La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/2021 | FRANCE | N°20PA02906

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 25 mars 2021, 20PA02906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 29 juillet 2020 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités belges.

Par un jugement n° 2012061/8 du 27 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de no

tification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fonde...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 29 juillet 2020 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités belges.

Par un jugement n° 2012061/8 du 27 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20PA02906 le 8 octobre 2020, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2012061/8 du 27 août 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur une méconnaissance des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 et a considéré que la France était devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé du fait de l'expiration du délai de six mois dont disposaient les autorités françaises pour exécuter un précédent arrêté de transfert en date du 28 janvier 2019 dont avait fait l'objet M. C..., dès lors que l'intéressé avait exécuté lui-même ce premier arrêté en se rendant de sa propre initiative en Belgique le 4 février 2019 ;

- les autres moyens soulevés par M. C... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) à titre principal, de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du préfet de police ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet de police ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement du 27 août 2020 du tribunal administratif de Paris présentées par le préfet de police dès lors que celui-ci lui a délivré une attestation de demande d'asile en procédure normale et que sa demande d'asile a été enregistrée le 15 octobre 2020 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- l'arrêté du 29 juillet 2020 méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, dès lors qu'il avait fait l'objet d'un premier arrêté de transfert en date du 28 janvier 2019 qui n'a pas été exécuté dans le délai de six mois à compter de la saisine des autorités belges, rendant ainsi la France responsable de l'examen de sa demande d'asile.

Par une décision du 22 décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... C..., ressortissant afghan, a présenté le 6 décembre 2018 une demande de protection internationale au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées par les autorités belges les 15 novembre 2015 et 9 novembre 2018, le préfet de police a saisi le 19 décembre 2018 les autorités belges d'une demande de reprise en charge à laquelle elles ont répondu favorablement par une décision du 2 janvier 2019. Par un arrêté du 28 janvier 2019, le préfet de police a décidé du transfert de M. C... aux autorités belges. M. C... s'est à nouveau présenté en préfecture le 16 juin 2020 afin de présenter une demande de protection internationale. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées par les autorités belges le 14 mars 2019, puis par les autorités allemandes le 1er mars 2020, le préfet de police a saisi le 17 juin 2020 les autorités belges d'une demande de reprise en charge à laquelle elles ont répondu favorablement le 26 juin 2020. Par un arrêté du 29 juillet 2020, le préfet de police a décidé du transfert de M. C... aux autorités belges. Le préfet de police relève appel du jugement du 27 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 22 décembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par M. C... :

3. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation et d'injonction, prend une mesure d'exécution qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement, cette mesure d'exécution ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement.

4. Pour assurer l'exécution du jugement du 27 août 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris, le préfet de police a délivré à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale. Ni une telle mesure d'exécution, ni la circonstance que la demande d'asile présentée par M. C... soit en cours d'examen par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, ne privent d'objet l'appel dirigé contre ce jugement. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par M. C... ne peut être accueillie.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

5. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement et du conseil : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue (...) dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être portée à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 7 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil, et qui n'a pas été modifié sur ce point par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " 1. Le transfert vers l'Etat responsable s'effectue de l'une des manières suivantes : a) à l'initiative du demandeur, une date limite étant fixée ; b) sous la forme d'un départ contrôlé, le demandeur étant accompagné jusqu'à l'embarquement par un agent de l'Etat requérant et le lieu, la date et l'heure de son arrivée étant notifiées à l'Etat responsable dans un délai préalable convenu ; c) sous escorte, le demandeur étant accompagné par un agent de l'Etat requérant, ou par le représentant d'un organisme mandaté par l'Etat requérant à cette fin, et remis aux autorités de l'Etat responsable (...) ". Il résulte de ces dispositions que le transfert d'un demandeur d'asile vers un Etat membre qui a accepté sa prise en charge ou sa reprise en charge s'effectue selon l'une des trois modalités définies à l'article 7 ci-dessus : à l'initiative du demandeur, sous la forme d'un départ contrôlé, ou sous escorte.

7. Pour annuler l'arrêté en litige au motif que le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 citées au point 5 du présent arrêt, le premier juge a estimé que la France était devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de M. C..., dès lors que ce dernier avait fait l'objet d'un premier arrêté décidant de son transfert en Belgique en date du 28 janvier 2019 et que le préfet de police n'établissait pas avoir exécuté cet arrêté, ou avoir informé les autorités belges d'une impossibilité de procéder au transfert de M. C... avant l'expiration du délai de six mois à compter de l'accord des autorités belges intervenu le 2 janvier 2019, soit au plus tard le 2 juillet 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... a déposé une nouvelle demande d'asile en Belgique le 4 mars 2019, soit postérieurement à l'arrêté de transfert du 28 janvier 2019. L'intéressé doit ainsi être regardé comme ayant exécuté de sa propre initiative cet arrêté de transfert. Il s'ensuit que le transfert de l'intéressé vers la Belgique ayant été effectué avant l'expiration du délai de six mois fixé par l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, la France ne saurait être regardée comme responsable de l'examen de la demande de protection internationale présentée le 6 décembre 2018 par M. C.... La circonstance que le " laissez-passer " délivré à M. C..., qui au demeurant mentionne avec exactitude la date du 2 juillet 2019 comme la date limite à respecter pour exécuter le transfert, indique l'Italie comme lieu de remise après avoir indiqué la Belgique comme lieu de transfert est sans incidence sur cette appréciation, M. C... ayant exécuté de sa propre initiative l'arrêté du 28 janvier 2019 en se rendant en Belgique comme il a déjà été dit. Le 16 juin 2020, ce dernier s'est présenté au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris afin de présenter une nouvelle demande de protection internationale. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées par les autorités belges le 14 mars 2019, puis par les autorités allemandes le 1er mars 2020, le préfet a pu, à bon droit, saisir les autorités belges d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 juillet 2020 au motif qu'il méconnaissait les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013.

8. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal :

9. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00508 du 16 juin 2020, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 23 juin 2020, le préfet de police a donné délégation à Mme E... A..., attachée principale d'administration de l'Etat au sein du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police et signataire de l'arrêté contesté, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte contesté. Par ailleurs, cet arrêté peut être notamment consulté sur le site internet de la ville de Paris. Le moyen tiré de ce que la décision de transfert en litige aurait été signée par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

10. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

11. Selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

12. La décision de transfert en litige vise, notamment, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que M. C..., de nationalité afghane, a demandé l'asile en France le 16 juin 2020, que la comparaison de ses empreintes digitales au moyen du système " Eurodac " a révélé qu'il avait sollicité l'asile en Belgique les 15 novembre 2015, 9 novembre 2018 et 14 mars 2019 et que les autorités belges doivent être regardées comme responsables de sa demande d'asile, précise que ces autorités ont été saisies le 17 juin 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18-1-d du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'elles ont fait connaître leur accord le 23 juin 2020. Ainsi la décision expose, de façon suffisamment précise, les considérations de droit et de fait qui ont conduit le préfet de police à estimer, sur le fondement des dispositions de l'article 18-1-d du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que la Belgique est responsable de l'examen de la demande d'asile de M. C.... Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée ne satisferait pas à l'exigence de motivation posée à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

13. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à l'examen particulier de la situation de M. C....

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre contre signature, le 16 juin 2020, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), le guide du demandeur d'asile, ainsi que la brochure Eurodac, et que ces documents lui ont été remis en langue pachto, qu'il a déclaré comprendre. Si M. C... soutient qu'étant illettré, il n'a pu lire ni comprendre ces éléments d'information, de sorte que l'interprète qui l'assistait aurait dû lui communiquer oralement l'ensemble des informations contenues dans ces documents, il ressort des pièces du dossier que lors de l'entretien individuel du 16 juin 2020, il a déclaré comprendre l'ensemble des termes de cet entretien et notamment la procédure engagée à son encontre en vertu du règlement dit " Dublin " sans formuler de réserves concernant l'illettrisme dont il fait état, et qu'il a accusé réception de la remise de l'ensemble de ces documents. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tenant au droit à l'information prévu par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) . 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

17. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié d'un tel entretien le 16 juin 2020 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue pachto, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. C... a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. Par ailleurs, M. C... ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. En outre, si le résumé de l'entretien individuel, dont l'intéressé a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien et n'est pas signé par ce dernier, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de M. C... a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien et de sa signature est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors qu'elle n'a pas privé M. C... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles et, en l'espèce, n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

18. En sixième lieu, d'une part, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. ".

19. D'autre part, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, a notamment créé un réseau de transmissions électroniques entre les Etats membres de l'Union Européenne ainsi que l'Islande et la Norvège, dénommé " Dublinet ", afin de faciliter les échanges d'information entre les Etats, en particulier pour le traitement des requêtes de prise en charge ou de reprise en charge des demandeurs d'asile. Selon l'article 19 de ce règlement, chaque Etat dispose d'un unique " point d'accès national ", responsable pour ce pays du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes et qui délivre un accusé de réception à l'émetteur pour toute transmission entrante. Selon l'article 15 de ce règlement : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputé authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

20. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police, qui produit l'accusé de réception " Dublinet " par le point d'accès national de l'Etat requis, a saisi le 17 juin 2020 les autorité belges d'une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. C... sur la base de résultats positifs du système Eurodac communiqués le 16 juin 2020, et que par une réponse en date du 23 juin 2020, dont l'accusé de réception " Dublinet " est également versé au dossier, les autorités belges ont accepté leur responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 18-1-d du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ainsi, le préfet de police justifie avoir saisi les autorités belges dans le délai imparti. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet de police de justifier avoir procédé aux diligences requises par les dispositions précitées, doit être écarté.

21. En septième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

22. Il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que les autorités belges ont accepté de reprendre en charge M. C.... Ce dernier soutient qu'il sera renvoyé en Afghanistan en cas de transfert vers la Belgique dès lors que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 15 octobre 2018 du Conseil du Contentieux des Etrangers qui a été assortie d'une obligation de quitter le territoire belge, que le 14 mars 2019 il a été dans l'impossibilité de déposer une demande de protection internationale et qu'il encourt un risque sérieux et avéré de traitements inhumains et dégradants du fait de persécutions perpétrées par les talibans. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Belgique et non dans son pays d'origine. Par ailleurs, la Belgique, Etat membre de l'Union Européenne, est partie tant à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. C... ne justifie pas de raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Belgique dans la procédure d'asile, et n'établit pas que l'examen de sa demande d'asile par les autorités de cet Etat ne satisferait pas à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités belges, alors même que la demande d'asile de M. C... aurait été définitivement rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écarté

23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 juillet 2020 décidant la remise aux autorités belges de M. C....

Sur les frais de l'instance :

24. Les dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au conseil de M. C....

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2012061/8 du 27 août 2020 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... C....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.

La présidente de la 8ème chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 20PA02906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02906
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-25;20pa02906 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award