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29/04/2021 | FRANCE | N°20PA02554

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 29 avril 2021, 20PA02554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 14 mai 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1804927 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2020, Mme A... D... épo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 14 mai 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1804927 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2020, Mme A... D... épouse C..., représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804927 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un certificat de résidence valable dix ans dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un certificat de résidence valable un an, dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte, ou, à titre très subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- le préfet du Val-de-Marne n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle justifie des conditions de logement et de régularité du séjour de son époux pour bénéficier du regroupement familial ;

- le préfet du Val-de-Marne, qui a méconnu les énonciations de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, s'est cru à tort en situation de compétence liée en lui refusant le bénéfice du regroupement familial au motif de sa présence anticipée sur le territoire français ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle bénéficiait de la délivrance de plein droit d'un certificat de résident valable dix ans ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet du Val-de-Marne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision du 26 novembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme A... D... épouse C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D... épouse C..., ressortissante algérienne née le 23 novembre 1964 et entrée en France le 17 décembre 2014 sous couvert d'un visa court séjour, a sollicité la régularisation de sa situation sur le fondement des stipulations du paragraphe 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1967 modifié ainsi que sur le fondement des stipulations des articles 7, 7 bis et 9 de ce même accord. Par un arrêté du 14 mai 2018, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme A... D... épouse C... relève appel du jugement du 21 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger (...) peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, (...). L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ".

3. L'arrêté contesté vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, le préfet du Val-de-Marne a mentionné les stipulations des articles 6-5°, 7, 7 bis et 9 de l'accord franco-algérien sur le fondement desquelles Mme A... D... épouse C... a sollicité la régularisation de sa situation. L'arrêté en litige précise que Mme A... D... épouse C..., de nationalité algérienne, est entrée en France le 17 décembre 2014 munie d'un visa de court séjour, qu'elle a contracté mariage le 23 novembre 2016 avec un ressortissant algérien admis régulièrement au séjour en France et précise que le couple n'a pas d'enfants. Le préfet du Val-de-Marne y porte l'appréciation selon laquelle l'intéressée ne peut prétendre à l'obtention d'un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord-franco algérien dès lors qu'elle ne justifie pas de liens privés et familiaux inscrits dans la durée et la stabilité sur le territoire français, que sa situation ne relève pas des catégories visées aux articles 7 et 7 bis du même accord et précise que la décision qui lui est opposée ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, et alors que le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de Mme A... D... épouse C..., l'arrêté contesté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait telles qu'exigées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes mêmes de l'arrêté contesté, que le préfet du Val-de-Marne a procédé à un examen particulier de la situation de Mme A... D... épouse C... avant de prendre l'arrêté.

5. En troisième lieu, Mme A... D... épouse C... ne peut utilement soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien relatives au regroupement familial, dès lors que l'arrêté n'a pas pour objet de statuer sur une demande de regroupement familial, une telle demande ne pouvant au demeurant être déposée que par l'époux de Mme C.... Par suite le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté comme inopérant.

6. En quatrième lieu, Mme A... D... épouse C... soutient que le préfet du Val-de-Marne a méconnu les énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il s'est cru à tort en situation de compétence liée en refusant de lui délivrer un certificat de résident valable dix ans au titre du regroupement familial au seul motif de sa présence anticipée sur le territoire français.

7. Cependant, d'une part, Mme A... D... épouse C... ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 dès lors qu'elles ne constituent que des orientations générales adressées aux préfets pour la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation.

8. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, l'arrêté litigieux n'a pas pour objet de statuer sur une demande d'admission au séjour au titre du regroupement familial. En tout état de cause, il ne ressort ni des termes de l'arrêté, ni des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas opposé à Mme A... D... épouse C... l'irrégularité de son séjour en France, se serait cru à tort en situation de compétence liée pour lui refuser la régularisation de sa situation.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g): (...) / d) Aux membres de la famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans qui sont autorisés à résider en France au titre du regroupement familial ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... épouse C... n'a pas été admise à résider sur le territoire français au titre du regroupement familial, la requérante n'alléguant d'ailleurs pas qu'une demande en ce sens aurait été déposée à son bénéfice par son époux. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Val-de-Marne aurait méconnu les stipulations du d) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien en refusant de l'admettre au séjour.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

12. Mme A... D... épouse C... se prévaut de son ancienneté sur le territoire français et de l'intensité de ses attaches personnelles en France, et précise que son époux justifie d'un certificat de résidence valable dix ans et qu'elle-même est très proche de sa soeur, de nationalité française et qui l'aidait quotidiennement compte tenu de son handicap. Cependant, il ressort des pièces du dossier que Mme A... D..., qui est arrivée en France le 17 décembre 2014 sous couvert d'un visa court séjour, a vécu chez Mme F..., de nationalité française, puis a épousé le 23 novembre 2016 M. E... C..., ressortissant algérien séjournant régulièrement en France sous couvert d'un certificat de résident valable jusqu'au 2 décembre 2024. Ainsi, si le couple justifie d'une communauté de vie depuis le mois de décembre 2016, celle-ci restait récente à la date de l'arrêté contesté. En outre, il est constant que le couple n'a pas d'enfant et que Mme A... D..., qui a vécu au moins jusqu'à l'âge de 50 ans dans son pays d'origine, n'est pas dépourvue d'attaches privées et familiales en Algérie, où réside notamment sa mère. Par ailleurs, si Mme A... D... épouse C... soutient que, souffrant d'un handicap, elle a quitté l'Algérie après le décès de son père, qui l'aidait au quotidien et que sa mère ne pouvait la prendre en charge compte tenu de son propre état de santé, elle n'apporte en tout état de cause aucun élément de nature à établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un accompagnement adapté à son état de santé en cas de retour en Algérie. Dans ces conditions, et alors que la requérante ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Val-de-Marne, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 65 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

13. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport d'expertise établi le 17 janvier 2008, que Mme C... est atteinte d'une poliomyélite antérieure aigüe depuis l'âge de 2 ans avec des conclusions d'ordre neurologique liées aux troubles statiques et également d'ordre fonctionnel du rachis lombaire entraînant un taux d'incapacité permanente partielle à hauteur de 85% avec un déficit moteur évalué à 0/5 (0 désignant un état dans lequel aucune contraction n'est possible et 5 désignant une force musculaire normale). Il ressort de ce même rapport que Mme A... D... souffre également d'arthrose cervicale, d'hypertension artérielle et d'une surdité mixte gauche. Toutefois, par la seule production d'un certificat médical établi le

12 décembre 2018 par un médecin généraliste, qui indique que la présence de son époux en tant que tierce personne lui est indispensable, Mme A... D... épouse C... n'établit pas qu'elle ne pourrait pas disposer d'une assistance médicale adaptée à son état de santé en cas de retour en Algérie. Dans ces conditions, Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Val-de-Marne, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... D... épouse C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... A... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2021.

La présidente de la 8ème Chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 20PA02554


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02554
Date de la décision : 29/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : TANGUY-MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-29;20pa02554 ?
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