Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de l'Île des Pins à lui verser une somme totale de 6 649 887 F CFP, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2017, en réparation des préjudices résultant de l'insuffisante rémunération lui ayant été versée pendant un congé de maladie.
Par un jugement n° 1800086 du 15 octobre 2018 le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné la commune de l'Île des Pins à verser à Mme D... une somme de 100 000 F CFP ainsi que la différence entre la rémunération qui lui a été effectivement allouée entre le 1er avril et le 10 avril 2016 et celle qu'elle aurait dû percevoir si l'intégralité de son traitement lui avait été versée pendant cette même période, assortie des intérêts au taux légal, et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 janvier 2019 et le 21 août 2019, Mme D..., représentée par la SELARL Jean-Jacques Deswarte-Calmet, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1800086 du 15 octobre 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de condamner la commune de l'Île des Pins à lui verser la somme totale de 6 499 374 F CFP ;
3°) de mettre à la charge de la commune de l'île des Pins le versement de la somme 450 000 F CFP au titre des frais de justice exposés en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le Tribunal a statué " ultra petita " en ne lui allouant pas au minimum la somme que la commune a reconnu lui devoir ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions relatives à la période de juin à août 2017 ;
- la commune a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en ne lui versant pas les traitements auxquels elle avait droit à compter du mois de juillet 2016, puis en cessant tout versement à compter de juin 2017 et en n'accomplissant aucune diligence pour lui trouver une affectation à l'issue de son congé de longue maladie, la cessation de son détachement à compter de juillet 2016 étant sans incidence sur ces droits ;
- le préjudice financier résultant de ces fautes s'élève à la somme de 1 499 374 F CFP ;
- le comportement de harcèlement moral de la commune lui a en outre causé un préjudice moral devant être réparé à hauteur de 5 000 000 F CFP.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2019, la commune de l'Île des Pins, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 300 000 F CFP soit mis à la charge de Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Mme D... est seulement fondée à demander le versement de la somme de 509 788 F CFP au titre des traitements non versés entre avril 2016 et août 2016, ce qui correspond à la condamnation prononcée par le Tribunal ;
- les conclusions relatives au paiement de ses échéances de prêt sont irrecevables faute de demande préalable ;
- les autres moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- l'arrêté n° 1066 du 22 août 1953 fixant le régime des congés des personnels civils relevant de l'autorité du chef du territoire ;
- le code des pensions de retraites des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., rédacteur d'administration générale de la Nouvelle-Calédonie détachée auprès de la commune de l'Île des Pins, a été placée en congé de maladie ordinaire du 10 avril 2015 au 6 juillet 2015 et en congé de longue maladie du 7 juillet 2015 au 29 mai 2017. A l'issue de ce congé elle a été affectée à la direction du budget et des affaires financières de la Nouvelle-Calédonie à compter du 21 août 2017. Elle fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a seulement condamné la commune à lui verser la différence entre la rémunération qui lui a été effectivement allouée entre le 1er avril et le 10 avril 2016 et celle qu'elle aurait dû percevoir si l'intégralité de son traitement lui avait été versée pendant cette même période, ainsi que 100 000 F CFP en réparation de son préjudice moral, et a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la fin de non recevoir opposée par la commune :
2. Il résulte de l'instruction que Mme D... demande en appel, comme en première instance et dans sa demande préalable du 12 décembre 2017, la condamnation de la commune de l'Île des Pins à l'indemniser, à hauteur d'une somme globale de 5 000 000 XPF, de l'ensemble des préjudices moraux qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par la commune dans la prise en charge financière de son congé de maladie et de ses suites. Par suite la commune n'est pas fondée à soutenir que les conclusions indemnitaires de Mme D... tendant à l'indemnisation du préjudice moral subi du fait de son incapacité financière à honorer les échéances d'un prêt bancaire seraient irrecevables faute d'avoir fait l'objet d'une demande préalable.
Sur la régularité du jugement :
3. Il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé, au vu de l'argumentation qu'il incombe au requérant de présenter au soutien de ses prétentions. Par suite en relevant, pour rejeter le surplus des conclusions de Mme D..., que le préjudice financier dont elle était fondée à demander la réparation était limité aux conséquences de l'erreur commise dans le calcul des traitements lui ayant été versés sur la période allant du 1er avril au 10 avril 2016, les premiers juges n'ont pas méconnu leur office, alors même que la commune de l'Île des Pins avait reconnu être débitrice à l'égard de Mme D... d'une somme d'un montant supérieur.
Sur le bien fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 7 de l'arrêté n° 1066 du 22 août 1953 fixant le régime des congés des personnels civils relevant de l'autorité du chef du territoire : " Le fonctionnaire en congé de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, conservera l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité des prestations familiales. / Lorsqu'il est atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, qui rend nécessaire un traitement et des soins coûteux et prolongés, le fonctionnaire a droit à un congé de longue maladie, d'une durée maximum de trois ans. Il conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; ce traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité des prestations familiales. / (...) ". Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition ou principe qu'un agent relevant de l'autorité du chef de territoire ne puisse bénéficier d'un congé de longue maladie qu'à l'issue d'un congé de maladie ordinaire.
5. En premier lieu il résulte de l'instruction que Mme D... a été en congé de maladie de manière ininterrompue du 10 avril 2015 au 29 mai 2017 à raison d'une seule et même pathologie dont il est constant qu'elle constituait une affection rendant nécessaire un traitement et des soins coûteux et prolongés. Par suite, ainsi que l'ont relevé les premiers juges elle avait droit, en application des dispositions précitées, à conserver l'intégralité de son traitement pendant une période d'un an qui commençait à courir non pas à partir du 7 juillet 2015 comme elle le demande mais à compter du jour de la première constatation médicale de cette maladie, le 10 avril 2015. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la commune de l'île des Pins aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne lui versant pas l'intégralité de son traitement pendant une durée totale de quinze mois, soit jusqu'au mois de juillet 2016.
6. En deuxième lieu, si Mme D... persiste à soutenir qu'elle aurait droit à percevoir, quand elle était en demi-traitement du 10 avril 2016 jusqu'à sa reprise au 29 mai 2017, la moitié du traitement net perçu, elle n'apporte en appel aucun élément nouveau de fait ou de droit. Il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 70 de l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, régulièrement titulaire d'un grade exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois qui y correspond. / (...). Les fonctionnaires qui cessent d'être affectés pour servir sous l'autorité de l'Etat et sous celle des Exécutifs des Provinces et des Communes ainsi que de leurs établissements publics, continuent à émarger au budget de la collectivité auprès de laquelle ils sont affectés jusqu'à ce qu'un nouvel emploi leur soit attribué. " L'article Lp. 71 de cet arrêté précise que : " Sont assimilées à la position d'activité les situations suivantes : / (...) / 3° le congé de maladie ; / (...) ". Le droit de tout agent à percevoir son traitement ne pouvant cesser que si l'absence d'accomplissement de son service résulte de son propre fait, il appartient à la Cour de rechercher si l'absence de service fait par Mme D... ne résultait pas de la méconnaissance, par la commune, de son obligation de placer ses agents dans une situation régulière et de les affecter, dans un délai raisonnable, sur un emploi correspondant à des fonctions effectives.
8. La commune de l'Île des Pins ne conteste pas qu'en application de ces dispositions, l'arrêté du 31 mai 2016 mettant fin à l'affectation de Mme D... au sein de la commune à partir du 8 juillet 2016 ne faisait pas cesser son obligation de prendre en charge la rémunération de la requérante jusqu'à sa réaffectation, intervenue en l'espèce au service du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à compter du 21 août 2017. Toutefois il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites en appel, que si la commune n'a versé à Mme D... que la moitié de son traitement correspondant à la période entre le 29 mai 2017, fin de congé de longue maladie, et le 21 août 2017, dans les circonstances de l'espèce compte-tenu du délai de moins de trois mois qui s'est écoulé entre ces deux dates, de la difficulté de trouver une affectation à Mme D... eu égard à ses problèmes relationnels vis-à-vis de ses collègues avant son départ en congé, et du fait que la requérante n'a entrepris aucune démarche auprès de la commune pour y reprendre des fonctions mais avait candidaté dès le 14 mars 2017 au poste sur lequel elle a finalement été affectée, l'absence de rémunération entre juin et août 2017 ne peut être regardée comme constituant, de la part de la commune, une faute de nature à engager sa responsabilité.
9. Enfin si Mme D... soutient avoir été l'objet d'un harcèlement moral de la part de la commune de l'Île des Pins, elle ne fait valoir à cet égard que les difficultés, ci-dessus analysées, rencontrées dans le paiement de ses traitements pendant sa période de congé maladie et à l'issue de celui-ci, ainsi que la détérioration de son état de santé. Ces seuls éléments ne sont toutefois pas de nature à faire présumer l'existence d'un tel harcèlement.
En ce qui concerne les préjudices :
10. Compte tenu de ce qui précède, dans les circonstances de l'espèce Mme D... n'est pas fondée à demander que le montant de l'indemnité qui lui a été allouée par les premiers juges, en réparation du préjudice moral causé par la faute de la commune à raison de l'absence de versement d'un plein traitement pendant 10 jours, entre le 1er avril et le 10 avril 2016, soit portée à la somme de 5 000 000 XPF.
Sur les frais de justice :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de l'Île des Pins qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de l'Île des Pins sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de l'Île des Pins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la commune de l'Île des Pins.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président,
- M. Segretain, premier conseiller,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.
Le président-rapporteur,
P. A...L'assesseur le plus ancien,
A. SEGRETAIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00228