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18/03/2021 | FRANCE | N°20PA02761

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 18 mars 2021, 20PA02761


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée pour les années 2007 et 2008 sur le fondement des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1805338 du 22 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 septembre 2020 et le 30 décembre 2020, M. A... B..., représenté par Me C..

., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1805338 du 22 juillet 2020 du Tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée pour les années 2007 et 2008 sur le fondement des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1805338 du 22 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 septembre 2020 et le 30 décembre 2020, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1805338 du 22 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de lui accorder la décharge des amendes ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... fait valoir que :

- le nouvel avis de mise en recouvrement du 15 novembre 2017, intervenu 7 ans après la proposition de rectification du 25 juin 2010, est frappé de prescription ;

- l'avis de mise en recouvrement n'a pas été régulièrement notifié au débiteur principal et n'a pas pu interrompre les délais de prescription à son encontre ;

- selon la doctrine administrative publiée au bulletin officiel BOI-REC-PREA-10-10-30 n° 140 et 150, 7-9-2016, la notification d'avis de mise en recouvrement adressé aux codébiteurs ne fait pas courir un nouveau délai de prescription de l'action en recouvrement ;

- aucune poursuite n'a été effectuée pendant quatre ans après le l'avis de mise en recouvrement du 10 avril 2012 adressée à la société Renfors Ferem ;

- la mise en oeuvre de l'article 117 était abusive, car la société estimait avoir expressément désigné la société civile immobilière (SCI) Massenet comme bénéficiaire des distributions.

Par des mémoires en défense enregistrés le 19 novembre 2020 et le 7 janvier 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. B..., en sa qualité de dirigeant de la société Renfors Ferem, a été assujetti solidairement à l'amende de 100 % pour non désignation des bénéficiaires des revenus réputés distribués correspondant à divers actes anormaux de gestion de la société au titre des années 2007 et 2008 mises en recouvrement le 9 juillet 2012 et le 20 février 2013 ;

- le requérant a contesté en vain ces amendes auprès du Tribunal administratif de Paris et de la Cour ;

- le service chargé du recouvrement a cependant annulé et remplacé les deux précédents avis de mise en recouvrement par un avis du 15 novembre 2017 ;

- la Cour a rejeté son appel par un arrêt devenu définitif n° 16PA01658 du 31 mai 2018 qui a autorité de la chose jugée s'agissant du bien-fondé des amendes ;

- de même, l'arrêt rendu le 20 juin 2018 à l'encontre de la société par la Cour n° 17PA00639 à autorité de la chose jugée contre son débiteur solidaire ;

- le délai de prescription d'assiette n'était pas expiré lors de l'émission de l'avis de mise en recouvrement du 10 avril 2012 notifié à la société et a été suivi d'une mise en demeure de payer l'amende du 10 septembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par avis de mise en recouvrement du 15 novembre 2017, l'administration a réclamé à M. A... B..., en sa qualité de débiteur solidaire de la société Renfors Ferem dont il était le dirigeant, une amende infligée à cette dernière sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, établie au titre de ses exercices clos en 2007 et 2008. M. B... relève régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 22 juillet 2020 par lesquels les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur les irrecevabilités opposées par le ministre sur le fondement de l'autorité de la chose jugée d'arrêts de la Cour:

En ce qui concerne l'arrêt n° 17PA00639 du 20 juin 2018 :

2. Le ministre soutient qu'en vertu du principe de représentation mutuelle des débiteurs solidaires, l'arrêt définitif de la Cour qui a confirmé le bien-fondé de l'amende infligée à la société par actions simplifiée (SAS) Renfors Ferem serait opposable au requérant. Cependant, la solidarité légale établie sur le fondement des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts ne constitue pas une sanction mais une simple garantie de paiement laquelle, conformément aux principes relevés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2020-90 QPC du 21 janvier 2011, permet au débiteur solidaire contre lequel le paiement est recherché, la possibilité d'introduire tant un recours contre l'assiette de l'imposition que contre son recouvrement forcé. Il en résulte que l'arrêt dont s'agit qui concerne la SAS Renfors Ferem ne peut pas être utilement opposé à M. B....

En ce qui concerne l'arrêt n° 16PA01658 du 31 mai 2018 :

3. Il résulte des termes de l'arrêt, qui statue sur la requête de M. B... contre les mêmes amendes, que la Cour s'est borné à prendre acte que le requérant s'était désisté de ses conclusions contre des impositions dont la mise en recouvrement avait été annulée par le service fiscal, et a rejeté, comme irrecevables pour être présentées pour la première fois en appel, les conclusions présenté contre la mise en recouvrement des mêmes amendes en 2017. Cet arrêt, s'agissant de ses mêmes conclusions qui ont été dûment contestées en première instance par le jugement entrepris, ne peut pas davantage être utilement opposé sur le fondement de l'autorité de la chose jugée à M. B....

4. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance à la requête de M. B... doivent être écartées.

Sur le bien-fondé des amendes :

En ce qui concerne la demande de désignation du bénéficiaire des sommes distribuées :

5. D'une part, aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ". Aux termes du 3. du V. de l'article 1754 du même code : " Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759 ". Il résulte de ces dispositions qu'elles instaurent une amende fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus. Si cette amende est au nombre des sanctions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, aujourd'hui codifié à l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration, et faire l'objet d'une procédure contradictoire en application de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, l'administration n'est tenue à ces deux obligations qu'à l'égard de la société qu'elle envisage de soumettre à l'amende et non des personnes qui, après mise en recouvrement de cette dernière, sont solidairement responsables de son paiement.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public (...) à tout redevable des sommes, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / (...) ". En vertu de l'article R. 256-1 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / (...) ". Enfin, l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales dispose que : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration adresse un avis de mise en recouvrement par lequel elle met en oeuvre une solidarité de paiement, telle que celle prévue par l'article 1759 du code général des impôts, elle est tenue d'adresser un avis de mise en recouvrement individuel qui doit comporter les indications prescrites par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales.

7. Il résulte de l'instruction que la SAS Renfors Ferem a été invitée par la proposition de rectification du 25 juin 2010 à désigner les bénéficiaires des sommes regardées comme des revenus distribués dans un délai de trente jours et qu'elle s'est abstenu de procéder à cette désignation. L'allégation selon laquelle il résulterait des termes de la proposition de rectification que la société aurait implicitement désigné une SCI Massenet comme bénéficiaire de ses distributions ne pouvaient ni interdire à l'administration de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts, qui a pour vocation de faciliter l'identification du bénéficiaire ayant appréhendé les distributions et l'établissement de l'imposition consécutive, ni naturellement, de constituer une réponse implicite, qui aurait été obtenue avant même que la demande de désignation ait été mise en oeuvre.

En ce qui concerne la prescription du délai de reprise à la date de mise en recouvrement des amendes :

8. Aux termes de l'article L. 188 du livre des procédures fiscales : " Le délai de prescription applicable aux amendes fiscales concernant l'assiette et le paiement des droits, taxes, redevances et autres impositions est le même que celui qui s'applique aux droits simples et majorations correspondants ; / Pour les autres amendes fiscales, la prescription est atteinte à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle les infractions ont été commises / (...) " et aux termes de l'article R. 256-2 du même livre : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement (...) ". Aux termes de l'article L. 274 du même livre : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ".

9. Il résulte de l'instruction que l'administration a régulièrement notifié l'avis de mise en recouvrement de l'amende en cause à la SAS Renfors Ferem le 10 avril 2012. Elle a ensuite régulièrement adressé une mise en demeure de payer cette amende à la société le 10 septembre 2014, interrompant pour un nouveau délai de quatre ans, sur le fondement des dispositions précitées, le délai dont elle disposait pour établir les amendes à l'encontre de M. B... en sa qualité de débiteur solidaire. Le délai de reprise dont disposait le service comptable n'était donc nullement prescrit le 15 novembre 2017, sans que n'ait d'incidence l'annulation des précédentes mises en recouvrement, quand il a, reprenant à nouveau et régulièrement à l'encontre du contribuable la procédure qu'il avait précédemment annulée, mis en recouvrement ces amendes à l'encontre du requérant. Le moyen tiré de la prescription d'assiette, comme de recouvrement, doit dès lors être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, doit ainsi être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques - directeur du contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 4 mars à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 18 mars 2021.

Le rapporteur,

B. D...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02761
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Bruno SIBILLI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : ALBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-18;20pa02761 ?
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