a déclaré comprendre. Dès lors, les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 n'ont pas été méconnues.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".

12. Ainsi qu'il a été dit au point 10, Mme A... a bénéficié lors de son entretien individuel, ainsi que le permettent les dispositions citées ci-dessus, des services d'un interprète en langue bambara de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. Le nom de cet interprète et la dénomination de cet organisme lui ont été indiqués dans le compte rendu de l'entretien. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en conséquence, être écarté.

13. En cinquième lieu, si la requérante soutient que ses deux filles risquent d'être victimes d'excision en cas de retour en Côte d'Ivoire où cette pratique est répandue, la décision contestée a seulement pour objet de renvoyer l'intéressée en Espagne, État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort d'aucune pièce des dossiers que les autorités espagnoles n'évalueront pas les risques de mauvais traitements dont Mme A... se prévaut en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes

duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

16. D'une part, l'Espagne, ainsi qu'il a été rappelé, Etat membre de l'Union européenne, est partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugiés, complétée par le protocole de New-York et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mme A... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques dans ce pays dans la procédure d'asile et que les autorités espagnoles ne traiteraient pas sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

17. D'autre part, si la requérante expose que ses filles sont prises en charge par les services de la protection maternelle infantile en France et que cette prise en charge doit se poursuivre en France, les éléments versés au dossier ne suffisent pas à démontrer qu'elle-même et ses enfants seraient confrontées, eu égard à leur situation particulière, à une situation de dénuement matériel extrême en cas de transfert vers l'Espagne. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 décembre 2020, lui a enjoint de réexaminer la demande d'asile de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les articles 2, 3 et 4 de ce jugement doivent donc être annulés et la demande de première instance de Mme A... doit être rejetée.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2021651/8 du 25 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris, à l'exception de ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2021.

Le rapporteur,

M-D. B...Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 08PA04258

2

N° 21PA00979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00979
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : NOMBRET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-25;21pa00979 ?
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