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26/04/2021 | FRANCE | N°20PA01535

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 26 avril 2021, 20PA01535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2000140 du 11 février 2020, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la C

our :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2000140 du 11 février 2020, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 2000140 du 11 février 2020 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 20 décembre 2019 ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

M. D... fait valoir que :

- le Tribunal a dénaturé les pièces du dossier ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure au regard de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que son état de santé le place en situation de dépendance vis-à-vis de son frère, qui séjourne légalement sur le territoire français et l'assiste quotidiennement.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du Tribunal judiciaire de Paris en date du 15 juillet 2020.

Par un courrier du 1er octobre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de l'existence d'un non-lieu à statuer sur la requête, dans la mesure où l'arrêté de transfert du 20 décembre 2019 n'est plus susceptible d'exécution à l'expiration d'un délai de six mois ayant couru à compter de la notification du jugement du 11 février 2020 au préfet de police.

Une réponse au moyen d'ordre public, présentée par le préfet de police, a été enregistrée le 23 décembre 2020.

Le préfet de police fait valoir que :

- M. D... a été remis aux autorités autrichiennes le 7 août 2020 ;

- les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés ;

- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant afghan né le 18 juin 1993, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 15 octobre 2019. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé a présenté une demande d'asile auprès des autorités autrichiennes le 18 septembre 2019. Le préfet de police a adressé à ces autorités une demande de reprise en charge de l'intéressé le 16 octobre 2019, qu'elles ont accepté le même jour sur le fondement des dispositions du b) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de police a alors décidé, par l'arrêté contesté du 20 décembre 2019, de remettre M. D... aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile. L'intéressé fait appel du jugement du 11 février 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. D... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 15 juillet 2020, ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement :

3. Si M. D... soutient que la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a dénaturé les pièces du dossier en considérant que la filiation entre M. D... et son prétendu frère n'était pas établie, alors que cette circonstance n'était pas contestée par le préfet de police, cette critique porte sur le bien-fondé du jugement attaqué, que la Cour examine, le cas échéant, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, et est sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a bénéficié, le 15 octobre 2019, d'un entretien individuel assuré par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, service chargé d'instruire les demandes d'asile, assisté d'un interprète en langue pachtou, que le requérant a déclaré comprendre. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément contraire versé au dossier, cet agent doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. La circonstance que le résumé de l'entretien individuel ne permette pas de déterminer l'identité de l'agent ayant mené celui-ci est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, dès lors qu'une telle obligation n'est nullement prévue par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. M. D..., qui a eu la possibilité, lors de cet entretien, de faire valoir toute observation utile et a déclaré avoir compris l'ensemble de ses termes, n'a été privé d'aucune des garanties prévues par cet article. Partant le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit. (...) ".

7. M. D... soutient qu'il est malade et doit être assisté quotidiennement par son frère, qui résiderait régulièrement sur le territoire français. D'une part, M. D... n'assortit ses allégations d'aucune précision relative à la maladie dont il prétend souffrir ou aux modalités de l'assistance procurée par son frère et qu'exigerait sa pathologie. D'autre part, s'il verse au dossier la carte de séjour temporaire délivrée à un certain M. E... D..., qu'il dit être son frère, valable du 18 février 2019 au 17 février 2020, la date de naissance indiquée sur celle-ci est le 1er janvier 1993. L'intéressé fait valoir que les modalités de déclaration des naissances auprès de l'état civil afghan sont telles que, lorsqu'il est impossible de déterminer la date exacte de naissance d'un enfant, l'état civil enregistre celle-ci au 1er janvier de l'année effective de sa naissance. Toutefois, dès lors que le requérant affirme être né le 18 juin 1993, qu'il ne soutient ni même n'allègue que son frère serait né d'une mère différente, ainsi que l'a relevé la première juge, et compte tenu de la nature incompressible de la durée d'une grossesse menée à terme, qui est de neuf mois, la mère du requérant n'a pas pu donner naissance à un autre enfant au cours de cette année-là. La filiation entre ces deux hommes ne peut ainsi être considérée comme établie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités autrichiennes.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

9. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au conseil de M. D... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 26 avril 2021.

Le rapporteur,

B. B...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01535


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01535
Date de la décision : 26/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Bruno SIBILLI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : LE GALL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-26;20pa01535 ?
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