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30/03/2021 | FRANCE | N°20PA02909

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 mars 2021, 20PA02909


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 6 août 2020 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités finlandaises responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2012826/8 du 8 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. F... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours à compter de la date d

e notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à vers...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 6 août 2020 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités finlandaises responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2012826/8 du 8 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. F... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. F....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2020 et des pièces enregistrées les 3 décembre 2020 et 15 janvier 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2012826/8 du 8 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; la faculté pour les autorités françaises d'examiner, au titre de l'article 17 du règlement n° 604/2013, une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors que cet examen ne leur incombe pas, ne constitue pas un droit pour le demandeur d'asile ; la décision portant transfert vers un pays membre de l'Union européenne, dans le cadre du règlement " Dublin ", n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner un ressortissant d'un pays tiers à destination de son pays d'origine, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

- les autres moyens soulevés par M. F... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2020, M. F..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit fait droit à sa demande d'aide juridictionnelle provisoire et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que l'arrêté du 6 août 2020 méconnait les stipulations de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 1er décembre 2020.

Par ordonnance du 19 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 janvier 2021 à midi.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... F..., ressortissant de nationalité afghane, a été reçu par les services de la préfecture le 6 mars 2020 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées par les autorités finlandaises, le préfet de police a saisi le 11 mars 2020 ces autorités d'une demande de reprise en charge qui ont accepté leur responsabilité par un accord explicite du 13 mars 2020. Par un arrêté du 6 août 2020, le préfet de police a ordonné le transfert de l'intéressé aux autorités finlandaises. Le préfet de police relève appel du jugement du 8 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. F..., cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. F... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 1er décembre 2020, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, qui ont perdu leur objet.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

3. Aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre... ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

4. Pour annuler l'arrêté portant transfert de M. F... aux autorités finlandaises en tant qu'il méconnaît les dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé serait obligé, en cas de renvoi dans son pays d'origine, de passer par Kaboul, seul point d'entrée sur le territoire afghan où il se trouverait exposé à un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que les autorités finlandaises ont accepté la reprise en charge de M. F... sur le fondement de l'article 18 (1) d du règlement (UE) n° 604/2013 signifiant que sa demande d'asile a été définitivement rejetée dans ce pays. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Finlande et non dans son pays d'origine. Par ailleurs, la Finlande, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, M. F..., qui se borne à faire référence à des rapports d'organisations internationales sur la situation en Afghanistan et à se prévaloir de ce que la Cour nationale du droit d'asile accorde la protection subsidiaire aux ressortissants afghans dès lors qu'ils doivent transiter par Kaboul, ne produit toutefois aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Finlande dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités finlandaises, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 6 août 2020 au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00508 du 16 juin 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de Paris du 16 juin 2020, le préfet de police a donné à M. A... D..., attaché, chargé de mission au 12ème bureau, à la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale à la préfecture de police, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions en matière de police des étrangers, en cas d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'auraient pas été absentées ou empêchées. Par ailleurs, il ressort des pièces versées au dossier que cet arrêté comporte bien la signature de son auteur. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit, par suite, être écarté.

7. En deuxième lieu, l'arrêté du 6 août 2020 portant transfert de M. F... aux autorités finlandaises vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers. Il indique qu' " il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. G... au moyen du système " EURODAC ", effectuée conformément au règlement n° 603/2013 susvisé, que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités finlandaises le 3 décembre 2015 et le 3 janvier 2020 ". Il précise également que les autorités finlandaises ont été saisies le 11 mars 2020 d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18 (1) (d) du règlement (UE) n° 604/2013 et que celles-ci ont fait connaître leur accord le 13 mars 2020 en application de l'article 18 (1) (d) de ce même règlement. Ces éléments permettent à l'intéressé de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de police pour déterminer que la Finlande était responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il indique également qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. F..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. F..., l'arrêté du préfet de police ordonnant son transfert aux autorités finlandaises n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation. En outre, il ne ressort ni des termes de cet arrêté ni des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

9. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que

M. F... a bénéficié d'un tel entretien le 30 juillet 2020 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue dari, langue officielle de l'Afghanistan, que l'intéressé n'a ni allégué, ni établi ne pas comprendre et qu'il a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. M. F... ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Si le résumé de l'entretien individuel, dont l'intéressé a eu connaissance comme l'atteste la mention " refuse de signer ", ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent l'ayant conduit, il ressort des mentions de ce document que l'entretien a été conduit " par un agent de la préfecture de police de Paris ". Dès lors, et en l'absence de tout élément contraire, l'entretien doit être regardé comme ayant été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, l'absence de précisions sur le nom et la qualité de l'agent étant sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors qu'elle n'a pas privé M. F... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 5 du règlement (UE) n ° 604/2013 doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. F... s'est vu remettre contre signature, le 30 juillet 2020, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), le guide du demandeur d'asile et la brochure Eurodac et, que ces documents lui ont été remis en langue dari, langue officielle de l'Afghanistan, dont l'intéressé, n'a ni allégué, ni établi ne pas comprendre. Par suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tenant au droit à l'information tel que garanti par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

12. En cinquième lieu, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 susvisé portant modalités d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, a notamment créé un réseau de transmissions électroniques entre les Etats membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande et la Norvège, dénommé " DubliNet ", afin de faciliter les échanges d'information entre les Etats, en particulier pour le traitement des requêtes de prise en charge ou de reprise en charge des demandeurs d'asile. Selon l'article 19 de ce règlement, chaque Etat dispose d'un unique " point d'accès national ", responsable pour ce pays du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes et qui délivre un accusé de réception à l'émetteur pour toute transmission entrante. Selon l'article 15 de ce règlement : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Le 2 de l'article 10 du même règlement précise que : " Lorsqu'il en est prié par l'Etat membre requérant, l'Etat membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse ".

13. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise alors que l'Etat requis n'a pas été saisi dans le délai de deux mois ou sans qu'ait été obtenue l'acceptation par cet Etat de la reprise en charge de l'intéressé. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur ce point au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance.

14. Il résulte de ces dispositions que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau " DubliNet ", par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception de l'Etat requis n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

15. Si M. F... soutient que le préfet de police n'a pas produit l'accusé de réception émanant des autorités finlandaises de leur saisine par les autorités françaises dans les délais requis, il précise toutefois lui-même, dans son mémoire enregistré le 17 décembre 2020, qu'" il ressort alors du fichier EURODAC que ses empreintes ont été saisies en Finlande. Le 11 mars 2020, les autorités finlandaises ont été saisies d'une demande de reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18 1 (d) du règlement Dublin n° 604/2013. Les autorités finlandaises ont fait connaître leur accord le 13 mars 2020 en application des articles 22 et 25 de ce même règlement ". Dans ces conditions, en l'absence de contestation sérieuse du requérant sur ce point, et alors qu'aucune des pièces du dossier ne permet de douter de la véracité des mentions de la décision contestée, selon lesquelles la saisine des autorités finlandaises est intervenue le 11 mars 2020 et la reprise en charge de l'intéressé a été acceptée par les autorités finlandaises le 13 mars 2020, le moyen doit être écarté.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du 29 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 603/2013 : " 1. Chaque Etat membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, accompagnée des données visées à l'article 11, points b) à g) du présent règlement. / Le non-respect du délai de 72 heures n'exonère pas les Etats membres de l'obligation de relever et de transmettre les empreintes digitales au système central. Lorsque l'état des doigts ne permet pas de relever des empreintes digitales d'une qualité suffisante pour une comparaison appropriée au titre de l'article 25, l'Etat membre d'origine procède à un nouveau relevé des empreintes digitales du demandeur et le retransmet dès que possible et au plus tard 48 heures suivant ledit relevé de bonne qualité ". Aux termes de l'article 29 du même règlement : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'Etat membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les Etats membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1 ".

17. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE)

n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Ainsi, si M. F... entend se prévaloir des articles 9 et 29 précités, la méconnaissance de l'obligation d'information qu'ils consacrent ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

18. En septième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux méconnaîtrait l'autorité de la chose jugée par le jugement du 6 juillet 2020 annulant un précédent arrêté de transfert pris à l'encontre de M. F... ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté dès lors que la condition d'identité d'objet n'est pas remplie, la décision attaquée étant distincte et au surplus l'annulation n'a été prononcée que pour un motif de légalité externe, tenant à ce que l'arrêté procédait d'une procédure irrégulière, cette circonstance ne s'opposant, par suite, pas à ce que le préfet de police adopte un nouvel arrêté au terme d'une procédure régulière.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du

6 août 2020 portant remise de M. F... aux autorités finlandaises. Les conclusions d'appel de M. F... tendant au rejet de la requête du préfet de police et les conclusions de première instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités finlandaises et à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de procéder au réexamen sa situation administrative dans un délai de 15 jours et de lui délivrer une attestation de demande d'asile sous astreinte de 200 euros par jour de retard ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge du préfet de police, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. F... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2012826/8 du 8 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris sont annulées.

Article 3 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. F... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

La présidente de la 8ème chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA02909


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02909
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-30;20pa02909 ?
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