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13/04/2021 | FRANCE | N°20PA03047

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 avril 2021, 20PA03047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2013481/8 du 21 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 17 août 2020, a enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de M.

B... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2013481/8 du 21 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 17 août 2020, a enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. B... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 octobre 2020, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2013481/8 du 21 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 ;

- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal n'impliquait pas nécessairement que soit délivrée à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) à titre principal, de constater le non-lieu à statuer ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet de police ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de police dès lors qu'il lui a été délivré une attestation de demande d'asile en procédure normale et que sa demande a été enregistrée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 28 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né en août 1990, s'est présenté au guichet unique des demandeurs d'asile à Paris le 3 juillet 2020 où il a effectué une demande de protection internationale. La consultation du fichier Eurodac ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités autrichiennes le 28 octobre 2015, le préfet de police a saisi les autorités autrichiennes d'une demande de reprise en charge le 6 juillet 2020, qu'elles ont acceptée le 10 juillet 2020. Par un arrêté du 17 août 2020, le préfet de police a ordonné le transfert de M. B... vers l'Autriche. Par la présente requête, le préfet de police fait appel du jugement du 21 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Il ressort des pièces du dossier qu'en délivrant à M. B... une attestation de demande d'asile en procédure normale, le préfet de police a entendu assuré l'exécution du jugement dont il est fait appel lequel mentionne à son point 8 que " le présent jugement, qui annule l'arrêté du préfet de police du 17 août 2020, implique nécessairement que le préfet de police délivre à M. B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du présent jugement ". Dès lors, la circonstance que la demande d'asile formée par l'intéressé auprès de la France soit, à la date de la présente décision, en cours d'examen ne rend pas sans objet le litige portant sur bien-fondé de ce jugement.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 28 janvier 2021, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. L'article 4 du règlement n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...). 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

5. Pour annuler l'arrêté en litige au motif qu'il méconnaît l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le premier juge s'est fondé sur la circonstance M. B... s'est vu remettre, le 3 juillet 2020, les brochures " A " et " B " en langue dari, alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressé, qui a déclaré ne parler que la langue ousbèke dans ses écritures de première instance et était assisté à l'audience du tribunal d'un interprète en cette langue, ait déclaré comprendre le dari. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait informé le préfet qu'il ne comprenait pas le dari. Au contraire, il en ressort que l'entretien individuel dont il a bénéficié a été réalisé dans cette langue par le biais d'un interprète et qu'à cette occasion, M. B... a notamment indiqué être marié, a précisé les pays qu'il avait traversé avant d'arriver en France et a confirmé avoir compris tous les termes de cet entretien. En outre, le préfet de police produit en appel une fiche de " recueil " d'informations établie dans le cadre de sa demande d'asile, mentionnant uniquement le dari au titre de la " langue comprise " et comme " langue d'audition à l'OFPRA " (Office français de protection des réfugiés et apatrides), ainsi qu'une fiche d'information sur la procédure d'audition, rédigée en persan, dont le dari est une variante, et signée par M. B... le 3 juillet 2020. Dans ces conditions, le préfet de police pouvait raisonnablement supposer que M. B... comprenait le dari. En outre, il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... s'est vu remettre le 3 juillet 2020 les brochures d'information " A " et " B " et le guide du demandeur d'asile rédigés en langue dari dont les copies versées au dossier comportent sa signature. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, estimant que la décision de remettre M. B... aux autorités autrichiennes méconnaissait les dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013, a annulé l'arrêté en litige pour ce motif.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris et en appel.

Sur les autres moyens invoqués par M. B... :

7. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00508 du 16 juin 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2020-186 de la préfecture de Paris du même jour et au bulletin officiel de la ville de Paris du 23 juin 2020, le préfet de police a donné à Mme F... C..., attachée d'administration de l'Etat, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives à la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative ".

9. Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaitre qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

10. La décision de transfert en litige comporte le visa du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers. Elle indique que " il ressort de la comparaison des empreintes digitales M. B... E... au moyen du système " EURODAC ", effectuée conformément au règlement n° 603/2013 susvisé, que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités autrichiennes le 28 octobre 2015 ". La décision précise que le préfet de police a alors saisi les autorités autrichiennes le 6 juillet 2020 d'une demande de reprise en application de l'article 18 (1) (b) du règlement n° 604/2013 précité et que celles-ci ont fait connaître leur accord le 10 juillet 2020 en application de l'article 18 (1) (d) du même règlement. Ces éléments permettent à l'intéressé de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de police pour déterminer que l'Autriche était responsable de l'examen de sa demande d'asile. Elle indique également qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. B..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté du préfet de police ordonnant son transfert aux autorités autrichiennes n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation, alors même qu'il ne précise pas que son recours contre la décision rejetant sa demande d'asile a été rejeté par le tribunal administratif fédéral autrichien et qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire autrichien.

11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de décider son transfert aux autorités autrichiennes.

12. En quatrième lieu, l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé (...) ".

13. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du résumé de cet entretien, dûment signé par M. B..., que celui-ci a bénéficié d'un entretien individuel le 3 juillet 2020 auprès de la préfecture de police réalisé en présence d'un interprète en langue dari, langue dont on peut raisonnablement supposer qu'elle est comprise de lui ainsi qu'il a été dit précédemment. D'autre part, cet entretien a été mené par un agent du 12ème bureau de la préfecture de police, identifié par ses initiales, qui doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien conformément aux exigences de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013, alors même que son nom n'est pas précisé dans le résumé d'entretien et que sa signature n'y est pas apposée.

14. En cinquième lieu, d'une part, il résulte de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride que, lorsque l'autorité administrative saisie d'une demande de protection internationale estime, au vu de la consultation du fichier Eurodac prévue par le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac, que l'examen de cette demande ne relève pas de la France, il lui appartient de saisir le ou les États qu'elle estime responsable de cet examen dans un délai maximum de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. À défaut de saisine dans ce délai, la France devient responsable de cette demande. Selon l'article 25 du même règlement, l'État requis dispose, dans cette hypothèse, d'un délai de deux semaines au-delà duquel, à défaut de réponse explicite à la saisine, il est réputé avoir accepté la reprise en charge du demandeur.

15. D'autre part, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, a notamment créé un réseau de transmissions électroniques entre les États membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande et la Norvège, dénommé " Dublinet ", afin de faciliter les échanges d'information entre les États, en particulier pour le traitement des requêtes de prise en charge ou de reprise en charge des demandeurs d'asile. Selon l'article 19 de ce règlement, chaque État dispose d'un unique " point d'accès national ", responsable pour ce pays du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes et qui délivre un accusé de réception à l'émetteur pour toute transmission entrante. Selon l'article 15 de ce règlement : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Le 2 de l'article 10 du même règlement précise que : " Lorsqu'il en est prié par l'État membre requérant, l'État membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse ".

16. En vertu de ces dispositions, lorsque le préfet est saisi d'une demande d'enregistrement d'une demande d'asile, il lui appartient, s'il estime après consultation du fichier Eurodac que la responsabilité de l'examen de cette demande d'asile incombe à un État membre autre que la France, de saisir la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, qui gère le " point d'accès national " du réseau DubliNet pour la France. Les autorités de l'État regardé comme responsable sont alors saisies par le point d'accès français, qui archive les accusés de réception de ces demandes. Les demandes émanant des préfectures sont, en principe, transmises le jour même aux autorités des autres États membres si elles parviennent avant 16 heures 30 au point d'accès national et le lendemain si elles y parviennent après cette heure. En outre, si les préfectures n'avaient pas directement accès aux accusés de réception archivés par le point d'accès national, elles peuvent désormais y accéder directement.

17. La décision de transfert d'un demandeur d'asile vers l'État membre responsable au vu de la consultation du fichier Eurodac ne peut être prise qu'après l'acceptation de la reprise en charge par l'État requis, saisi dans le délai de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. A cet égard, s'il est nécessaire que les autorités françaises aient effectivement saisi les autorités de l'autre État avant l'expiration de ce délai de deux mois et que les autorités de cet État aient, implicitement ou explicitement, accepté cette demande, la légalité de la décision de transfert prise par le préfet ne dépend pas du point de savoir si les services de la préfecture disposaient matériellement, à la date de la décision du préfet, des pièces justifiant de l'accomplissement de ces démarches.

18. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise alors que l'État requis n'a pas été saisi dans le délai de deux mois ou sans qu'ait été obtenue l'acceptation par cet État de la prise en charge de l'intéressé. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur ce point au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance.

19. Il résulte des dispositions précitées du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau " Dublinet ", par le point d'accès national de l'État requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise en charge est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier " Eurodac " et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'État requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

20. Il ressort des pièces produites en première instance que le préfet de police a été informé par un courrier du directeur de l'asile du 3 juillet 2020 que les empreintes de M. B..., identifiées sous la référence FR 1 9930384719, figuraient dans le fichier Eurodac comme ayant déjà été relevées en Autriche le 28 octobre 2015. A également été produit le formulaire adressé aux autorités autrichiennes en vue de la reprise en charge de M. B... comportant la référence de l'intéressé en France. Si le préfet n'a pas versé au dossier l'accusé de réception électronique délivré par l'application informatique " Dublinet ", il a produit l'accord des autorités autrichiennes datant 10 juillet 2020 et comportant également le numéro de référence du dossier " Dublinet " de M. B.... Dans ces conditions, le préfet de police établit que les autorités autrichiennes ont été saisies d'une requête aux fins de reprise en charge de M. B... dans les délais prévus par l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

21. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 3 de l'article 26 du règlement (UE) n°604/2013 : " (...) 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les Etats membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle comprend. " Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies de délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".

22. Si les conditions de notification de l'arrêté litigieux peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours, elles sont sans incidence sur la légalité de la décision ordonnant le transfert de l'intéressé aux autorités autrichiennes. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a été notifié à M. B... le 17 août 2020 à l'occasion de l'entretien individuel qui s'est déroulé en présence d'un interprète en langue dari. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été notifié dans des conditions irrégulières, dès lors que la notification n'aurait pas été réalisée dans une langue qu'il comprend doit, en tout état de cause, être écarté.

23. En septième lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE)

n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le chapitre III de ce règlement est intitulé " Critères de détermination de l'Etat responsable ".

24. D'autre part, aux termes de l'article 18 du même règlement, intégré dans le chapitre V du règlement, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable " : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".

25. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les critères du chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont susceptibles de fonder une décision de transfert que s'il s'agit d'un transfert en vue d'une première prise en charge, et non en vue d'une reprise en charge. Il en résulte également que l'article 18-1 b) à d) de ce règlement doit être regardé comme figurant au nombre des critères énumérés dans ce règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile auprès d'un ou de plusieurs Etats membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre Etat membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet Etat de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b), c) ou d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, sa situation ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement, qui concernent le cas dans lequel aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement..

26. M. B... soutient que, étant entré dans l'Union européenne par la Grèce, les autorités grecques sont responsables de l'examen de sa demande d'asile. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité l'asile en Autriche le 28 octobre 2015. En examinant la demande d'asile de M. B..., les autorités autrichiennes ont reconnu leur responsabilité pour examiner cette demande, mettant ainsi fin au processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande prévu par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces autorités ont de plus explicitement accepté, le 10 juillet 2020, de reprendre en charge M. B... sur le fondement de l'article 18-1 d) de ce règlement. Par suite, la situation de M. B... ne relève pas des critères prévus par le chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur de droit dans la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B... ne peut qu'être écarté.

27. En huitième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : a) La peine de mort ou une exécution ; b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; c) S'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. ".

28. M. B... soutient que, en cas de transfert vers l'Autriche, il sera renvoyé en Afghanistan, où il risque des traitements inhumains et dégradants, dès lors que les autorités autrichiennes ont définitivement rejeté sa demande d'asile et qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire autrichien. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de transférer M. B... vers l'Autriche et non vers son pays d'origine. Même si cette présomption n'est pas irréfragable, l'Autriche est présumée se conformer aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection. L'existence d'un risque sérieux d'exécution forcée par les autorités autrichiennes d'une mesure d'éloignement vers l'Afghanistan et l'impossibilité d'exercer un recours effectif, dans cette hypothèse, permettant à l'intéressé de faire valoir tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation de conflit qui prévaut dans ce pays, ne sont pas établies en l'espèce. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 et méconnu l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

29. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 août 2020. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris, de même que les conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à ce que M. B... soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2013481/8 du 21 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2021.

Le président,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA03047 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03047
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-13;20pa03047 ?
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