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30/04/2021 | FRANCE | N°20PA01577

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 avril 2021, 20PA01577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A..., ressortissant guinéen, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1924559/1-2 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
>Par une requête enregistrée le 30 juin 2020, et un mémoire de production de pièces, enregistré ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A..., ressortissant guinéen, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1924559/1-2 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 juin 2020, et un mémoire de production de pièces, enregistré le 6 avril 2021, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 1924559/1-2 du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 octobre 2019 du préfet de police refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement ;

4°) d'enjoindre au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes condition de délai et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ou, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée et procède d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée de plusieurs vices dans la procédure suivie devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour sur lequel elle se fonde ;

- elle est insuffisamment motivée et procède d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu, garanti par les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement :

- elle est insuffisamment motivée et procède d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu, garanti par les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 alinéa 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me B..., avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., de nationalité guinéenne, né le 27 juillet 1988, est entré en France le 5 août 2017 selon ses dires. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auprès de la préfecture de police. Par arrêté du 17 octobre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

M. A... relève appel du jugement ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

3. Par une décision du 15 octobre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par suite, il n'y a pas lieu d'accorder à M. A... le bénéfice d'une admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques et morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. La décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8 ainsi que les articles

L. 511-1 et L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle mentionne la nationalité, la date de naissance et la date d'entrée en France de M. A..., ainsi que l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 23 juillet 2019 selon lequel si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Elle énonce également que M. A... est célibataire et sans charge de famille et qu'il ne justifie pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger et qu'ainsi il n'est pas porté à son droit à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, et que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision litigieuse comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait telles qu'exigées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle doivent être écartés.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date du dépôt de la demande d'admission au séjour de la requérante sur ce fondement : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.. (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

7. Si M. A... soutient que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a omis de mentionner dans son avis du 23 juillet 2019 la durée prévisible du traitement, une telle information n'a pour objet que d'éclairer le préfet dans le cas où le demandeur satisferait aux conditions de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Dès lors qu'en l'espèce le collège des médecins avait au préalable considéré que le défaut de prise en charge médicale de M. A... ne pouvait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'omission de cette information n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision du préfet de police et n'a pas privé le demandeur d'une garantie. Par ailleurs, si, comme le soutient le requérant, il ressort de l'avis du collège de médecins de l'OFII qu'il n'a pas été convoqué pour examen au stade de l'élaboration de l'avis, il résulte des dispositions des articles 4 et 7 de l'arrêté du 27 décembre 2016 que la convocation de l'intéressé à un examen médical par le collège des médecins n'est qu'une faculté et non une obligation. Enfin, si M. A... invoque l'absence de précision quant aux bases de données consultées par le collège des médecins de l'OFII, aucune disposition et aucun principe n'imposent la communication des fiches de la Bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine (BISPO) à l'intéressé, alors au surplus que les informations générales de cette bibliothèque sont accessibles sur Internet conformément à l'avis de la Commission d'accès aux documents administratifs. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit dès lors être écarté.

8. En troisième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits par M. A..., que ce dernier souffre d'un état de stress post-traumatique résultant de divers évènements qu'il vécus en Guinée nécessitant une prise en charge médicale psychologique et médicamenteuse. Par un avis du 23 juillet 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait bénéficier des soins appropriés à son état dans son pays d'origine. Si M. A... produit, à l'appui de sa requête, trois certificats médicaux des 9 octobre 2018, 6 novembre 2018 et 8 janvier 2019, tous établis par des médecins exerçant au sein du centre de santé Parcours d'Exil, indiquant que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la teneur de ceux-ci ne suffit pas à remettre en cause l'avis précité du collège de médecins de l'OFII, tandis que le quatrième certificat médical produit, daté du 28 novembre 2019 et donc postérieur à la décision contestée, s'il se réfère aux évènements traumatiques que M. A... dit avoir subis dans son pays d'origine, ne fait que relater ses propos et n'établit pas qu'il ne pourrait pour cette raison repartir dans son pays d'origine. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, qui a fait sien l'avis précité du 23 juillet 2019 du collège de médecins de l'OFII, aurait ainsi méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est entré en France le 5 août 2017 selon ses dires, est célibataire et sans charge de famille. Il n'établit ni être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans, ni être dans l'impossibilité de poursuivre une vie privée et familiale normale. Ainsi, en prenant à l'encontre de M. A... une décision de refus de titre de séjour, le préfet de police n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise.

12. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que, au regard des moyens soulevés par le requérant à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour, celle-ci n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

14. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 5 ci-dessus du présent arrêt, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de M. A... ne peuvent qu'être écartés.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes de l'article 51 de cette charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...) ". Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

16. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'établit ni même n'allègue qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il aurait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse.

Par suite, et alors que le préfet de police n'était pas tenu d'inviter M. A... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de l'intéressé à être entendu ne peut qu'être écarté.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

18. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

19. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas saisi le préfet de police d'une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que celui-ci n'a pas examiné la demande de titre de séjour du requérant au regard de ces dispositions. Dans ces conditions, M. A... ne peut utilement soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

20. En sixième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 11 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement :

21. En premier lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

22. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 15 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu avant l'édiction de la mesure doit être écarté.

23. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 11 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

24. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

25. Si M. A... soutient que la décision fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'est toutefois pas établi que l'intéressé serait personnellement exposé à un tel risque en cas de retour en Guinée. Par suite, le moyen doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2019. Par voie de conséquence, les conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. C..., président de la formation de jugement,

- Mme Collet, premier conseiller,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2021.

Le président de la formation de jugement,

I. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N° 20PA01577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01577
Date de la décision : 30/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : JOORY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-30;20pa01577 ?
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