La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/05/2021 | FRANCE | N°21PA00276

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 mai 2021, 21PA00276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 6 novembre 2020 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités slovènes.

Par jugement n° 2019230/8 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. B... à l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 6 novembre 2020, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai d

e dix jours à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 6 novembre 2020 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités slovènes.

Par jugement n° 2019230/8 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. B... à l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 6 novembre 2020, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me E... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat ou, dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. B..., la somme de 1 000 euros à verser à M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2019230/8 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le motif d'annulation retenu par le premier juge est infondé dès lors qu'il pouvait, sans méconnaître l'article 18-1 b) ou l'article 3 du règlement Dublin, saisir les autorités slovènes d'une demande de reprise en charge de la demande de M. B..., dès lors que d'une part, la Slovénie était bien le premier pays dans lequel M. B... a déposé une demande d'asile et, d'autre part, qu'en tout état de cause, les autorités slovènes ont décidé de procéder à l'examen de cette demande ;

- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, le motif d'annulation retenu par le premier juge n'impliquait pas la délivrance d'une attestation de demande d'asile en procédure normale dès lors que la situation de l'intéressé, qui a demandé l'asile en Slovénie et en France sous des identités différentes, entrait dans le champ du 2° du III de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2021, M. B..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Par une décision du 7 avril 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant afghan, reçu par les services de la préfecture le 24 septembre 2020, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 6 novembre 2020, le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités slovènes. Le préfet de police relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. B..., cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

2. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le chapitre III de ce règlement est intitulé " Critères de détermination de l'Etat responsable ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 18 du même règlement, intégré dans le chapitre V du règlement, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable " : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".

4. L'arrêté du 6 novembre 2020 du préfet de police, qui fonde la remise de M. B... aux autorités slovènes sur les dispositions de l'article 18-1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatives à la reprise en charge d'un demandeur d'asile par un Etat membre de l'Union européenne, expose notamment que celui-ci a présenté une demande de protection internationale successivement en Grèce puis en Slovénie avant de solliciter l'asile auprès des autorités françaises et porte l'appréciation selon laquelle les critères mentionnés au chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont pas applicables à sa situation. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour annuler cet arrêté, le premier juge a déduit de ces circonstances que les dispositions de l'article 18-1 de ce règlement devaient être combinées avec celles de l'article 3 du même règlement et a estimé qu'en application de la combinaison de ces dispositions l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B... était non pas la Slovénie mais le premier État membre auprès duquel il avait introduit sa demande de protection internationale, c'est-à-dire la Grèce.

5. D'une part, il ressort toutefois de la jurisprudence du Conseil d'État (avis n° 420900 du 7 décembre 2018) et de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt n° C-582/217 et C-583/17 du 2 avril 2019) que les dispositions de l'article 18-1, b) à d) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doivent être regardées comme figurant au nombre des critères énumérés dans le règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile auprès d'un ou de plusieurs États membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre État membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet État de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b), c) ou d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, sa situation ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement, qui concernent le cas dans lequel aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées par les services du ministère de l'intérieur dans le fichier " Eurodac " à partir des relevés décadactylaires de M. B..., comme le compte-rendu de l'entretien individuel de l'intéressé, ont permis d'établir qu'il est entré irrégulièrement en Grèce, puis s'est rendu en Slovénie où il a présenté, le 20 juillet 2020, une demande d'asile. En décidant d'examiner la demande d'asile de M. B... alors qu'il avait antérieurement franchi irrégulièrement les frontières de la Grèce, les autorités slovènes ont reconnu leur responsabilité pour examiner cette demande, mettant ainsi fin au processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande prévu par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces autorités ont de plus explicitement accepté, le 13 octobre 2020, de reprendre en charge M. B... sur le fondement de l'article 18-1 b) de ce règlement.

7. Par suite, en vertu de la règle énoncée au point 5, la situation de M. B... ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 en application desquelles, lorsqu'aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de cette demande.

8. D'autre part, en tout état de cause, et ainsi que le fait valoir le préfet de police en appel, il ressort du relevé " Eurodac " que M. B... n'a jamais sollicité l'asile en Grèce, ses empreintes ayant uniquement été enregistrées dans le cadre du franchissement irrégulier des frontières de ce pays (" hit 2 ").

9. Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 novembre 2020 au motif que les dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 devraient être combinées avec celles de l'article 18-1 d) de ce règlement, de sorte que la Grèce, et non la Slovénie, serait responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B....

10. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal :

11. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00799 du 1er octobre 2020, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris du 9 octobre 2020, le préfet de police a donné à Mme G... C..., attachée principale d'administration de l'Etat au sein du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police et signataire de l'arrêté contesté, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Et aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

14. En outre, selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

15. La décision de transfert en litige vise, notamment, le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que M. B..., de nationalité afghane, a demandé l'asile en France le 24 septembre 2020, que la comparaison de ses empreintes digitales au moyen du système " Eurodac " a révélé qu'il avait sollicité l'asile auprès des autorités grecques le 16 octobre 2019 et auprès des autorités slovènes le 20 juillet 2020, expose que les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à sa situation et que les autorités slovènes doivent être regardées comme responsables de sa demande d'asile. En outre, elle précise que ces autorités, qui ont été saisies le 30 septembre 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 ont fait connaître leur accord le 13 octobre 2020 sur le même fondement de ce règlement. Ainsi, au regard des précisions apportées par l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil, rappelées au point 9, la décision expose, de façon suffisamment précise, les considérations de droit et de fait qui ont conduit le préfet de police à estimer, sur le fondement des dispositions de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que la Slovénie est responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B.... Si l'arrêté n'expose pas en détail les raisons pour lesquelles le préfet de police a saisi les autorités slovènes d'une demande de reprise en charge du requérant plutôt que les autorités grecques et décidé la remise de M. B... aux autorités slovènes et non aux autorités grecques, sa motivation a été suffisante pour permettre à M. B... de contester utilement, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté, le bien-fondé de la détermination de l'Etat désigné et celui du critère retenus par le préfet de police. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée ne satisferait pas à l'exigence de motivation posée aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

16. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de police a procédé à un examen sérieux de la situation de M. B... avant de décider de son transfert aux autorités slovènes.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

18. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées et telle qu'elle figure à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

19. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre contre signature, le 24 septembre 2020, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), conformes à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 qui a modifié sur ce point l'article 16 bis du règlement (CE) n° 1560/2003, le guide du demandeur d'asile et la brochure Eurodac. Ces documents sont rédigés en langue dari, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. La circonstance que ces documents lui ont été remis le jour de l'entretien individuel du 24 septembre 2020, après le relevé de ses empreintes, n'est pas de nature à établir qu'il aurait été privé d'une garantie procédurale quant à son droit à l'information prévu à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces brochures ne lui auraient pas été remises en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

20. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermi­nation mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantis­sant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations four­nies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

21. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du résumé de l'entretien individuel dont M. B... a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, que l'intéressé a bénéficié d'un tel entretien le 24 septembre 2020 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue dari, langue que l'intéressé, ainsi qu'il a été dit, n'a ni allégué ni établi ne pas comprendre et que cet entretien a été mené par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police, personne qualifiée au sens des dispositions du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. En outre, il ressort du résumé de l'entretien que M. B... a eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable alors que l'intéressé ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

22. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 26 juin 2013, établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...). / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ".

23. M. B... soutient qu'il justifie d'une circonstance humanitaire dès lors qu'il fait l'objet d'une prise en charge médicale et d'un suivi par le centre de diagnostic et de thérapeutique de l'Hôtel-Dieu à Paris. Toutefois, la seule production d'une convocation à un examen de radiologie ainsi que d'une ordonnance prescrivant à l'intéressé un anti-inflammatoire et un antibiotique ne permettent pas de considérer que M. B... justifierait d'une circonstance humanitaire au sens des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. En outre, M. B... n'établit pas ni même n'allègue qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée à son état de santé en Slovénie. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'appliquer les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 6 novembre 2020 décidant la remise aux autorités slovènes de M. B..., lui a enjoint de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement. Les conclusions d'appel de M. B... ne peuvent donc qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2019230/8 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. B... en première instance et en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente,

- Mme D..., première conseillère,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2021.

La présidente de la 8ème chambre,

H. VINOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00276


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00276
Date de la décision : 20/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MESUROLLE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-20;21pa00276 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award