Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 avril 2018 par lequel le maire de la commune de Rangiroa a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune de Rangiroa de le réintégrer à compter du 6 avril 2018.
Par un jugement no 1800180 du 12 mars 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du 5 avril 2018, enjoint au maire de la commune de Rangiroa de le réintégrer dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et a mis à la charge de la commune le versement à M. B... de la somme de 200 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin 2019 et le 14 octobre 2020, la commune de Rangiroa, représentée par la SELARL Froment-Meurice et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement no 1800180 du 12 mars 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la sanction de radiation des cadres était proportionnée aux fautes commises par M. B... et reconnues par le Tribunal ;
- les moyens soulevés en défense ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 octobre 2019 et le 3 novembre 2020, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Rangiroa la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;
- la commune n'a pas respecté la procédure prévue par l'article 64 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 et par l'article 137 du décret n° 2011-1040 du 29 août 2011 ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été régulièrement mis en demeure de reprendre son poste le 3 janvier 2018 sous peine de radiation des cadres ;
- il est, depuis sa réintégration, victime d'un harcèlement de la part de son employeur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Rangiroa.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., recruté comme agent de police polyvalent en contrat à durée déterminée en janvier 2010 par la commune de Rangiroa, a intégré la fonction publique communale de la Polynésie française le 19 décembre 2014 et a été nommé au grade de gardien dans le cadre d'emploi " application " par un arrêté du 13 décembre 2016. Suspendu de ses fonctions le 8 janvier 2018, il a fait l'objet d'un arrêté de révocation du maire de Rangiroa le 5 avril 2018. La commune de Rangiroa fait appel du jugement du 12 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française, faisant droit à la demande de M. B..., a annulé l'arrêté du 5 avril 2018 et enjoint à la commune de Rangiroa de le réintégrer.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que, pour accueillir le moyen tiré de ce que l'arrêté portant sanction de révocation était entaché d'une erreur d'appréciation, les premiers juges ont relevé que M. B... avait commis des fautes d'une particulière gravité en prenant un congé sans en référer à personne et en s'abstenant de déférer à l'ordre qui lui avait été donné de revenir immédiatement à Rangiroa, mais que, toutefois, il donnait satisfaction dans l'exercice de ses fonctions et que l'existence d'une sanction précédente invoquée par la commune n'était pas établie. Dans ces conditions, le jugement est suffisamment motivé contrairement à ce que soutient la commune de Rangiroa.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 63 de l'ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes de la Polynésie française : " Les sanctions disciplinaires, qui doivent être notifiées par écrit, sont réparties en quatre groupes : / 1° Premier groupe : / a) L'avertissement ; / b) Le blâme ; / c) L'exclusion temporaire de fonction pour une durée maximale de trois jours ; / 2° Deuxième groupe : / a) La radiation du tableau d'avancement ; / b) L'abaissement d'échelon ; / e) L'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / d) Le déplacement d'office ; / 3° Troisième groupe : / a) La rétrogradation ; / b) L'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de seize jours à six mois ; / 4° Quatrième groupe : / La révocation. / Les sanctions disciplinaires, à l'exception de l'avertissement, sont inscrites au dossier du fonctionnaire. (...) ".
4. Pour fonder la sanction de révocation prononcée le 5 avril 2018 à l'encontre de M. B..., la commune de Rangiroa a retenu dans l'arrêté contesté que celui-ci, chef de sa police municipale, s'est absenté sans autorisation ni justification de l'atoll de Rangiroa pendant 19 jours, entre le 19 décembre 2017 et le 7 janvier 2018. Il ressort des pièces du dossier qu'il n'avait pas averti sa hiérarchie de son absence, s'étant borné à adresser au secrétaire général de la commune peu avant son départ, comme chaque semaine, un planning mentionnant, en ce qui le concernait, du 19 au 22 décembre, un repos compensatoire, sans signaler cette absence ni, a fortiori, en demander l'autorisation, et que, n'ayant pas pu joindre son adjoint, alors en congé, pour lui confier son intérim, il a quitté l'atoll en laissant le service sans responsable, remettant son téléphone de service à sa fille afin qu'elle les transmette à un agent. Si l'intimé soutient que la durée de son absence volontaire ne peut être de 19 jours dès lors qu'il n'aurait pas repris son service parce que le maire lui aurait, le 22 décembre, annoncé par téléphone son licenciement, il n'établit pas que son absence jusqu'au 7 janvier 2018 serait imputable à une injonction en ce sens, notamment par la production d'un courrier du 28 décembre dont il n'a pris connaissance qu'après son retour. Si, pour justifier la sanction, la commune de Rangiroa fait en outre valoir, sans l'avoir retenu dans l'arrêté litigieux, que M. B... s'était déjà absenté sans autorisation du 31 août au 6 septembre 2017, au moment où se déroulait un événement touristique annuel dans l'atoll de Rangiroa, et qu'il avait pour ce motif fait l'objet d'un avertissement, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé avait reçu d'un adjoint au maire, le 28 août 2017, l'autorisation de prendre ses congés à ces dates. La commune n'apporte en outre aucune preuve de l'existence d'un avertissement donné à cette occasion, qui est d'ailleurs contredite par l'attestation de son directeur général, du 28 mai 2019, qu'elle produit elle-même, ainsi que par le constat en ce sens du conseil de discipline. Il est par ailleurs constant que M. B... donnait jusque-là entière satisfaction dans l'exercice de ses fonctions et n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire avant la décision attaquée. Dans ces circonstances, si M. B... a commis une faute d'une gravité certaine en prenant sans autorisation un congé pendant 19 jours, pendant la période des fêtes de fin d'année, et en laissant son service sans responsable lors de son départ, la sanction de révocation est disproportionnée par rapport aux faits et est dès lors entachée d'une erreur d'appréciation
5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Rangiroa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du 5 avril 2018 et lui a enjoint de réintégrer M. B.... Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Rangiroa le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées par M. B... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Rangiroa est rejetée.
Article 2 : La commune de Rangiroa versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rangiroa et à M. E... B....
Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, président,
- M. D..., premier conseiller,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.
Le rapporteur,
A. D...Le président,
P. HAMON
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA01998 2