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20/05/2021 | FRANCE | N°20PA01787

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 mai 2021, 20PA01787


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 octobre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom de " F... " celui de " de l'Arbre ".

Par un jugement n° 1822673 du 18 juin 2020 le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande d'annulation de la décision attaquée, et a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, d'examiner à nouveau la demande de Mme F.

.. dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 octobre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom de " F... " celui de " de l'Arbre ".

Par un jugement n° 1822673 du 18 juin 2020 le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande d'annulation de la décision attaquée, et a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, d'examiner à nouveau la demande de Mme F... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 20 juillet 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 15 octobre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le nom sollicité en la forme " de l'Arbre " ne peut être relevé dès lors qu'il n'est pas porté à l'état civil français, le père de Mme F... ayant perdu la nationalité française le 22 février 2007 ;

- dès lors que eul un arbre généalogique en ligne directe a été produit ; Mme F... ne justifie ainsi pas du risque d'extinction du nom " de l'Arbre ", des collatéraux ayant pu également faire rectifier l'orthographe de leur nom ;

- Mme F... ne justifie pas d'un motif affectif et identitaire exceptionnel ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2020, Mme F..., représentée par Me B..., conclut au rejet du recours, à ce qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de présenter au Premier ministre un projet de décret autorisant le changement de nom sollicité dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen invoqué tiré d'un doute sur la nationalité française de sa grand-mère n'a pas été soulevé ni dans la décision contestée, ni en première instance ;

- il n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5 ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... F..., née le 20 juillet 1983, a présenté au garde des sceaux, ministre de la justice, une demande tendant à substituer à son nom de famille celui de son père, " de l'Arbre ". Sa demande a été rejetée par le ministre le 15 octobre 2018. Par un jugement du 18 juin 2020 contre lequel le garde des Sceaux, ministre de la justice fait appel, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision, a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, d'examiner à nouveau la demande de Mme F... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré (...) ".

3. D'une part, ces dispositions, qui visent seulement à permettre de relever un nom menacé d'extinction dans la famille du demandeur, n'imposent aucune condition tenant à sa transcription dans l'état civil français, non plus qu'à la nationalité du dernier porteur de ce nom. Le garde des sceaux, ministre de la justice ne pouvait donc, sans commettre d'erreur de droit, rejeter la demande de l'intimée au motif que son père avait perdu la nationalité française le 22 février 2007 et pris la nationalité monégasque. D'autre part, un tel relèvement d'un nom ne saurait s'appliquer à un nom d'usage, mais suppose qu'il soit établi que le nom en cause a été légalement porté, ou pouvait l'être en dépit d'une altération irrégulière du patronyme originel du fait de l'administration, par un ascendant ou par un collatéral jusqu'au quatrième degré de celui qui demande à changer de nom. Enfin, l'extinction d'un nom doit notamment être regardée comme établie lorsque le nom en cause n'a pu être transmis, ou risque manifestement de ne plus l'être, dans aucune autre branche collatérale de l'ascendant ou du collatéral dont le relèvement du nom est sollicité. La démonstration de cette menace d'extinction s'établit généralement et avec la plus grande plausibilité, mais sans que ce mode de preuve revête un caractère exclusif, au vu des éléments de généalogie afférents au degré de parenté immédiatement supérieur à celui du titulaire du nom revendiqué et des lignes collatérales qui en sont éventuellement issues. La menace d'extinction s'apprécie, en outre, à la date de la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, décide ou non de faire droit à la demande dont il est saisi, au regard des éléments dont il dispose.

4. À supposer même que l'administration ait entendu, en l'espèce, demander à la Cour de procéder à une substitution de motif en faisant valoir que Mme F... ne justifierait pas du risque d'extinction du nom " de l'Arbre ", il ressort des pièces du dossier que les ascendants de Mme F... portaient le nom " D... ", et que son père en a obtenu la modification en " de l'Arbre " par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Bourg en Bresse en date du 2 décembre 1987, qui a relevé que ce patronyme correspondait à celui porté par ses ancêtres avant la Révolution française et qu'il avait un " intérêt historique certain à être rétabli dans l'orthographe exacte de son nom ". Dans ces conditions, Mme F... doit être regardée comme établissant de la manière la plus plausible, et alors que le garde des sceaux, ministre de la justice, ne le conteste pas sérieusement, que son père, dont elle est l'unique enfant, est le seul de sa famille à porter le nom " de l'Arbre " et, par suite, que ce nom est menacé d'extinction.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 15 octobre 2018 rejetant la demande de changement de nom de Mme F.... Son recours doit donc être rejeté.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme F... :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. L'annulation de la décision litigieuse pour les motifs retenus ci-dessus aux points 2 à 4 impliquant nécessairement que le garde des sceaux, ministre de la justice, présente au Premier ministre un projet de décret autorisant Mme F... à changer son nom en " de l'Arbre ", il y a donc lieu de réformer l'article 2 du jugement attaqué, qui s'est limité à lui enjoindre d'examiner de nouveau la demande de l'intéressée, et d'enjoindre audit ministre d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État (ministère de la justice) le versement à Mme F... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du garde des sceaux, ministre de la justice, est rejeté.

Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de présenter au Premier ministre un projet de décret autorisant Mme F... à changer son nom en " de l'Arbre ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt

Article 3 : L'article 2 du jugement n° 1822673 du 18 juin 2020 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Mme F..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à Mme G... F..., épouse C....

Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. Gobeil, premier conseiller,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 mai 2021.

Le président de la formation de jugement,

S. DIÉMERT

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20PA01787


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01787
Date de la décision : 20/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS ASKESIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-20;20pa01787 ?
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