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22/04/2021 | FRANCE | N°20PA02974

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 22 avril 2021, 20PA02974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'inaction fautive des services diplomatiques et consulaires français aux Émirats Arabes Unis au regard de leur devoir de protection et d'assistance à son égard.

Par un jugement n° 1919261 du 9 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1

6 octobre 2020, Mme D... A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'inaction fautive des services diplomatiques et consulaires français aux Émirats Arabes Unis au regard de leur devoir de protection et d'assistance à son égard.

Par un jugement n° 1919261 du 9 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2020, Mme D... A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1919261 du 9 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'inaction fautive des services diplomatiques et consulaires français aux Émirats Arabes Unis au regard de leur devoir de protection et d'assistance à son égard ;

3°) de mettre à la charge de l'État les dépens, ainsi que le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son ex-mari a confisqué le passeport de leurs enfants mineurs communs, ce qui l'a empêchée de quitter les Émirats Arabes Unis ; cette situation, dont avaient connaissance les autorités diplomatiques et consulaires françaises, caractérise une méconnaissance des stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et leur absence d'intervention en sa faveur engage par conséquent la responsabilité de l'État ;

- cette situation caractérise également une méconnaissance des stipulations de l'article 2 du protocole n° 4 à cette convention, et l'inaction de l'État engage également sa responsabilité sur ce fondement ;

- l'inaction de l'État caractérise également une faute au regard des obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1959 et des articles 3 et 27 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle a été moins protégée que son ex-mari par les autorités françaises, ce qui caractérise une violation du principe d'égalité issu de l'article 1er de la Déclaration universelle des droits de l'homme ;

- le consulat de France à Dubaï a refusé de délivrer de nouveaux passeports à ses enfants, et aucune enquête sur la protection à leur apporter n'a été diligentée par les autorités françaises, qui ne les ont pas fait bénéficier de la couverture-santé des Français à l'étranger, et qui ont enfin refusé de faire droit à sa demande de bourse totale, incluant les frais parascolaires, alors que son ex-époux ne s'acquittait que des frais de scolarité ;

- elle n'a pas pu conserver son emploi ;

- compte-tenu de ces éléments, qui manifestaient son état d'indigence, une faute a été commise par l'État relativement refus de lui octroyer le versement d'une bourse pour ses enfants ;

- elle a été contrainte d'engager de multiples instances devant la justice émiratie sans soutien des autorités françaises et a été placée dans une situation de grande incertitude ;

- il sera fait une juste appréciation des préjudices de toute nature en lien avec les fautes commises par l'État en les évaluant à la somme totale de 300 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 décembre 2020, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 55 ;

- la Déclaration universelle des droits de l'Homme, adoptée par l'assemblée générale des Nations-Unies le 10 novembre 1948 dans sa résolution n° 217 (III) ;

- la Déclaration des droits de l'enfant, adoptée par l'assemblée générale des Nations-Unies, le 20 novembre 1959 dans sa résolution n° 1387 (XIV) ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son quatrième protocole additionnel ;

- la convention sur les relations consulaires, conclue à Vienne le 24 avril 1963 ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'éducation ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., ressortissante marocaine née le 10 décembre 1973, a épousé le 17 novembre 2001 un ressortissant français. Le 22 janvier 2003, elle a souscrit une déclaration d'acquisition de la nationalité française devant le juge d'instance de Strasbourg. Le couple, qui a donné naissance à deux fils, nés respectivement en 2004 et 2005, s'est par la suite installé à Dubaï (Émirats Arabes Unis). Le 12 janvier 2015, Mme A... a initié une procédure en divorce pour faute auprès du tribunal du statut personnel de Dubaï, après avoir, dès le 6 janvier 2015, déposé auprès des autorités émiriennes compétentes une demande d'interdiction de sortie de ses deux enfants mineurs du territoire de l'émirat. Le 3 août 2015, son époux a présenté la même demande d'interdiction de sortie du territoire. Par un jugement en date du 7 septembre 2015, le tribunal du statut personnel de Dubaï a dissous le mariage du 17 novembre 2001, a confié la garde des enfants à Mme A... et a condamné son ex-époux à s'acquitter d'une pension alimentaire, des frais de scolarité de ses enfants, scolarisés au lycée français international Georges Pompidou de Dubaï, et des frais de location d'un véhicule pour transporter ces derniers. Après un recours en appel puis en cassation, ce jugement a été déclaré définitif par un arrêt de la Cour de cassation de Dubaï du 21 juin 2016, et a été rendu exécutoire en France par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 27 juin 2018. Par un jugement du 6 juillet 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a mis à la charge de l'ex-époux de Mme A... diverses sommes, dont le paiement des frais de scolarité de ses deux fils. Il résulte de l'instruction que l'ex-époux de Mme A... n'a toutefois exécuté que partiellement ces décisions de justice, et qu'il a quitté Dubaï pour la France le 10 novembre 2015, emportant avec lui les passeports de ses enfants. Depuis cette date, ces derniers sont effectivement gardés par leur mère aux Émirats Arabes Unis. Le 19 octobre 2016, il a toutefois été condamné par un tribunal émirien à restituer les passeports de ses enfants et la requérante ne conteste pas qu'il s'en soit exécuté.

2. Dans le contexte de ce divorce particulièrement conflictuel, Mme A... a été en contact à plusieurs reprises avec le consulat général de France à Dubaï, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères faisant ainsi valoir, sans être contesté sur ce point, qu'elle y a été reçue en rendez-vous les 31 août 2016, 19 janvier 2017 et 24 janvier 2017, divers échanges de courriels ayant également eu lieu entre l'intéressée et le consulat général. Estimant avoir subi un préjudice à raison de l'inaction fautive des services diplomatiques et consulaires français au regard de leur devoir de protection et d'assistance à son égard, Mme A... a présenté au ministre de l'Europe et des affaires étrangères une demande indemnitaire préalable formée par un courrier daté du 2 mai 2019, dont il a été accusé réception le 9 mai suivant ; de cette demande est née, à la suite du silence gardé par le ministre, une décision implicite de rejet que Mme A... a contestée devant le tribunal administratif de Paris en lui demandant de condamner l'État à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation de son préjudice. Par un jugement du 9 octobre 2020 dont l'intéressée relève appel devant la Cour, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

3. Dans sa requête d'appel, Mme A... ne présente à l'encontre du jugement attaqué aucun moyen ni argument nouveau de nature à permettre à la Cour de remettre en cause son bien-fondé. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, de rejeter les conclusions indemnitaires de la requête de l'intéressée, en ce comprises celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que l'État n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Yassmina A... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. C..., président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2021.

Le président,

J. LAPOUZADE La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02974


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02974
Date de la décision : 22/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Faits n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique - Faits émanant d'une autorité étrangère.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Retards.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : BOURDON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-22;20pa02974 ?
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