La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2021 | FRANCE | N°20PA01229

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 avril 2021, 20PA01229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 7 janvier 2020 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités croates en tant que responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2001121/8 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril 2020 et 9 mars 2021, Mme D..., représentée par Me A..., dem

ande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 7 janvier 2020 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités croates en tant que responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2001121/8 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril 2020 et 9 mars 2021, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2001121/8 du 30 mars 2020 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités croates, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux semaines et sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 11 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont procédé d'office à une substitution de motifs non sollicitée par l'administration ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit tirée de la méconnaissance des articles 3 et 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- la procédure Dublin engagée contre elle a pris fin à l'expiration du délai de 6 mois qui a commencé à courir à la date du jugement contesté dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle serait en fuite au sens de l'article 29 du règlement UE n° 604/2013.

Par courrier du 28 janvier 2021, les parties ont été informées de ce que la Cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fins d'annulation de la décision de transfert attaquée, dès lors que la France devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale à l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire, enregistré le 11 février 2021, le préfet de police conclut à l'absence de non-lieu à statuer sur la requête de Mme D....

Il soutient que :

- dès lors que Mme D... est en situation de fuite au sens des dispositions de l'article 29/ 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le délai de six mois prévu par les dispositions de l'article 29 de ce règlement a recommencé à courir intégralement, à la date de la notification du jugement du tribunal administratif au préfet de police, soit le 2 avril 2020, et est porté à dix-huit mois et n'arrivera donc, en l'espèce, à son terme que le 2 octobre 2021 ;

- les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Par une décision du 19 mai 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me A..., avocat de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D..., de nationalité afghane, a été reçue par les services de la préfecture de police le 21 octobre 2019 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été enregistrée le 28 octobre 2019. Constatant, au vu du résultat du relevé de ses empreintes décadactylaires, que l'intéressée avait précédemment introduit une demande d'asile en Croatie le 29 août 2019, le préfet de police a formé une demande de reprise en charge auprès des autorités croates que ces dernières ont expressément acceptée le 11 novembre 2019. Par un arrêté du 7 janvier 2020, le préfet de police a ordonné le transfert de l'intéressée aux autorités croates. Mme D... relève appel du jugement du 30 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 19 mai 2020, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, sa demande tendant à être admise provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

3. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide, ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête et, entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". En cas d'acceptation de l'Etat membre requis, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les Etats membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) Le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'Etat membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Aux termes de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert peut en demander l'annulation au président du tribunal administratif. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, et que ce délai recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Le préfet de police soutient que le jour de la notification de l'arrêté de transfert, le 7 janvier 2020, Mme D... a été convoquée à se présenter auprès des services de la préfecture les 11 et 18 février 2020 et les 6 et 13 juillet 2020 aux fins d'exécution de cette mesure et qu'elle ne s'est pas rendue à ces rendez-vous et que l'ensemble de ces comportements établit la volonté intentionnelle de l'intéressée de ne pas déférer à la décision de transfert contestée caractérisant ainsi une situation de fuite, au sens des dispositions de l'article 29/ 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il soutient que le délai de six mois prévu par ces dispositions, qui a donc recommencé à courir intégralement le 2 avril 2020, date à laquelle lui a été notifié le jugement n° 2001121/8 du 30 mars 2020 du tribunal administratif de Paris, est porté à dix-huit mois au maximum et n'arrivera ainsi à son terme que le 2 octobre 2021. Si le préfet de police soutient que Mme D... ne s'est pas présentée aux convocations aux rendez-vous des 11 et 18 février 2020, il ressort, au contraire, des pièces du dossier que l'intéressée s'est présentée et a signé le document de convocation et que de nouvelles dates ont été fixées pour les 10 et 17 avril 2020. Enfin, s'agissant des convocations des 6 et 13 juillet 2020, en se bornant à produire la lettre mentionnant ces deux nouvelles dates, le préfet de police n'établit pas que Mme D... a bien été destinataire de ce document qu'elle conteste avoir reçu. Par suite, dès lors que le préfet de police ne justifie pas que le comportement de Mme D... caractériserait une situation de fuite au sens des dispositions de l'article 29 2° du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le délai de six mois à compter de la décision d'acceptation des autorités croates, imparti à l'administration pour procéder au transfert de Mme D..., interrompu par la saisine du tribunal administratif par l'intéressée et qui a recommencé à courir à compter du 2 avril 2020, est expiré depuis le 2 octobre 2020. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, la décision de transfert contestée est devenue caduque, la Croatie a été libérée de son obligation de reprise en charge de Mme D... et la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il suit de là que les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2020 et du jugement du tribunal administratif de Paris n° 2001121/8 du 30 mars 2020 sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

6. Les conclusions aux fins d'injonction de la requête d'appel de Mme D... doivent être rejetées, le présent arrêt se bornant à constater qu'il n'y a plus lieu de statuer, il n'appelle aucune mesure d'exécution.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée par le conseil de Mme D... au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation du jugement du 30 mars 2020 du tribunal administratif de Paris et de l'arrêté du 7 janvier 2020 du préfet de police.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président de la formation de jugement,

- Mme C..., premier conseiller,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2021.

Le président de la formation de jugement,

I. LUBEN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01229
Date de la décision : 30/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ATGER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-30;20pa01229 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award