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20/04/2021 | FRANCE | N°19PA03897

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 20 avril 2021, 19PA03897


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France à lui verser la somme de 3 087 041,40 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation du préjudice que lui a causé l'illégalité de la décision du 29 juin 2009 par laquelle le président de la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France l'a révoqué de ses fonctions.

Par un jugement n° 1606251/2-2 du 30 septembre

2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ainsi que les conclusion...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France à lui verser la somme de 3 087 041,40 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation du préjudice que lui a causé l'illégalité de la décision du 29 juin 2009 par laquelle le président de la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France l'a révoqué de ses fonctions.

Par un jugement n° 1606251/2-2 du 30 septembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ainsi que les conclusions présentées par la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France au titre des frais d'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 décembre 2019 et 14 juillet 2020, M. E..., représenté par Me B... C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1606251/2-2 du 30 septembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France à lui verser la somme de 3 087 041,40 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation du préjudice que lui a causé l'illégalité de la décision du 29 juin 2009 par laquelle le président de la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France l'a révoqué de ses fonctions ;

3°) de mettre à la charge de la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris

Ile-de-France la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le précédent jugement du tribunal, n° 0913071/5-1 du 5 mai 2011 étant devenu définitif, les illégalités de procédure qui entachent la décision du 29 juin 2009 constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France dès lors que la révocation dont il a fait l'objet est injustifiée au fond ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les illégalités de procédure entachant la décision du 29 juin 2009 n'ont eu aucune incidence ; la décision du 12 juillet 2011 ne pouvait reposer sur les mêmes motifs que la décision du 29 juin 2009 ; le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction de motifs en constatant que M. B. avait indiqué lors de la seconde procédure disciplinaire ne jamais avoir accusé son supérieur hiérarchique de harcèlement sexuel ou moral tout en refusant d'en déduire que les faits retenus au soutien de la seconde révocation étaient différents de ceux retenus au soutien de la première révocation ;

- cette contradiction de motifs est doublée d'une méconnaissance de l'autorité de chose jugée par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 411964 du 10 juillet 2019 en tant que le tribunal a considéré, en dépit de la motivation différente des révocations rendue nécessaire par les rétractations de M. B., que les griefs au soutien de la première révocation étaient identiques à ceux fondant la seconde révocation et qu'ils étaient matériellement exacts ;

- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de qualification juridique ;

- il a subi un préjudice financier, constitué par la privation de son traitement pour la période courant du 29 juin 2009 au 13 mai 2011 soit vingt-trois mois et demi, qui peut être évalué à la somme de 37 397 euros à parfaire ;

- il a subi des troubles dans les conditions d'existence qui peuvent être évalués à la somme de 49 644,40 euros ;

- il a subi un préjudice moral qui peut être évalué à la somme de 3 000 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2020, la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France, représentée par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n°52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me André, avocat de Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Le président de la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France (CCIP) a, par une décision du 29 juin 2009, prononcé la révocation de M. E..., directeur du laboratoire de gemmologie, au motif qu'il avait adopté, pendant plusieurs années, un comportement inapproprié à l'égard de M. B., l'un de ses subordonnés. Par un jugement du 5 mai 2011, le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M. E..., a annulé cette décision. Par une nouvelle décision du 12 juillet 2011, le président de la CCIP a prononcé la révocation de M. E.... Par un jugement du 18 avril 2013, le Tribunal administratif de Paris faisant droit à la demande de M. E..., a annulé cette décision. Par un arrêt du 22 septembre 2014, la Cour administrative d'appel de Paris, sur appel de la CCIP, a annulé ce jugement et rejeté la demande présenté devant le tribunal par M. E.... Par une décision du 7 janvier 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi de M. E..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour. Par un arrêt du 25 avril 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 18 avril 2013 du Tribunal administratif de Paris et rejeté la demande présentée devant le tribunal par

M. E.... Le Conseil d'Etat a, par une décision du 10 juillet 2019, rejeté le pourvoi formé par l'intéressé contre cet arrêt. M. E... relève appel du jugement

n° 1606251/2-2 du 30 septembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris

Ile-de-France à lui verser la somme de 3 087 041,40 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 29 juin 2009 prononçant sa révocation.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient M. E..., le tribunal a bien répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant lui, le bien-fondé des réponses qu'il a apportées à ses moyens étant sans incidence sur la régularité du jugement. Il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué en peut qu'être écarté.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par jugement du 5 mai 2011, devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé la sanction infligée le 29 juin 2009 à M. E... au motif que ce dernier n'avait pas été mis à même d'assister à l'audition de MM. B. et D., entendus par la commission paritaire locale siégeant en formation disciplinaire le 22 juin 2008, avant sa propre audition par cette instance. Cette irrégularité procédurale constitue, ainsi que l'a relevé le tribunal, une faute de nature à engager la responsabilité de la Chambre.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des témoignages précis et concordants produits par M. B. ainsi que par certains de ses collègues, que M. E... a adopté, pendant plusieurs années, à l'encontre de M. B. un comportement inapproprié ainsi que des gestes déplacés et des propos à caractère scatologique et sexuel. M. E... a, par ailleurs, demandé, à plusieurs reprises, à M. B. de rester seul avec lui, après dix-huit heures, au prétexte de le former en vue de l'accession à un poste de responsabilité. Il résulte également de l'instruction que M. B. s'est plaint auprès du directeur des ressources humaines de la CCIP et du médecin du travail du comportement de son supérieur hiérarchique. Eu égard à la gravité des faits reprochés à M. E..., qu'il ne conteste pas efficacement en se bornant à discréditer les témoignages produits et à invoquer un complot, et que la commission paritaire locale siégeant en formation disciplinaire a considéré comme établis, le vice de procédure affectant la révocation prononcée le 29 juin 2009 ne saurait être regardé comme ayant pu avoir une influence sur le sens de la décision prise par le président de la CCIP, qui aurait pu légalement prendre la même décision au terme d'une procédure régulière, ce qu'il a d'ailleurs fait par une décision du 12 juillet 2011, devenue définitive. Il suit de là que le lien de causalité entre l'illégalité de la révocation prononcée à l'encontre de M. E... le 29 juin 2009, et les préjudices dont il demande réparation n'est pas établi.

6. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient M. E..., les circonstances que M. B. ait indiqué, lors de la séance de la commission paritaire locale siégeant en formation disciplinaire du 4 juillet 2011, " qu'il n'a jamais parlé d'harcèlement sexuel ou moral " et que la décision du 12 juillet 2011 prononçant à nouveau sa révocation n'évoque plus le motif tiré d'" un comportement visant à obtenir certaines faveurs sexuelles ", sur lequel s'était fondé la décision du 29 juin 2009, ne sont pas suffisantes pour établir que les faits qui lui sont reprochés, à l'origine de cette décision du 29 juin 2009, seraient différents de ceux retenus par la décision du 12 juillet 2011, ni qu'ils seraient entachés d'inexactitude matérielle alors que, tant l'arrêt de la Cour du 25 avril 2017 que la décision du Conseil d'Etat du 10 juillet 2019, ont relevé que la décision du 12 juillet 2011 n'était pas fondée sur des faits matériellement inexacts. En tout état de cause, alors même que M. B. n'aurait pas accusé son supérieur hiérarchique de harcèlement sexuel, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi que l'a relevé le tribunal, que la CCIP aurait inexactement qualifié ces faits. Il suit de là que M. E... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché de contradiction de motifs, d'erreurs de faits, et d'une méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du Conseil d'Etat du 10 juillet 2019 et que les premiers juges auraient inexactement qualifié les faits qui lui sont reprochés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête d'appel en toutes ses conclusions. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : M. E... versera à la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.

Le rapporteur,

S. D...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 19PA03897


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03897
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : LAEDERICH

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-20;19pa03897 ?
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