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30/03/2021 | FRANCE | N°18PA03891

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 30 mars 2021, 18PA03891


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 juillet 2016 par laquelle le président du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou a prononcé son avancement en tant que cette mesure a pris effet le 1er janvier 2016, de condamner le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou à lui verser la somme de 125 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de fautes commises dans la gestion de sa car

rière, d'enjoindre au président du Centre national d'art et de culture ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 juillet 2016 par laquelle le président du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou a prononcé son avancement en tant que cette mesure a pris effet le 1er janvier 2016, de condamner le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou à lui verser la somme de 125 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de fautes commises dans la gestion de sa carrière, d'enjoindre au président du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou de prononcer son avancement au sein du groupe IV à compter du 2 mai 2002, ou à titre subsidiaire du 1er janvier 2014, ou à défaut de réexaminer cette date d'effet dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1613730 du 10 octobre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 décembre 2018, 12 août 2019 et 30 juin 2020, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 octobre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 29 juillet 2016 du président du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou uniquement en tant qu'elle prend effet le 1er janvier 2016 ;

3°) d'enjoindre au président du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou de prononcer son avancement au sein du groupe IV à compter du 2 mai 2002 ou, à titre subsidiaire, du 1er janvier 2014, ou à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au réexamen de la date d'effet de la décision du 29 juillet 2016 dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de condamner le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou à lui verser la somme de 125 000 euros, assortie des intérêts de droit à compter de la date de réception de la demande préalable et de la capitalisation des intérêts ; ;

5°) de mettre à la charge du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ;

- il ne vise pas l'ensemble des écritures des parties ;

- l'ordonnance de clôture du 1er mars 2017 ne lui a pas été notifiée ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur une partie de ses demandes, s'agissant des fautes qu'il a invoquées à l'encontre du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou ; ils n'ont pas dès lors suffisamment motivé leur jugement ;

- s'agissant du bien-fondé du jugement, la décision du 29 juillet 2016 pouvait légalement avoir une portée rétroactive dès lors que sa situation devait être régularisée ;

- le refus de le promouvoir à une date antérieure au 1er janvier 2016 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des fonctions qu'il exerçait depuis le 2 mai 2002 ;

- l'illégalité fautive de la décision du 29 juillet 2016 engage la responsabilité de l'administration ;

- il a subi des agissements de harcèlement moral de nature à lui ouvrir droit à réparation des préjudices subis de ce fait ;

- le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou a commis une faute en ne reconnaissant pas ses compétences ;

- l'absence de fiche de poste conforme aux fonctions qu'il a exercées engage la responsabilité de l'administration à son égard ;

- le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou a encore commis une faute en concluant pas d'avenant à son contrat lorsque ses missions ont été modifiées ;

- l'absence de prise en compte de sa charge de travail pour la détermination de sa rémunération et de son temps de travail est fautive ;

- le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou a manqué à ses obligations dès lors qu'il n'a pas bénéficié d'entretiens annuels avec sa hiérarchie ;

- le retard de l'administration à le promouvoir constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou a manqué à ses obligations en matière de protection de la santé de ses agents ;

- il demande 60 000 euros au titre du préjudice de carrière, 35 000 euros au titre de son préjudice moral, 5 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence, et 25 000 euros au titre de son préjudice de santé.

Par un mémoire enregistré le 2 décembre 2019, le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. E... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée ne fait pas grief à l'intéressé, dès lors qu'elle fait droit à sa demande de promotion ;

- les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, les demandes indemnitaires du requérant sont atteintes par la prescription quadriennale pour la période antérieure à 2012.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 9 février 2021.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 84-38 du 18 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 92-1351 du 24 décembre 1992 ;

- le statut du personnel contractuel du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- les observations de Me A..., représentant M. E...,

- et les observations de Me B..., représentant le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a été recruté par le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou par contrat à durée indéterminé conclu le 13 janvier 1982, en qualité de préparateur de commandes - metteur à part - emballeur. Il est ensuite devenu magasinier au service fournitures, puis agent de reprographie. À compter du 1er septembre 1988, il a été affecté à la direction du bâtiment et de la sécurité pour y assurer la gestion des documents graphiques. Par un premier avenant à son contrat de travail conclu le 3 octobre 1989, M. E... a été promu assistant-archiviste puis, par avenant conclu le 15 juin 1998, il a été promu attaché principal, relevant du groupe III prévu par le statut du personnel contractuel de l'établissement public. Par une décision du 29 juillet 2016, le président du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou a promu l'intéressé au groupe IV à compter du 1er janvier 2016. Par un jugement du 10 octobre 2018 dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant d'une part à l'annulation de la décision du 29 juillet 2016 en tant qu'elle n'a pris effet qu'au 1er janvier 2016, d'autre part à la condamnation du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou à lui verser la somme de 125 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de fautes commises dans la gestion de sa carrière, et enfin à ce qu'il soit enjoint au président du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou de prononcer son avancement au sein du groupe IV à compter du 2 mai 2002, ou à titre subsidiaire

du 1er janvier 2014, ou à défaut de réexaminer cette date d'effet.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 611-3 du code de justice administrative : " (...) il est procédé aux notifications de la requête, des demandes de régularisation, des mises en demeure, des ordonnances de clôture, des décisions de recourir à l'une des mesures d'instruction prévues aux articles R. 621-1 à R. 626-3 ainsi qu'à l'information prévue à l'article R. 611-7 au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que la clôture de l'instruction, initialement intervenue le 28 février 2017, a été reportée au 20 mars 2017 par une ordonnance du 1er mars 2017 qui n'a été notifiée qu'au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, en méconnaissance des dispositions précitées. Le jugement attaqué est ainsi entaché d'une irrégularité de nature à entraîner son annulation.

3. D'autre part, M. E... a, dans ses écritures de première instance, demandé réparation pour six fautes commises par le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou. Or, le tribunal n'a examiné dans le jugement attaqué que les fautes liées à l'illégalité de la décision du 29 juillet 2016 et aux agissements de harcèlement moral dont l'agent se disait victime. Cette omission à statuer et cette insuffisance de motivation constituent une autre irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement.

4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de M. E....

Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Dans toutes les administrations de l'Etat et dans tous les établissements publics de l'Etat occupant du personnel remplissant les conditions déterminées à l'article 2 de la loi du 11 janvier 1984 et sous réserve des exceptions et dérogations qui pourront être prononcées par application de l'article 10 de ladite loi, il est institué des commissions administratives paritaires suivant les règles énoncées au présent décret. ". Aux termes de l'annexe 2 du statut du personnel contractuel du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou : " Il est institué une commission administrative paritaire conformément aux dispositions du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 (...). " ; qu'aux termes de l'article 19 du même statut : " Les personnels en fonction peuvent être promus au choix dans le groupe supérieur en accédant à un emploi vacant dans ce groupe, sous réserve de remplir les conditions fixées à l'article 14 ci-dessus et d'être inscrits à un tableau d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire ".

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la séance du 28 juin 2016, que la commission consultative paritaire, qui a été régulièrement saisie des propositions de changement de groupe envisagées par l'administration, a émis un avis favorable à l'inscription de M. E... au tableau d'avancement au sein du groupe IV. Le moyen tiré du vice de procédure doit donc être écarté.

7. En second lieu, un tableau d'avancement établi au titre d'une année civile ne saurait, comme toute décision administrative, revêtir une portée rétroactive en dehors des cas dans lesquels l'administration est légalement tenue de régulariser la situation administrative d'un agent, afin notamment de tirer les conséquences d'une annulation contentieuse ou du retrait d'un acte. Si M. E... soutient en l'espèce qu'il aurait dû bénéficier d'un avancement au sein du groupe IV à une date antérieure au 1er janvier 2016, il n'invoque aucune circonstance de droit qui aurait imposé au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou de le promouvoir avant cette date. En tout état de cause, s'il fait valoir que la décision de ne pas lui accorder d'avancement dès le 2 mai 2002 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il aurait exercé des fonctions de chef de projet relevant du groupe IV, il ne l'établit pas, les pièces du dossier mentionnant des missions de " chargé de production micro-informatique " relevant du groupe III défini à l'article 9 du statut du personnel contractuel de l'établissement. M. E... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision du 29 juillet 2016 serait entachée d'une erreur de droit en tant qu'elle ne prend effet qu'à compter du 1er janvier 2016.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. E... doivent être rejetées ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision du 29 juillet 2016 n'est entachée d'aucune illégalité. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'elle engagerait la responsabilité du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou.

10. En deuxième lieu, si M. E... soutient que son employeur a commis une faute en ne reconnaissant pas suffisamment ses compétences en matière de conception assistée par ordinateur et en le promouvant tardivement, il résulte de l'instruction qu'il a bénéficié de promotions régulières depuis son recrutement en 1982, correspondant aux fonctions qu'il a exercées. Il a ainsi été promu assistant-archiviste en 1989 puis, par un avenant conclu le 15 juin 1998, attaché principal, relevant du groupe III prévu par le statut du personnel contractuel du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou. Enfin, il a été promu au sein du groupe IV à compter du 1er janvier 2016. La responsabilité de l'administration ne saurait dès lors être engagée de ce fait.

11. En troisième lieu, aucune disposition réglementaire ou législative n'impose à l'administration d'établir des fiches de poste correspondant aux missions exercées par ses agents. Par suite, la circonstance que M. E... n'a bénéficié, au cours de sa carrière, que d'une fiche de poste établie en novembre 2011, alors même que cette dernière ne mentionnerait aucun des métiers listés dans le référentiel du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, lequel n'a qu'une valeur indicative, n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement.

12. En quatrième lieu, M. E... a bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 13 janvier 1982. Des avenants ont ensuite été conclus au cours de sa carrière, notamment les 3 octobre 1989 et 15 juin 1998, pour tenir compte de ses promotions et des modifications de son temps de travail, ces éléments ayant un effet sur sa rémunération. La circonstance que chacune des nouvelles missions exercées par l'intéressé n'ait pas fait l'objet de la conclusion d'un nouvel avenant ne saurait engager la responsabilité du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, qui n'est tenu par aucune disposition législative ou réglementaire de préciser dans son contrat de travail chacune des tâches exercées par un agent.

13. En cinquième lieu, si M. E... soutient que sa charge de travail n'a pas été prise en compte par son employeur pour la détermination de son temps de travail et de sa rémunération, il ne l'établit par aucune des pièces qu'il produit.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 23 du statut du personnel contractuel du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou : " La pratique d'un entretien annuel entre un responsable hiérarchique et chacun de ses collaborateurs directs est instaurée. / Cet entretien a pour but de faire le point sur l'activité professionnelle, d'analyser les évolutions possibles et de définir et d'évaluer les actions de formation. ". Il résulte de l'instruction que M. E... n'a jamais bénéficié de l'entretien annuel prévu par ces dispositions. Par suite, il est fondé à soutenir que son employeur a ainsi manqué à ses obligations en matière de gestion statutaire. Eu égard aux conséquences de cette faute sur la situation professionnelle de l'intéressé, qui soutient notamment avoir souffert de ce fait d'un manque de communication avec sa hiérarchie et d'une situation d'isolement, elle est de nature à engager la responsabilité de l'administration. Toutefois, le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou oppose la prescription quadriennale prévue par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, aux termes duquel " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Cette prescription est acquise pour les années antérieures à 2012. Il sera fait, dans ces conditions, une juste appréciation du préjudice subi par M. E... du fait de l'absence d'entretien annuel en fixant à 2 000 euros le montant de l'indemnité due à ce titre.

15. En septième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable aux agents contractuels : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtant un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

16. M. E... soutient qu'une charge de travail trop lourde lui a été imposée et que l'organigramme de l'établissement ne correspondait pas à la réalité de ses missions. Toutefois, ces éléments ne sauraient être regardés en tant que tels et à eux seuls comme constituant un harcèlement moral à son égard. Si une enquête menée à la demande du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail a mis en lumière des difficultés en matière d'encadrement au sein du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, les problèmes identifiés ne sont pas propres à la situation du requérant. Par ailleurs, ainsi qu'il a déjà été dit au point 11, son employeur n'était pas tenu de rédiger régulièrement des fiches de postes décrivant ses missions ; l'établissement d'une seule fiche de poste durant sa carrière ne saurait donc en elle-même révéler que M. E... a été victime d'un harcèlement moral. Si le requérant estime en outre que des courriels du 24 juillet 2012, interprétés par lui comme le déchargeant injustement de certaines de ses prérogatives en matière d'attribution de matériels informatiques dans le but de l'humilier, laisseraient présumer de tels agissements, il résulte de l'instruction que ces messages, émanant d'un cadre chargé notamment des affaires juridiques, ne lui étaient pas adressés et avaient pour seul objet d'encadrer davantage les commandes de matériel. Enfin, la circonstance que l'intéressé a bénéficié de la prise en charge de sa tentative de suicide du 30 juillet 2012 au titre de la législation sur les accidents du travail ne saurait à elle seule impliquer l'existence d'agissements de harcèlement moral à son égard.

17. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail applicable aux agents de la fonction publique en vertu de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : / (...) 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L. 1152-1 ; (...) ". M. E... n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément établissant que le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou aurait manqué à ses obligations en matière de protection de la santé de ses agents, alors par ailleurs que, comme il a été dit au point 16, les agissements de harcèlement moral dont il fait état ne sont pas établis. Il ne saurait dès lors rechercher la responsabilité de son employeur de ce fait.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... est seulement fondé à demander la condamnation du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'absence d'entretien annuel à compter de l'année 2012. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter

du 24 mai 2016, date de réception de sa demande préalable. Ces intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter du 24 mai 2017 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais liés au litige :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou la somme de 1 500 euros à M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de ce dernier, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1613730 du 10 octobre 2018 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou versera à M. E... la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2016. Ces intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter du 24 mai 2017 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : Le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou versera à M. E... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

Le rapporteur,

G. C...Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre de la culture, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03891


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03891
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-06-02 Fonctionnaires et agents publics. Notation et avancement. Avancement.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-30;18pa03891 ?
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