Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer le non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 28 septembre 2017 n° 2017/462 de l'inspectrice du travail autorisant son licenciement, annulée par la décision du ministre du travail du 25 avril 2018 et, d'autre part, de la décision implicite du 16 février 2018 rejetant son recours hiérarchique formé contre la première décision qui a été retirée par le ministre du travail. La société Wipelec a demandé au même tribunal d'annuler la décision du 25 avril 2018 du ministre du travail qui annule la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017, retire la décision implicite de rejet du 16 février 2018 et refuse le licenciement de Mme C....
Par un jugement n°s 1709352, 1803139 et 1805154 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Melun a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2017 de l'inspectrice du travail autorisant le licenciement de Mme C... et de la décision implicite du 16 février 2018 du ministre du travail rejetant son recours hiérarchique formé contre la première décision et, d'autre part, rejeté la demande de la société Wipelec.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 décembre 2019 et 29 juin 2020, la société Wipelec, représentée par la Selarl 2H Avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1709352, 1803139 et 1805154 du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 25 avril 2018 du ministre du travail qui annule la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017, retire la décision implicite de rejet du 16 février 2018 et refuse le licenciement de Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision du ministre du travail du 25 avril 2018 pouvait légalement annuler la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017 créatrice de droits après l'expiration du délai de quatre mois suivant le recours hiérarchique du 12 octobre 2017, reçu le 16 octobre 2017, prévu à l'article R. 2422-1 du code du travail ;
- la décision du ministre du travail du 25 avril 2018 ne peut pas légalement procéder au retrait de la décision implicite de rejet du 16 février 2018 qui n'est entachée d'aucune illégalité dès lors que la décision du 28 septembre 2017 autorisant le licenciement était légale, étant valablement fondée sur la faute lourde de Mme C... établie par l'inspectrice du travail qui a relevé que Mme C..., qui ne peut se voir reconnaitre le statut de lanceur d'alerte, a failli à ses fonctions de responsable qualité sécurité environnement en manquant sciemment à son obligation professionnelle de loyauté en complotant avec une inspectrice de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie de Seine-et-Marne aux fins de mettre en péril la survie de la société, de négocier secrètement et de manière intéressée dans le but de reprendre l'entreprise à bas coût avec l'aide de l'ancien directeur général.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête d'appel de la société Wipelec et à la confirmation du jugement n°s 1709352, 1803139 et 1805154 du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Melun.
Elle soutient reprendre les moyens soulevés dans son mémoire de première instance qu'elle joint à son mémoire d'appel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2020, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement n°s 1709352, 1803139 et 1805154 du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la requête d'appel de la société Wipelec ;
3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de la société Wipelec en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- les observations de Me D... et de Me F... de la Selarl 2H Avocats, avocats de la société Wipelec,
- et les observations de Me E..., avocat de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. La société Wipelec a pour activité principale la fabrication de pièces fines pour des appareils essentiellement électroniques à partir de différents métaux par voie d'usinage mécanique et chimique. L'exploitation du site a lieu dans le cadre d'une installation classée pour la protection de l'environnement et génère des déchets chimiques et mécaniques à traiter soit directement, soit en externe. Elle a fait l'objet de plusieurs arrêtés du préfet de Seine-et-Marne la mettant en demeure de faire cesser 46 irrégularités environnementales constatées par la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (DRIEE) de Seine-et-Marne, puis d'un arrêté du 31 mai 2017 de suspension de son activité de revêtement métallique ou traitement métallique de surfaces quelconques par voie électrolytique ou chimique dans l'attente d'exécution complète de différents arrêtés préfectoraux de mise en demeure imposés à l'exploitation de ses installations, suspension partielle de son activité qui n'a été levée que le 1er novembre 2017. Mme C..., salariée en contrat à durée indéterminée depuis le 21 octobre 2013 de cette société, en qualité de responsable qualité sécurité et environnement, était déléguée du personnel depuis novembre 2015 pour le collège cadre, pour un mandat de quatre ans. A la suite d'une première procédure de licenciement initiée le 23 mai 2017 puis abandonnée, la société Wipelec a convoqué Mme C... le 17 juillet 2017 pour un entretien préalable, prévu le 27 juillet, auquel Mme C..., en congé maladie depuis le 13 mai 2017, ne s'est pas rendue, ayant informé son employeur le 26 juillet de cette impossibilité pour raisons de santé. Le 28 juillet 2017, la société Wipelec a sollicité de l'inspectrice du travail l'autorisation de procéder au licenciement de Mme C... pour faute lourde au motif notamment que cette dernière aurait initié des manoeuvres destinées à nuire à la société Wipelec et à son gérant, dès le mois de mai 2017, auprès de l'ancien directeur général de la société et à l'insu du gérant, pour " un repreneur possible ou autre gérant " afin de maintenir l'activité de l'entreprise. Par une décision du 28 septembre 2017, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de Mme C..., et la société Wipelec lui a notifié son licenciement le 6 octobre 2017. Mme C... a demandé concomitamment l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail devant le tribunal administratif de Melun par une requête n° 1709352 du 28 novembre 2017 et a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail le 12 octobre 2017, notifié le 16 octobre. Une décision implicite de rejet du ministre du travail est née le 16 février 2018, que Mme C... a contestée dans l'instance n° 1803139 devant le même tribunal administratif. Par une décision du 25 avril 2018, le ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du 16 février 2018, a annulé la décision du 28 septembre 2017 autorisant le licenciement de Mme C... et a refusé le licenciement de Mme C.... La société Wipelec a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler cette décision du 25 avril 2018 du ministre du travail. La société relève appel du jugement n°s 1709352, 1803139 et 1805154 du 18 octobre 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
- S'agissant du délai écoulé entre la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017 et la décision du ministre du travail du 25 avril 2018 procédant à son annulation :
2. Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail, " le ministre " chargé du travail " peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. ". Et aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
3. Par la décision du 28 septembre 2017, l'inspectrice du travail a autorisé la société Wipelec à procéder au licenciement de Mme C... pour faute lourde. Mme C... a introduit un recours hiérarchique le 12 octobre 2017, notifié le 16 octobre, contre cette décision. Le silence du ministre du travail gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours hiérarchique a fait naitre une décision implicite de rejet le 16 février 2018. Or, en application des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, le ministre du travail pouvait légalement procéder au retrait de cette décision implicite de rejet dans le délai de quatre mois suivant le 16 février 2018. Par suite, la décision du ministre du travail en date du 25 avril 2018, qui procède au retrait de la décision rejetant le recours hiérarchique de Mme C... contre la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017 autorisant son licenciement, est intervenue dans les délais légaux. Dès lors, le ministre pouvait également, par cette même décision intervenue dans ce même délai, annuler la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017 sous réserve de l'illégalité de cette décision du 28 septembre 2017. Le moyen selon lequel la décision du ministre du travail du 25 avril 2018 ne pouvait légalement annuler la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017 après l'expiration du délai de quatre mois suivant le recours hiérarchique du 12 octobre 2017, reçu le 16 octobre 2017, doit dès lors être écarté.
S'agissant de la légalité de la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017 et de celle de la décision du ministre du travail du 25 avril 2018 :
4. En premier lieu, il résulte de la combinaison des articles précités, R. 2422-1 du code du travail et L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, que le ministre du travail ne pouvait procéder à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017 autorisant la société Wipelec à procéder au licenciement de Mme C..., décision créatrice de droits à l'égard de la société Wipelec, que si cette décision était illégale.
5. Sur ce point, il résulte de l'instruction que la société Wipelec avait fondé sa demande de licenciement sur plusieurs griefs, dont un seul a été considéré par l'inspectrice du travail, dans sa décision du 28 septembre 2017, comme étant établi et d'une gravité suffisante pour autoriser le licenciement de Mme C..., à savoir le grief selon lequel Mme C..., a excédé ses missions en manoeuvrant depuis le mois de mai 2017 avec l'ancien directeur de la société et à l'insu de son employeur, pour trouver un repreneur possible ou un autre gérant pour assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise, manquant ainsi à son obligation de loyauté à l'égard de son employeur découlant de son contrat de travail. La société Wipelec soutient que cette décision était ainsi légalement fondée.
6. Cependant, pour établir le bien-fondé de ce grief retenu par l'inspectrice du travail, la société Wipelec se prévaut du courriel du 27 juin 2017 adressé par Mme C... aux services de la préfecture de Seine-et-Marne, aux renseignements territoriaux et au ministère du développement durable et à l'ancien directeur général de la société, par lequel elle les informe de la disponibilité de ce dernier pour se rapprocher du consortium clients, en toute confidentialité à l'égard de la société Wipelec. La société se prévaut également de courriels datés du 27 avril 2017 informant la DRIEE de l'existence d'une piste sérieuse pour un " repreneur wip board " avec l'ancien directeur général de la société ainsi que d'un entretien téléphonique du 2 juin 2017, dont le contenu a été relaté par une déléguée du personnel et au cours duquel Mme C..., alors en congé maladie, lui aurait demandé des informations sur le maintien des activités de la société malgré l'arrêté de suspension partielle dont celle-ci faisait l'objet, et lui aurait précisé qu'il était possible de reprendre l'entreprise à bas prix. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société Wipelec, ces éléments sont insuffisants pour démontrer une volonté de Mme C... de nuire à ses intérêts ou à ceux de ses dirigeants, et de faire reprendre à bas coût la gérance de la société. Il ne résulte, d'ailleurs, d'aucune pièce du dossier qu'il existait un projet de reprise de la société réfléchi et matérialisé par des démarches concrètes de la part de Mme C... ou d'un autre repreneur, l'ancien directeur général de la société ayant d'ailleurs précisé sans ambiguïté, dans une attestation du 19 juillet 2017, qu'il n'avait ni le projet de reprise de la société ni l'intention de constituer un tel projet. Dès lors, et comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, il n'est pas établi que les démarches entreprises par Mme C... étaient pas de nature à nuire aux intérêts de la société Wipelec. Par suite, la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017 autorisant le licenciement de Mme C..., qui était fondée sur cet unique grief, n'était pas fondée. Il suit de là que le ministre du travail a pu légalement annuler la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017 autorisant le licenciement de Mme C... au motif de son illégalité, et retirer pour ce même motif sa décision confirmative implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par Mme C..., les allégations de la société Wipelec selon lesquelles Mme C... ne pourrait se voir reconnaitre le statut de lanceur d'alerte et a failli à ses fonctions de responsable qualité sécurité environnement en manquant sciemment à son obligation professionnelle de loyauté en complotant avec une inspectrice de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie de Seine-et-Marne aux fins de mettre en péril la survie de la société étant sans incidence dès lors qu'en tout état de cause ces motifs n'avaient pas été retenus par la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017.
7. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ".
8. A supposer que la société Wipelec ait entendu se prévaloir, pour établir l'existence d'une faute lourde justifiant qu'elle obtienne l'autorisation de licencier Mme C..., des défaillances de cette dernière dans l'exercice des missions contractuelles qui lui étaient dévolues, il ressort des pièces du dossier que la requérante s'appuie sur le rapport d'inspection de la DRIEE du 5 mai 2017, qu'elle a reçu le 9 mai suivant, sur lequel elle s'était fondée pour engager, le 23 mai 2017, une première procédure de licenciement reposant sur les mêmes faits, qu'elle a finalement abandonnée. Lesdits manquements dont elle a eu connaissance le 9 mai 2017 étaient donc prescrits lors de la convocation à l'entretien préalable adressée à Mme C... le 17 juillet 2017 dans le cadre de la nouvelle procédure de licenciement et ne pouvaient ainsi plus donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires, en application des dispositions précitées de l'article L. 1332-4 du code du travail.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Wipelec n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n°s 1709352, 1803139 et 1805154 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 25 avril 2018 du ministre du travail ayant annulé la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2017, retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par Mme C... et refusé d'autoriser le licenciement de Mme C....
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la société Wipelec la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de condamner la société Wipelec par application des mêmes dispositions, à verser à Mme C... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Wipelec est rejetée.
Article 2 : La société Wipelec versera la somme de 2 000 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Wipelec, à Mme B... C... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA04092