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25/03/2021 | FRANCE | N°20PA02764

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 25 mars 2021, 20PA02764


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 mars 2019, par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris lui a infligé une sanction conventionnelle de suspension de la participation des caisses au financement des cotisations sociales pour une durée de trois mois à compter du 1er juin 2019.

Par jugement n° 1911415/6-2 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
>Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2020, M. A..., représenté par l'AARPI Chol...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 mars 2019, par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris lui a infligé une sanction conventionnelle de suspension de la participation des caisses au financement des cotisations sociales pour une durée de trois mois à compter du 1er juin 2019.

Par jugement n° 1911415/6-2 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2020, M. A..., représenté par l'AARPI Choley et Vidal Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1911415/6-2 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 28 mars 2019, par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris lui a infligé une sanction conventionnelle de suspension de la participation des caisses au financement des cotisations sociales pour une durée de trois mois à compter du 1er juin 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté est irrégulier en ce qu'il n'est pas signé ;

- la décision du 28 mars 2019 du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que le contrôle de son activité ait été réalisé par des agents de l'assurance maladie agréés et assermentés conformément à l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale ;

- elle est illégale dès lors qu'elle repose sur des faits qui ne sont pas matériellement établis en méconnaissance du principe de la présomption d'innocence dès lors que la CPAM se borne à produire des données statistiques globales et non nominatives qui ne constituent rien d'autre que de simples allégations ;

- il conteste le bien-fondé de la sanction qui lui a été infligée dès lors que l'ensemble des dépassements d'honoraires qu'il a pu facturer l'ont été eu égard à des circonstances exceptionnelles de temps et de lieu dues à une exigence particulière du patient.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2020, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement n° 1911415/6-2 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris et à la mise à la charge de M. A... de la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la convention nationale des masseurs kinésithérapeutes signée le 3 avril 2007 et approuvée par arrêté du 10 mai 2007 ;

- l'avenant n° 5 à la convention nationale des masseurs kinésithérapeutes destinée à organiser les rapports entre les masseurs kinésithérapeutes libéraux et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de son activité de vérification du respect par les masseurs-kinésithérapeutes conventionnés du principe de non-dépassement des tarifs d'honoraires conventionnés, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris a constaté que M. A... pratiquait des dépassements d'honoraires répétés. Elle lui a alors adressé un premier courrier d'avertissement en recommandé avec accusé de réception, le 8 décembre 2017 mentionnant les anomalies tarifaires constatées sur le 1er trimestre 2017 qui correspondaient à un dépassement pour 96,7 % de ses actes avec un taux moyen de dépassement de 181,5 %, lui rappelant qu'en tant que masseur-kinésithérapeute conventionné les dépassements d'honoraires lui étaient interdits sans motif et que de tels motifs ne pouvaient correspondre qu'à " des circonstances exceptionnelles de temps et de lieu dues à une exigence particulière du malade ", au sens de l'article 3.6 de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes approuvée le 10 mai 2007 destinée à régir les rapports entre les masseurs-kinésithérapeutes et les caisses d'assurance maladie et qu'il disposait d'un délai d'un mois pour corriger sa pratique tarifaire et qu'à défaut, le directeur de la caisse pourrait envisager d'engager la procédure de sanction conventionnelle à son encontre. M. A... s'est, par courrier du 11 janvier 2018, engagé à être plus " vigilant " et a sollicité l'" indulgence " de la caisse. Toutefois, l'analyse de la pratique tarifaire de ce dernier durant le 1er semestre 2018 a révélé un dépassement pour 75,8 % des actes avec un taux moyen de dépassement de 142,2 %. La CPAM de Paris a, par courrier du 29 octobre 2018, envoyé en recommandé avec accusé de réception, transmis au praticien le relevé de ses constations et l'a informé de ce qu'il disposait d'un délai d'un mois pour faire valoir ses observations écrites et/ou demander à être reçu en entretien et, de ce qu'à l'issue de ce délai, le directeur de la CPAM pourrait solliciter l'avis de la commission paritaire départementale des masseurs-kinésithérapeutes en vue de prendre une éventuelle sanction à son encontre. M. A... n'a pas formulé d'observations. Par courrier du 11 janvier 2019, il a été informé par le directeur de la CPAM qu'il avait décidé de poursuivre la procédure et de saisir la commission paritaire départementale qui devait se réunir le 31 janvier 2019, séance au cours de laquelle il avait la possibilité d'être entendu ce qu'il n'a pas souhaité faire. Par un avis du 31 janvier 2019, la commission paritaire départementale des masseurs kinésithérapeutes a reconnu la matérialité des faits reprochés et a recommandé le prononcé d'une sanction de suspension de la participation des caisses au financement des cotisations sociales de M. A... pour une durée de trois mois. Cet avis a été adressé à M. A... en recommandé avec accusé de réception, le 25 février 2019, pli qui n'a pas été retiré par l'intéressé. Par décision du 28 mars 2019, le directeur de la CPAM de Paris a décidé d'infliger à M. A... une sanction conventionnelle de suspension de la participation des caisses au financement des cotisations sociales pour une durée de trois mois à compter du 1er juin 2019. M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cette décision du 28 mars 2019 du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris. Par jugement n° 1911415/6-2 du 21 juillet 2020, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " (...) la minute est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance transmis à la Cour que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures prévues par les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par ailleurs, si l'expédition du jugement du tribunal administratif de Paris notifié à M. A... ne comporte pas ces signatures, cette circonstance n'est pas de nature à entacher la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 3-6 de la convention nationale des masseurs kinésithérapeutes susvisée : " Le masseur-kinésithérapeute s'interdit tout dépassement en dehors des cas ci-après : circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence particulière du malade, telles que soins donnés à heure fixe ou en dehors de l'horaire normal d'activité du masseur-kinésithérapeute, déplacement anormal imposé au masseur-kinésithérapeute à la suite du choix par le malade d'un masseur-kinésithérapeute éloigné de sa résidence, etc. En cas de dépassement de tarifs, le masseur-kinésithérapeute fixe ses honoraires avec tact et mesure et indique le montant perçu sur la feuille de soins, ainsi que le motif (DE). ". L'article 4.11 de l'annexe 5 de cette convention prévoit que : " Les tarifs d'honoraires et frais accessoires correspondant aux soins dispensés aux assurés et à leurs ayants droit sont mentionnés en annexe 1. / Le masseur kinésithérapeute s'interdit tout dépassement en dehors des cas ci-après : circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence du malade, telles que soins donnés à heure fixe ou en dehors de l'horaire normal d'activité du masseur kinésithérapeute, déplacement anormal imposé au masseur kinésithérapeute à la suite du choix par le malade d'un masseur kinésithérapeute éloigné de sa résidence etc. / En cas de dépassement de tarifs, le masseur-kinésithérapeute fixe ses honoraires avec tact et mesure et indique le montant perçu sur la feuille de soins, ainsi que le motif (DE) (...) ". Aux termes du a) de l'article 6-4-1 de l'annexe 5 de cette convention, " en cas de constatation par une caisse, du non-respect des dispositions de la présente convention (...) la procédure décrite au b peut être mise en oeuvre " et qui peut conduire comme le prévoit le point c) du même article : " Lorsqu'un masseur-kinésithérapeute ne respecte pas les dispositions de la présente convention, il peut (...) encourir une ou plusieurs des mesures suivantes : - interdiction temporaire ou définitive de pratiquer le DE ; - suspension de tout ou partie de la participation des caisses au financement des cotisations sociales du professionnel. Cette suspension est de un, trois, six, neuf ou douze mois ; - suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel. ". Il résulte de cette stipulation que les masseurs-kinésithérapeutes doivent fixer leurs tarifs d'honoraires au niveau des tarifs opposables listés en annexe 1 et que l'utilisation abusive du dépassement d'honoraires par un masseur-kinésithérapeute est constituée lorsque ce dépassement ne correspond pas à des circonstances " exceptionnelles " de temps ou de lieu dues à une exigence particulière du malade. Lorsque les circonstances, compte tenu de leur fréquence, ne sont pas exceptionnelles et résultent d'un usage courant, le masseur-kinésithérapeute doit s'interdire d'avoir recours au dépassement d'honoraires. Selon l'article 6.4.1 de l'annexe 5, l'application répétée de tarifs supérieurs aux tarifs opposables expose les masseurs-kinésithérapeutes à des sanctions, au nombre desquelles figure la mesure de suspension de participation au financement des cotisations sociales d'une durée comprise entre un et douze mois.

5. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale : " Les directeurs des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Des praticiens-conseils et auditeurs comptables peuvent, à ce titre, être assermentés et agréés dans des conditions définies par le même arrêté. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ".

6. Les dispositions de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale qui prévoient que les agents chargés du contrôle sont assermentés et agréés concernent seulement l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ce qui n'est aucunement l'objet de la sanction contestée. Au surplus, les opérations de contrôle qui ont conduit le directeur de la CPAM de Paris à infliger à M. A... la sanction conventionnelle contestée de suspension de la participation des caisses au financement des cotisations sociales pour une durée de trois mois à compter du 1er juin 2019 sont, en application des dispositions de l'article 6.4.1 de l'annexe n° 5 de la convention, effectuées par les caisses. Par suite, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision du 28 mars 2019, en raison de l'absence de preuve de l'assermentation et de l'agrément des agents ayant procédé au contrôle de son activité, est inopérant.

7. En second lieu, M. A... soutient que la matérialité des griefs, qui lui sont opposés, ne serait pas établie dès lors que la CPAM ne fournirait aucun élément de preuve recevable de nature à démontrer, d'une part, les accusations portées à son encontre et fondant la sanction en se bornant à produire des données statistiques globales et non nominatives et, d'autre part, le caractère injustifié de ses dépassements d'honoraires. Il résulte, toutefois, de l'instruction que la CPAM de Paris a, par courrier du 29 octobre 2018, envoyé en recommandé avec accusé de réception, transmis au praticien le relevé de ses constations sur son activité au cours du 1er semestre 2018 indiquant que figurait en pièce jointe un relevé de constatations des actes facturés avec dépassements. Si M. A... prétend ne pas avoir été destinataire de ce relevé, il ne l'établit pas et n'en a pas non plus sollicité de nouvelle transmission à la CPAM et enfin ce relevé lui a été communiqué dans le cadre de la procédure contentieuse. Par ailleurs, le contenu de ce relevé est contrairement à ce que soutient M. A... suffisamment explicite puisqu'il comporte notamment la date des soins, le nom et/ou le numéro de sécurité sociale des patients, la nature de l'acte et les motifs et montants des dépassements. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de sanction du 28 mars 2019 prise par le directeur de la CPAM de Paris repose sur des faits qui ne sont pas matériellement établis en méconnaissance du principe de la présomption d'innocence. Ensuite, si M. A... conteste le bien-fondé de la sanction en soutenant que l'ensemble des dépassements d'honoraires qu'il a pu facturer l'ont été eu égard à des circonstances exceptionnelles de temps et de lieu dues à une exigence particulière du patient, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations permettant d'établir que les dépassements pour 75,8 % des actes avec un taux moyen de dépassement de 142,2 % entreraient bien dans le champ d'application de l'article 3.6 précité de la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes, lesquels, dans les circonstances de l'espèce, ont pu à bon droit être considérés par le directeur de la CPAM de Paris, compte tenu de leur fréquence, comme non exceptionnelles et résultant d'un usage courant justifiant ainsi la sanction qui lui a été infligée. Par suite, les premiers juges ont considéré à bon droit que la matérialité des faits sur lesquels est fondée la décision litigieuse du 28 mars 2019 était établie et justifiait la sanction qui a été prononcée à l'encontre de M. A....

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais relatifs à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la CPAM de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros à verser à la CPAM de Paris au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera une somme de 2 000 euros à la CPAM de Paris en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.

La présidente de la 8ème chambre,

H. VINOTLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 20PA02764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02764
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

62-02-01 Sécurité sociale. Relations avec les professions et les établissements sanitaires. Relations avec les professions de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL VIDAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-25;20pa02764 ?
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