Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
27 février 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2005450/6-1 du 11 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions contenues dans l'arrêté du 27 février 2020 du préfet de police, a enjoint à ce dernier de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2011, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°2005450/6-1 du 11 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. C... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. C... en ne procédant pas à une régularisation exceptionnelle de son droit au séjour en qualité de "salarié" au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés par M. C... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2021, M. C..., représenté par
Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la décision portant refus de titre était illégale au regard des pièces justificatives qu'il a produites, sans que l'atteinte portée à l'ordre public lui soit opposable ;
- l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant malien né le 18 mai 1979, entré en France le 11 février 2012 muni d'un visa Schengen de court séjour, a sollicité courant 2019 auprès du préfet de police son admission exceptionnelle au séjour, en tant que salarié, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 27 février 2020, le préfet de police a pris à son encontre un arrêté portant refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter la France dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. Le préfet de police fait appel du jugement du 11 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions contenues dans l'arrêté du 27 février 2020 et lui a enjoint de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ".
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article
L. 313-2. ". Il résulte de ces dispositions qu'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, doit conduire l'autorité administrative à vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
3. Pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont estimé que M. C... établissait par les pièces versées au dossier son entrée en France en 2012 et sa présence régulière sur le territoire national depuis 2014 au plus tard, qu'il établissait également exercer une activité professionnelle continue depuis avril 2014 au sein de la même entreprise en qualité de caissier puis de responsable de rayon moyennant un salaire supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance ainsi qu'en attestent ses bulletins de salaire et ses avis d'imposition et que, s'il avait utilisé de faux papiers faisant mention d'une nationalité portugaise pour conclure, en 2014, un contrat de travail à durée indéterminée, cette circonstance ne permettait pas de caractériser une menace pour l'ordre public au sens et pour l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ils ont ensuite estimé que l'attestation de concordance et les autres pièces produites établissaient que l'intéressé avait bien travaillé depuis 2014 et que, dans ces conditions, le préfet de police, en refusant de faire droit à la demande de M. C..., avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14, dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.
4. Le préfet de police fait toutefois valoir, à bon droit, que la durée de la présence en France de M. C..., au demeurant seulement établie à compter de 2014 et en l'absence de démarche de sa part aux fins de régularisation de sa situation avant 2019, ne lui ouvre par elle-même aucun droit particulier. Si l'intéressé se prévaut de son emploi auprès de la société "Leader Price" depuis 2014, d'abord en qualité de caissier puis, désormais, de responsable de rayon, d'une part, lorsque l'intéressé a entamé ses démarches aux fins de régularisation, le formulaire Cerfa produit était établi non par cette société, mais par la société "Boucherie 3 000 SAS" pour occuper un poste d'employé libre-service, d'autre part, les pièces produites sont incohérentes dès lors qu'elles sont constituées tant d'un contrat de travail et de fiches de paye établis par la société Leader Price que de contrats de mission établis par la société d'intérim Adecco. Il s'agit, par ailleurs et en tout état de cause, d'emplois qui ne revêtent pas de spécificité particulière. Enfin, célibataire et sans enfant à charge, hébergé par un tiers, M. C... ne fait état d'aucune intégration sociale particulière et ne justifie pas être dépourvu de liens avec son pays, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté pour les motifs rappelés au point 3.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif et en appel.
Sur les autres moyens invoqués par M. C... :
6. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
7. L'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles article L. 313-14 et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que l'intéressé, ressortissant malien, entré en France le 11 février 2012, au regard de la durée de son séjour en France et de ses qualifications, de sa situation professionnelle depuis son entrée sur le territoire national alors qu'il a été recruté sur la base de faux papiers, ne justifie d'aucun motif exceptionnel ou de considération humanitaire au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise ensuite que M. C..., célibataire et sans charge de famille en France, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans et où résident sa mère et sa fratrie. L'arrêté mentionne, enfin, que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, de résidence habituelle où il est effectivement admissible. Dans ces conditions, les décisions contestées comportent l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait exigées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
8. Pour les mêmes motifs qui ceux énoncés au point 4, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme que M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés, et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2005450/6-1 du tribunal administratif de Paris du 11 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme B..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2021.
Le rapporteur,
M-D. B...Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 21PA00186