Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé à la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône d'annuler les décisions du 9 décembre 2011 par lesquelles le président du conseil général de ce département a rejeté ses recours formés contre le titre exécutoire émis le 11 octobre 2011 pour la récupération d'un indu d'allocation de revenu minimum d'insertion de 6 111,95 euros au titre de la période du 1er mars 2008 au 31 mai 2009 et contre le titre exécutoire émis le 10 octobre 2011 pour la récupération d'un indu de revenu de solidarité active de 3 246,12 euros au titre de la période du 1er juin 2009 au 30 juin 2010.
Par une décision du 24 octobre 2016, la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande.
Par une décision n° 170084 du 20 juin 2018, la Commission centrale d'aide sociale a annulé la décision du 24 octobre 2016 de la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône, a rejeté le recours de Mme A... relatif à l'indu d'allocation de revenu minimum d'insertion et l'a renvoyée devant le tribunal administratif compétent s'agissant des conclusions de sa demande portant sur l'indu de revenu de solidarité active.
Par une décision n° 425471 du 24 juillet 2019, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé l'article 2 de la décision du 20 juin 2018 de la Commission centrale d'aide sociale rejetant le recours de Mme A... relatif à la répétition de l'indu d'allocation de revenu minimum d'insertion de 6 111,95 euros, et a renvoyé l'affaire, dans la mesure de la cassation prononcée, devant la cour administrative d'appel de Paris.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 février 2017 et 24 avril 2017 au secrétariat de la Commission centrale d'aide sociale, et un mémoire enregistré le 2 mars 2021 au greffe de la cour, Mme A..., représentée par Me D..., demande l'annulation de la décision du 9 décembre 2011 par laquelle le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a rejeté son recours formé contre le titre exécutoire émis le 11 octobre 2011 pour la récupération d'un indu d'allocation de revenu minimum d'insertion de 6 111,95 euros au titre de la période du
1er mars 2008 au 31 mai 2009, ainsi que la mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle s'est trouvée sans ressources après avoir été escroquée par son frère, qui a bloqué la succession de ses parents, et par les vendeurs de sa maison, qui comportait des vices cachés rendant son utilisation impossible pour l'exercice de son activité professionnelle de psychologue ;
- la caisse d'allocations familiales, à laquelle elle n'a jamais dissimulé aucun élément de son patrimoine, était informée de sa situation ;
- elle remplissait les conditions lui permettant de percevoir le revenu minimum d'insertion au cours de la période allant du 1er mars 2008 au 31 mai 2009, dès lors notamment que son patrimoine, sa maison et son appartement, ne lui procuraient aucun revenu, et qu'elle n'a vendu son appartement qu'en mai 2010 ;
- elle a perçu une allocation de revenu minimum d'insertion de 394,16 euros par mois du 1er mars 2008 au 31 mai 2009, soit un total de 5 912,40 euros, auquel s'ajoute la somme de 152,45 euros correspondant à la prime de fin d'année 2009, soit 6 064,85 euros ; or, le département des Bouches-du-Rhône a émis un titre exécutoire aux fins de recouvrement d'un indu de revenu minimum d'insertion pour la même période d'un montant de 6 111,95 euros, excédant ce qu'elle a perçu.
La requête a été communiquée au département des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a bénéficié de l'allocation de revenu minimum d'insertion du 1er mars 2008 au 31 mai 2009. À la suite d'un contrôle réalisé en juin 2010, la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône a décidé, le 29 juillet 2010, la récupération d'un indu au titre des allocations ainsi perçues. Le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a ensuite émis, le 11 octobre 2011, un titre exécutoire pour le recouvrement de la somme de 6 111,95 euros au titre d'un trop-perçu de revenu minimum d'insertion, puis il a rejeté, par décision du 9 décembre 2011, le recours administratif préalable formé par Mme A... contre ce titre. Celle-ci a contesté cette dernière décision devant la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône, qui a rejeté sa demande le 24 octobre 2016. Par une décision du 20 juin 2018, sur son appel, la Commission centrale d'aide sociale a notamment annulé la décision de la commission départementale du 24 octobre 2016. Saisi d'un pourvoi en cassation de Mme A..., le Conseil d'État a annulé l'article 2 de la décision de la Commission centrale, qui rejetait ses conclusions portant sur l'indu de revenu minimum d'insertion de 6 111,95 euros, et a renvoyé l'affaire devant la cour de céans.
2. Aux termes de l'article L. 262-41 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable à l'indu de revenu minimum d'insertion en litige : " Tout paiement indu d'allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire (...) ". Aux termes de l'article R. 262-73 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si l'allocataire opte pour le remboursement de l'indu en une seule fois ou si un échéancier a été établi avec son accord, l'organisme payeur procède au recouvrement de tout paiement indu d'allocation ou de prime forfaitaire par retenue sur le montant des allocations ou des primes forfaitaires à échoir dans la limite de 20 % de ces allocations ou primes forfaitaires. / A défaut de récupération sur les allocations ou primes forfaitaires à échoir, le président du conseil général constate l'indu et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement. (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 262-10 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " L'ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d'insertion est pris en compte pour le calcul de l'allocation (...) ". L'article R. 262-3 du même code précisait que les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l'allocation de revenu minimum d'insertion " comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant à la présente sous-section, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, (...) et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux ". Enfin, aux termes de l'article R. 262-9 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Les ressources prises en compte pour le calcul de l'allocation sont égales à la moyenne trimestrielle des ressources perçues au cours des trois mois précédant la demande ou la révision (...) ". Pour l'application de ces dispositions, lorsque l'allocataire est propriétaire d'un bien immobilier pour lequel il perçoit des loyers, les revenus à prendre en compte au titre des ressources effectivement perçues sont constitués du montant des loyers, duquel il convient de déduire les charges supportées par le propriétaire à l'exception de celles qui contribuent directement à la conservation ou à l'augmentation du patrimoine, telles que, le cas échéant, les remboursements du capital de l'emprunt ayant permis son acquisition.
4. Il appartient au juge de l'aide sociale, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non seulement d'apprécier la légalité de la décision ordonnant la récupération d'un indu mais de se prononcer lui-même sur la décision rejetant explicitement ou implicitement la demande du bénéficiaire de la prestation tendant à la remise ou à la modération, à titre gracieux, de la somme ainsi mise à sa charge, en recherchant si, au regard de l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre partie à la date de sa propre décision, la situation de précarité de l'intéressé et sa bonne foi justifient une telle mesure.
5. Pour rejeter la demande de remise gracieuse présentée par Mme A..., le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a estimé qu'elle ne se trouvait pas en situation de précarité, dès lors notamment qu'elle avait acquis comptant un bien immobilier. Toutefois, il résulte de l'instruction, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par le département des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense, que Mme A..., en mars 2008, ne percevait plus aucun revenu professionnel, ayant cessé l'activité de psychologue libérale qu'elle exerçait à Redon avant de s'installer à Eguilles. Par ailleurs, les revenus locatifs d'un bien immobilier situé à Paris, acquis dans le cadre du dispositif dit " Perissol " en 1999, étaient entièrement consacrés au remboursement du prêt contracté pour son financement. Si elle a enfin repris une activité de vente directe de produits de santé auprès de la société Forever Living Products en septembre 2008, il n'est pas contesté qu'elle n'en tirait qu'un bénéfice moyen d'environ 41 euros mensuels. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, Mme A... est fondée à soutenir qu'en rejetant, par une décision du 9 décembre 2011, le recours administratif qu'elle a formé contre la décision de récupération d'indu émise à son encontre, l'autorité territoriale a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation financière, et à demander, par suite, son annulation ainsi que la décharge de l'indu litigieux.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône le versement de la somme de 1 000 euros à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 9 décembre 2011 du président du conseil général des Bouches-du-Rhône est annulée.
Article 2 : Le département des Bouches-du-Rhône versera la somme de 1 000 euros à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au département des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021.
Le rapporteur,
G. B...Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02481