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20/04/2021 | FRANCE | N°20PA04071

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 20 avril 2021, 20PA04071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un récépissé de demande d'asile en procédure normale ainsi qu'un formulaire de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.

Par un jugement

n° 2017755/8 du 18 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis M. B... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un récépissé de demande d'asile en procédure normale ainsi qu'un formulaire de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.

Par un jugement n° 2017755/8 du 18 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, annulé l'arrêté attaqué et enjoint au préfet de police de réexaminer la situation administrative de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2020, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2017755/8 du 18 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 octobre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- les autorités autrichiennes ont été régulièrement saisies d'une demande de reprise en charge ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- la directive n° 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1460 du 18 novembre 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né selon ses déclarations le 9 mars 1998, est entré irrégulièrement en France, et a sollicité le 12 août 2020 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités autrichiennes le 18 juin 2020. Le 17 août 2020, le préfet de police a adressé aux autorités autrichiennes une demande de reprise en charge de M. B... en application des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Le préfet de police a décidé la remise de M. B... aux autorités autrichiennes par un arrêté du 15 octobre 2020, qui a été annulé par un jugement du 18 novembre 2020 dont le préfet de police relève appel.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. " Aux termes de l'article 25 du même règlement : "1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. " Aux termes de l'article 26 du même règlement : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité l'asile en France le 12 août 2020, et que le préfet de police a saisi les autorités autrichiennes d'une demande de reprise en charge de M. B... le 17 août 2020, sous le numéro d'enregistrement FR9930393071, ainsi qu'en atteste l'accusé de réception électronique délivré par l'application informatique " DubliNet " témoignant de la réception par les autorités autrichiennes de la demande adressée en ce sens par le préfet de police, qu'elles ont explicitement acceptée le 24 août suivant, comme l'établit la pièce produite en appel par le préfet de police. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a annulé son arrêté du 15 octobre 2020 au motif qu'il méconnaissait les dispositions des articles 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. B... :

5. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00799 du 1er octobre 2020 régulièrement publié le 9 octobre au Bulletin officiel de la ville de Paris, le préfet de police a donné délégation à Mme D... A..., signataire de l'arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.

6. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

7. La décision de transfert en litige vise, notamment, le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que M. B... a demandé l'asile en France le 12 août 2020, que la comparaison de ses empreintes digitales au moyen du système " Eurodac " a révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Autriche le 18 juin 2020, expose que les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à sa situation et que les autorités autrichiennes doivent être regardées comme responsables de sa demande d'asile, précise que ces autorités ont été saisies le 17 août 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 et ont fait connaître leur accord le 24 août 2020 sur le même fondement. Le moyen tiré de ce que l'arrêté ne satisferait pas à l'exigence de motivation posée à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit dès lors être écarté, nonobstant l'absence de mention des raisons pour lesquelles le préfet de police a saisi les autorités autrichiennes d'une demande de reprise en charge de M. B... plutôt que les autorités grecques. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'insuffisance d'examen de la situation de l'intéressé doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées et telle qu'elle figure à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre contre signature, le 12 août 2020, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), conformes à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 qui a modifié sur ce point l'article 16 bis du règlement (CE) n° 1560/2003, outre le guide du demandeur d'asile et la brochure Eurodac. Ces documents sont rédigés en pachto, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. S'il allègue être analphabète, M. B..., qui a signé les premières pages des brochures et du compte-rendu d'entretien, n'établit pas, comme il le prétend, qu'il aurait fait état auprès des services préfectoraux de ce qu'il ne savait ni lire ni écrire cette langue, notamment lors de l'entretien individuel du 12 août 2020. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

12. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un tel entretien le 12 août 2020 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en pachto et qu'il a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. M. B... n'a fait état dans ses écritures d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Si le résumé de l'entretien individuel, dont l'intéressé a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de M. B... a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie n'ayant pas privé M. B... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles et, en l'espèce, n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

13. En sixième lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le chapitre III de ce règlement est intitulé " Critères de détermination de l'Etat responsable ".

14. D'autre part, aux termes de l'article 18 du même règlement, intégré dans le chapitre V du règlement, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable " : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées par les services du ministère de l'intérieur dans le fichier " Eurodac " à partir des relevés décadactylaires de M. B..., comme le compte-rendu de l'entretien individuel de l'intéressé, ont permis d'établir qu'il est entré irrégulièrement en Grèce, puis s'est rendu en Autriche où il a présenté, le 18 juin 2020, une demande d'asile. En décidant d'examiner ainsi la demande d'asile de M. B..., les autorités autrichiennes ont reconnu leur responsabilité pour examiner cette demande, mettant ainsi fin au processus de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande prévu par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces autorités ont de plus explicitement accepté, le 24 août 2020, de reprendre en charge M. B... sur le fondement de l'article 18-1 b) de ce règlement. Par suite, la situation de M. B... ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 en application desquelles, lorsqu'aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de cette demande. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ses dispositions doit être écarté.

16. En dernier lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. L'Autriche est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. B... invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Autriche. Il ne produit cependant aucun élément permettant d'étayer ses déclarations et n'établit ainsi pas que les autorités autrichiennes, qui ont donné leur accord explicite à la demande de prise en charge adressée par les autorités françaises sur le b du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ne seraient pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de cet article doit être écarté. Par ailleurs, M. B... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait, à la date de l'arrêté litigieux, des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise effective aux autorités autrichiennes, il risquerait de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen tiré de la violation de ces stipulations doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 octobre 2020 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B.... Il est dès lors fondé à demander l'annulation des articles 2, 3 et 4 de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande auxquelles ce jugement a fait droit, à l'exception de celles tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2017755/8 du 18 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles les articles 2, 3 et 4 de ce jugement ont fait droit sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. C..., président,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 avril 2021.

L'assesseur le plus ancien,

P. HAMON Le président-rapporteur,

C. C...

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

No 20PA04071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04071
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005 Étrangers. Entrée en France.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-20;20pa04071 ?
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