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30/04/2021 | FRANCE | N°20PA02119

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 avril 2021, 20PA02119


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 29 octobre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1904513/2-2 du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Co

ur :

Par une requête enregistrée le 5 août 2020, M. D... E..., représenté par Me C..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 29 octobre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1904513/2-2 du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 2020, M. D... E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904513/2-2 du 30 septembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant des moyens communs aux décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

- les décisions sont insuffisamment motivées dès lors qu'elles ne permettent pas d'apprécier les raisons pour lesquelles le préfet de police a conclu à l'absence de risque d'une exceptionnelle gravité pour son état de santé en cas de défaut de prise en charge médicale ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet de police s'est cru à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision contestée, qui est entachée d'un vice de procédure, méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions de l'article R. 313-22 du même code dès lors qu'il n'est pas établi d'une part que la délibération du collège des médecins de l'Office français de l'immigration ait été prise à l'issue d'un débat collégial, et d'autre part que le médecin ayant établi le rapport médical n'ait pas siégé au sein du collège de médecins ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il produit une promesse d'embauche ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle dès lors qu'il justifie d'une ancienneté de plus de six années sur le territoire français, d'attaches personnelles fortes ainsi que de son intégration dans la société française.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. D... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 8 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... E..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo), né le 2 mai 1983 et entré en France le 21 mai 2012 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 (11°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 octobre 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. D... E... relève appel du jugement du 30 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

- En ce qui concerne les moyens communs aux décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ".

3. Les décisions contestées visent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, le préfet de police a mentionné les dispositions des articles L. 313-11 (11°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles la situation de M. D... E..., ressortissant congolais, a été étudiée. De même, le préfet de police s'est référé à l'avis émis le 22 août 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il s'est approprié les motifs, et indique que le défaut de prise en charge de la pathologie de l'intéressé ne devant pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé ne remplit pas les conditions permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, le préfet de police relève que M. D... E... ne déclare aucune activité salariée et ne produit à l'appui de sa demande de titre de séjour ni promesse d'embauche ni contrat de travail, qu'il ne justifie pas d'une quelconque expérience ou qualification professionnelles ni d'une ancienneté de travail suffisante et conclut que l'intéressé ne peut être regardé comme établissant la réalité de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. En outre, il indique également que l'intéressé a déclaré être entré en France depuis le 21 mai 2012 et être célibataire et sans charge de famille en France, qu'il ne justifie pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger et porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, et dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à comporter une motivation spécifique distincte de celle du refus de délivrance de titre de séjour qu'elle accompagne et que le préfet de police n'était pas tenu de préciser plus amplement les raisons pour lesquelles il a considéré que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, les décisions contestées comportent l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait telles qu'exigées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et permettent à l'intéressé de les contester utilement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées doit être écarté.

- En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet de police se serait estimé lié par l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et qu'il n'aurait pas procéder à un examen particulier de la situation du requérant. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, M. D... E... se borne à reproduire en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, le moyen qu'il avait développé en première instance tiré de ce que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'un vice de procédure et méconnaitrait les dispositions des articles L. 313-11-11° et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi d'une part que la délibération du collège des médecins de l'Office français de l'immigration ait été prise à l'issue d'un débat collégial, et d'autre part que le médecin ayant établi le rapport médical n'ait pas siégé au sein du collège de médecins. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

7. Dans l'hypothèse où il serait fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. Il ressort des pièces du dossier que si M. D... E... justifie d'une promesse d'embauche en date du 24 décembre 2018 en tant qu'aide plaquiste et monteur de faux-plafond à compter du 15 mai 2019 au sein de la société ESE EN Valeur Bâtiment, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors que la promesse d'embauche dont se prévaut l'intéressé est postérieure à la décision contestée. En outre, et alors qu'en tout état de cause un séjour habituel en France de plus de six années ne saurait constituer en lui-même un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. D... ne justifie, à la date de la décision contestée, d'aucune expérience professionnelle et n'établit pas, ni même n'allègue, qu'il disposerait d'une qualification particulière. Dans ces conditions, les moyens tirés, d'une part, de ce que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces mêmes dispositions, doivent être écartés.

9. En quatrième lieu, M. D... E... soutient que le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour dès lors qu'il justifie, à la date de la décision contestée, d'une ancienneté de plus de six années sur le territoire français, qu'il justifie d'attaches personnelles fortes et qu'il est parfaitement intégré à la société française. Toutefois, si l'intéressé justifie de sa présence sur le territoire français depuis juin 2012, il ne produit aucun élément de nature à établir la réalité des attaches personnelles dont il se prévaut. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille en France et qu'il ne dispose d'aucun revenu. Dans ces conditions, et alors que M. D... E... n'établit pas être démuni d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 29 ans, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, aurait commis une erreur manifeste des conséquences sur sa situation personnelle.

- En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. La décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit, en conséquence, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. B..., président de la formation de jugement,

- Mme Collet, premier conseiller,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2021.

Le président de la formation de jugement,

I. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 20PA02119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02119
Date de la décision : 30/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CHANEY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-30;20pa02119 ?
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