Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont, par trois requêtes rédigées en termes identiques, demandé aux tribunaux administratifs de Melun, de Strasbourg et de Montreuil de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 268 609 euros qui leur a été réclamée par deux avis à tiers détenteur émis par le comptable du service des impôts des particuliers de Champigny-sur-Marne le 5 février 2016.
Par un jugement portant les nos 1606196, 1607332 et 1608214, en date du 13 décembre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 février 2019, 2 août 2019, 3 juillet 2020, et 24 septembre 2020, M. et Mme C..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1606196, 1607332, 1608214 du 13 décembre 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer l'annulation des avis à tiers détenteurs émis le 5 février 2016 en vue de recouvrer une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu due au titre de l'année 2002 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en vertu des dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la prescription de l'action en recouvrement du comptable public leur était acquise lorsque ce dernier a émis, le 5 février 2016, les avis à tiers détenteur contestés entre les mains de quatre établissements bancaires, dès lors que l'imposition ayant donné lieu à la procédure de recouvrement n'a fait l'objet d'aucune réclamation d'assiette assortie d'une demande de sursis légal de paiement, et que la réclamation présentée le 18 avril 2005 assortie d'une demande sursis à statuer ne concernait que l'imposition mise en recouvrement le 31 mars 2005 ;
- la seule imposition contestée par voie de réclamation préalable puis devant le tribunal administratif en litige d'assiette est l'imposition mise en recouvrement le 31 mars 2005 ;
- la mise en demeure de payer du 30 mai 2012 concernait le paiement de l'imposition figurant sur le rôle du 31 mars 2005, et non celle figurant sur le rôle du 30 avril 2005 dont le recouvrement était poursuivi par les avis à tiers détenteur émis le 5 février 2016 ;
- ils se prévalent des dispositions du c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales en vertu desquelles la prescription de l'action en recouvrement est recevable à l'encontre du premier acte de poursuite permettant de l'invoquer utilement, soit les avis à tiers détenteurs et non la mise en demeure de payer en date du 30 mai 2012.
Par un mémoire en défense et des mémoires enregistrés les 17 juin 2019, 25 mars 2020, 6 août 2020 et 28 octobre 2020 le ministre de l'action et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions tendant à l'annulation des avis à tiers détenteur sont irrecevables car portées devant une juridiction incompétente ;
- la requête est irrecevable, dès lors que le moyen tiré la prescription de la créance de l'État depuis le 15 décembre 2009, qui a trait au bien-fondé, n'est pas invoqué au soutien de conclusions pertinentes ;
- la requête est irrecevable dans la mesure où le moyen tiré la prescription de recouvrement de la créance de l'État, qui a trait au bien-fondé, n'est pas invoqué au soutien de conclusions pertinentes ;
- la créance de l'État n'est pas prescrite ;
- les autres moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,
- et les observations de Me B... représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a fait l'objet d'une procédure de rectification contradictoire au titre de l'année 2002, à l'issue de laquelle il a été rendu destinataire d'une proposition de rectification du 10 novembre 2004. Une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2002 a été mise en recouvrement le 31 mars 2005 pour un montant de 139 061 euros, qu'il a contestée par une réclamation d'assiette assortie d'une demande de sursis de paiement présentée le 18 avril 2005. Une autre cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2002 a été mise en recouvrement à son encontre le 30 avril 2005 pour un montant de 274 223 euros. Par courrier du 2 mai 2005, M. C... a écrit au centre des impôts de Nogent-sur-Marne en faisant valoir qu'il faisait l'objet d'une double imposition. Par décision du 4 juillet 2005, le directeur des services fiscaux du Val-de-Marne a procédé au dégrèvement de la cotisation d'impôt sur le revenu d'un montant de 139 061 euros. Par décision du 17 novembre 2005, cette même autorité a rejeté la réclamation du 18 avril 2015. Par décision du 29 décembre 2005, ce même directeur des services fiscaux a prononcé un dégrèvement d'office à hauteur de 37 145 euros. Par jugement n° 0507509 du 20 novembre 2008, le tribunal administratif de Melun a prononcé le non-lieu à statuer à hauteur de ce dégrèvement de 37 145 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Le 5 février 2016, le comptable du service des impôts des particuliers de Champigny-sur-Marne a notifié à l'encontre de M. C... deux avis à tiers détenteur pour obtenir le recouvrement d'une somme de 268 609 euros, à l'encontre desquels l'intéressé a formé opposition le 21 mars 2016. Par trois demandes adressées aux tribunaux administratifs de Melun, de Strasbourg et de Montreuil, M. C... a demandé la décharge de l'obligation de payer la somme de 268 609 euros résultant de la notification de ces deux actes de poursuites émis le 5 février 2016. M. et Mme C... font appel du jugement nos 1606196, 1607332 et 1608214 du 13 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur requête.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre intimé :
2. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable (...) ". Aux termes de l'article L. 281 du même livre : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts... doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 ".
3. Il résulte de l'instruction que, par trois réclamations préalables rédigées en termes identiques datées du 21 mars 2016 adressées aux directeurs des services fiscaux du Val-de-Marne, du Bas-Rhin et de la Seine-Saint-Denis, les époux C... ont contesté l'obligation de payer la somme de 268 609 euros réclamée par les deux avis à tiers détenteur émis le 5 avril 2016, au motif que cette créance serait prescrite depuis le 15 décembre 2009 en application de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales. Ce motif tiré de la prescription de l'action en recouvrement exercée par l'administration constitue un " autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt " au sens des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. Or, dès lors que la contestation qu'un redevable a formée devant l'administration est fondée sur l'un des motifs mentionnés au 2° de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, ce dernier est recevable à demander au juge du recouvrement la décharge de l'obligation de payer en invoquant l'un de ces motifs. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à obtenir l'annulation des avis à tiers détenteur émis le 5 février 2016 doivent être interprétées comme tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de de 268 609 euros.
4. Le ministre soutient que la requête est également irrecevable dans la mesure où le moyen tiré de la prescription de recouvrement de la créance de l'État, qui a trait au bien-fondé de la créance, ne serait pas soulevé au soutien de " conclusions pertinentes ". Ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, la requête présentée par les époux C... s'analyse comme une contestation de l'obligation de payer une dette d'impôt de l'année 2002 restant due à hauteur de 268 609 euros en raison de la prescription de recouvrement de la créance en litige et non comme une opposition à poursuite devant le juge judiciaire à raison de l'irrégularité en la forme des deux actes de poursuite que sont les avis à tiers détenteur émis le 5 février 2016. Par suite, les deux fins de non-recevoir opposées aux conclusions de la requête par le ministre intimé ne peuvent qu'être écartées.
Sur la recevabilité du moyen tiré de la prescription de la créance :
5. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors en vigueur : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent (...) ". Les dispositions de l'article R. 281-2 du même livre, selon lesquelles les contestations relatives au recouvrement des impôts et taxes font l'objet, de la part du redevable, d'une demande, qui " doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier-payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte si le motif invoqué est un vice de forme ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif ". Aux termes de l'article R. 281-3-1 du même livre : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée, ... dans un délai de deux mois à partir de la notification : / a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; / b) De tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ; / c) Du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif ".
6. M. C... soutient de nouveau en appel que le comptable public ne pouvait émettre les avis à tiers détenteur litigieux, délivrés le 5 février 2016, dès lors que l'action en recouvrement, correspondant à la cotisation d'impôt sur le revenu due au titre de l'année 2005, mise en recouvrement le 30 avril 2005, était prescrite depuis 2009, en vertu des dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, en l'absence de tout acte interruptif ou suspensif de prescription depuis sa mise en recouvrement, et dès lors que la seule réclamation d'assiette assortie d'une demande de sursis de paiement qu'il a présentée le 18 avril 2005 ne portait que sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de la même année mise en recouvrement le 31 mars précédent. L'administration ne conteste pas que la prescription de la dette d'impôt mise en recouvrement le 30 avril 2005 est intervenue en 2009, mais fait valoir que M. C... a été rendu destinataire de mises en demeure valant commandement de payer la somme de 268 609 euros correspondant à la cotisation d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2002 mise en recouvrement le 30 avril 2005, ainsi que d'autres mises en demeure valant commandement de payer datés des 30 mai 2012, 30 avril 2014 et 11 septembre 2015, dont des copies sont produites, ainsi que les avis de réception correspondants dûment signés faisant état d'une distribution respectivement les 8 juin 2012, 6 mai 2014 et 18 septembre 2015. Les requérants ne sauraient sérieusement soutenir que l'administration leur aurait réclamé par la mise en demeure de payer du 30 mai 2012 le paiement de l'imposition qui a fait l'objet d'un dégrèvement total le 4 juillet 2005. Dès lors, les requérants qui se prévalent de l'intervention de la prescription de l'action en recouvrement au cours de l'année 2009, ne sont pas recevables, en vertu du c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, à se prévaloir de la prescription de l'action en recouvrement à l'appui des oppositions présentées à l'encontre des avis à tiers détenteur du 5 février 2016 qui ne sont pas le premier acte de poursuite permettant de l'invoquer.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme C..., parties perdantes, doivent dès lors être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris, département des affaires juridiques - services du contentieux d'appel déconcentrés.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme A..., premier conseiller,
- M. Sibilli, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2021.
Le rapporteur,
I. A...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00720