Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler la décision du 13 février 2019 par laquelle le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités suédoises responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'enjoindre, à titre principal, au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de le mettre en mesure de saisir l'OFPRA en lui remettant le formulaire prévu à l'article R.723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me A... en application de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1903720/8 du 8 juillet 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 août 2019 et 5 décembre 2019, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné s'est fondé sur une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, il n'a délivré une attestation de demande d'asile en procédure normale à l'intéressé que pour exécuter le jugement attaqué ;
- les autres moyens soulevés devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif ne sont pas fondés.
Par un arrêt n°19PA02707 du 24 octobre 2019, la cour a ordonné le sursis à l'exécution de ce jugement jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête formée par le préfet de police contre ce jugement.
Par un courrier du 23 mars 2021, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré d'un non-lieu à statuer sur la requête du préfet de police dans la mesure où l'arrêté de transfert du 13 février 2019 n'est plus susceptible d'exécution (décision du Conseil d'Etat n° 420708 du 24 septembre 2018).
Par deux mémoires en défense enregistrés les 29 novembre 2019 et 25 mars 2021,
M. C..., représenté par Me A..., conclut, à titre principal au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat.
Il soutient que :
- les conclusions du préfet de police sont désormais dépourvues d'objet dès lors qu'il a été placé en procédure normale et que l'arrêté de transfert n'est plus susceptible d'exécution ;
- le moyen d'annulation retenu par le tribunal, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement UE 604/2013, est fondé ;
- les autres moyens de sa requête initiale sont également fondés.
Par un mémoire, enregistré le 26 mars 2021, le préfet de police a répondu au moyen d'ordre public soulevé par la cour en exposant que le délai de six mois tel que prévu par les dispositions de l'article 29 du règlement n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du
26 juin 2013 avait expiré le 11 janvier 2020, en conséquence de quoi la France était devenue responsable de la demande d'asile présentée par M. C... et les conclusions dirigées contre l'arrêté du 13 février 2019 devenues sans objet ; que le tribunal ayant annulé son arrêté à tort, il maintenait en revanche ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 4 du jugement.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 13 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951,
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003,
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,
- la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990,
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan né en 1997, a sollicité le 13 décembre 2018 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités suédoises le 9 novembre 2015. Saisies par le préfet de police d'une demande de reprise en charge le 10 janvier 2019, les autorités suédoises ont donné leur accord le 14 janvier suivant, sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de police a alors décidé, par un arrêté du 13 février 2019, de leur remettre M. C.... Le préfet de police relève appel du jugement du 8 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité ". L'article 3 de ce règlement dispose : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Il en résulte que le préfet n'est pas tenu de justifier, dans l'arrêté en litige, des raisons pour lesquelles il décide de ne pas en faire application.
3. Pour annuler l'arrêté en litige comme reposant sur une erreur manifeste dans la mise en oeuvre du pouvoir d'appréciation que le préfet de police tient de l'article 17 précité du règlement du 26 juin 2013, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que la demande d'asile de M. C... avait été définitivement rejetée par une décision de la Cour administrative d'appel de Stockholm du 1er juin 2017 et que la remise de l'intéressé aux autorités suédoises aurait pour conséquence un réacheminement vers l'Afghanistan où il serait exposé au risque de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de son appartenance à la communauté Hazara, persécutée dans ce pays. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Suède et non dans son pays d'origine. La Suède, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. C... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques dans ce pays dans la procédure d'asile ou que les juridictions suédoises n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. C... ne pourrait faire valoir le cas échéant des éléments nouveaux pour solliciter des autorités suédoises le réexamen de sa demande d'asile ni que ces autorités, alors même que la demande d'asile de M. C... aurait été définitivement rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de ce dernier, les risques auquel il serait exposé en cas de retour en Afghanistan.
4. Ainsi, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a retenu les moyens tirés de ce que l'arrêté méconnaitrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation commise dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 pour annuler l'arrêté en litige.
5. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. C....
Sur les autres moyens :
6. En premier lieu, par un arrêté n°2018-00802 du 20 décembre 2018, régulièrement publié le 21 décembre 2018 au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris, le préfet de police a donné délégation à M. Djilali Guerza, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 12ème bureau, signataire de l'arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) 604/2013 : " Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 ". En outre, en vertu de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien, de placement ou de transfert. Ces mentions font foi sauf preuve contraire.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre le 14 décembre 2018 les brochures " A " et " B " contenant les informations sur la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile prévues par l'article 4 du règlement du
26 juin 2013 susvisé ainsi que le guide du demandeur d'asile, en langue dari qu'il a lui-même déclaré comprendre. Enfin, il a été assisté d'un interprète en langue dari lors de l'entretien individuel ainsi que lors de la notification de l'arrêté attaqué. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le dari n'a pas été utilisé tout au long de la procédure de transfert conformément aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il n'a pas bénéficié, dans une langue qu'il comprend, de l'information prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement précité.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
10. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. En l'espèce, ni le résumé de l'entretien individuel dont a bénéficié M. C... le 14 décembre 2018, qui porte seulement le tampon du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, ni aucune autre pièce du dossier ne permettent de déterminer l'identité et la qualité de l'agent ayant mené celui-ci. Toutefois, il ne se déduit d'aucune pièce du dossier que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée et M. C..., assisté d'un interprète, a eu la possibilité, lors de cet entretien, de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. Par suite, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent qui a mené l'entretien individuel n'a pas privé M. C... d'une garantie et n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit, dès lors, être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article. L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié, ainsi qu'il a déjà été dit, lors de l'entretien individuel du 14 décembre 2018, des services téléphoniques d'un interprète en langue dari, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, appartenant à l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ont été indiqués par écrit à l'intéressé, qui n'allègue ni n'établit que celui-ci n'a pas assuré une bonne communication entre lui et l'agent ayant mené l'entretien. Si M. C... soutient que le préfet ne justifie pas de la nécessité de recourir à un interprète par téléphone, il ne se prévaut en tout état de cause d'aucun élément de fait ou de droit de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de transfert aux autorités suédoises que les circonstances contestées n'auraient pas permis de prendre en compte utilement. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
13. En cinquième lieu, l'arrêté en litige vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il précise en outre que M. C... a demandé l'asile en Suède le 9 novembre 2015 et que les autorités suédoises, saisies le 10 janvier 2019 sur le fondement du paragraphe 1, b), de l'article 18 de ce règlement, ont accepté de le reprendre en charge le 14 janvier 2019 sur le fondement du paragraphe 1, d), du même article. Il ressort ainsi de la motivation même de cet arrêté que la situation personnelle de M. C... a été suffisamment examinée, sans qu'il fût besoin pour le préfet de police de faire état de la situation personnelle complète de l'intéressé et de mentionner le rejet de sa demande d'asile en Suède.
14. En sixième lieu, aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 19 de la même charte : " (...) Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ". ".
15. Si M. C... soutient être exposé à des traitements contraires aux stipulations précitées en cas de retour dans ce pays, il ne saurait utilement invoquer les risques encourus en cas de retour en Afghanistan pour contester la légalité de la décision préfectorale qui ne le renvoie pas vers son pays d'origine. Par suite, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 3, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées des articles 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ni celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. En dernier lieu, M. C... soulève en cause d'appel, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 34 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, la circonstance que le préfet n'aurait pas communiqué avec les autorités suédoises. Toutefois, un tel moyen est inopérant dès lors que les dispositions dudit article, qui ouvrent aux États membres la faculté de se communiquer mutuellement des informations relatives aux demandeurs de protection internationale, ne permettent pas à ces demandeurs d'exiger cette communication. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'expiration du délai de transfert :
17. Le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ".
18. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
19. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'État requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'État requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
20. Il ressort de ce qui précède que si le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder au transfert de M. C..., fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, a commencé à courir à compter de la décision d'acceptation de la reprise en charge de l'intéressé par la Suède le 14 janvier 2019, il a été interrompu le 22 février 2019 par la présentation d'une requête devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police ordonnant la remise de l'intéressé aux autorités suédoises. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du 11 juillet 2019, date à laquelle le préfet de police a reçu notification du jugement. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorité préfectorale aurait décidé de porter à un an ou dix-huit mois le délai, en tout état de cause expiré, de transfert de l'intéressé après avoir constaté qu'il aurait été emprisonné ou aurait pris la fuite. Il n'en ressort pas davantage que la décision contestée aurait été matériellement exécutée. Dans ces conditions, la décision de transfert de l'intéressé aux autorités suédoises est devenue caduque dès le 11 janvier 2020. Par suite, à la date du présent arrêt, la Suède a été libérée de son obligation de reprise en charge de l'intéressé et la responsabilité de l'examen de sa demande d'asile a été transférée à la France. La requête de M. C... est, dès lors, devenue sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
21. Il résulte de l'ensemble de tout ce qui précède que le préfet de police est seulement fondé à demander l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 4 du jugement n° 1903720/8 du 8 juillet 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les autres conclusions de la requête d'appel du préfet.
Article 3 : Les conclusions de M. C... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mohammad Hassan C.... Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 20 avril 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme B..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.
Le rapporteur,
M-D. B...Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 19PA02655