Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Barney production a demandé au Tribunal administratif de Paris la restitution d'un crédit d'impôt pour dépenses de production déléguée d'oeuvres cinématographiques dont elle s'estime titulaire pour un montant de 59 458 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017.
Par un jugement n° 1911407 du 24 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoires enregistrés le 21 août 2020 et le 17 décembre 2020, la société Barney production, représentée par le cabinet InterVista, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1911407 du 24 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'ordonner au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) de produire ses observations sur l'interprétation du VII de l'article 220 sexies du code général des impôts et en particulier sur l'acception de la conjonction de coordination " et " qui s'y trouve ;
3°) de lui accorder la restitution demandée ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Barney production soutient que :
- si les dispositions du VII de l'article 220 sexies du code général des impôts prévoient que le montant total des aides publiques accordées au titre de la production d'une oeuvre cinématographique, en ce compris le crédit d'impôt obtenu pour la production de cette oeuvre, ne peut excéder 50 % du coût définitif de production de l'oeuvre, ce seuil est porté à 60 % pour les oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles qui présentent les caractéristiques, soit d'une oeuvre difficile, soit d'une oeuvre à petit budget, ce que l'administration fiscale admet au paragraphe 190 de l'instruction référencée BOI-IS-RICI-10-20-20-20161102 publiée le 2 novembre 2016 ; La conjonction de coordination qui y figure est susceptible, selon le dictionnaire de l'Académie française d'être " le signe de l'addition ou de la succession ". Or, il ressort des débats parlementaires relatifs au projet de la loi de finances pour 2021 que le mot " et " doit être interprété comme l'énumération de deux critères alternatifs ;
- les aides qui lui ont été versées par le centre national du cinéma au titre d'une avance sur recettes, d'un montant de 400 000 euros, et par le groupe Eurimages France, d'un montant de 52 500 euros, ne constituent pas des subventions publiques non remboursables venant en déduction des bases de calcul du crédit d'impôt ;
- pour apprécier le plafond des aides publiques, il ne peut être tenu compte des financements de source étrangère qui, en l'espèce, ont été utilisés pour des dépenses engagées par les entreprises coproductrices du film en Belgique et en Tunisie ;
- les sommes qu'elle a reçues en application des conventions conclues avec le centre national du cinéma " Image de la diversité ", l'association Pictanovo et l'Institut Doha Film ne peuvent être qualifiées de subventions publiques et n'ont pas à être déduites du crédit d'impôt pour le film " Vent du Nord ".
Par des mémoires en défense enregistrés le 8 septembre 2020 et le 4 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la communication de la Commission sur les aides d'État en faveur des oeuvres cinématographiques et autres oeuvres audiovisuelles (2013/C 332/01) et notamment son article 54 ;
- la communication du 22 mars 2006 C(2006)832 de la Commission européenne sur les aides d'État sur les régimes d'aide au cinéma et de l'audiovisuel notifiés par lettre du 24 mai 2004 par le Centre national de la cinématographie et de l'image animée à la Commission européenne ;
- le code du cinéma et de l'image animée et notamment son article D. 331-17 créé par le décret n° 2014-794 du 9 juillet 2014 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,
- et les observations orales du Me D... pour la société Barney production.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Barney production, ayant pour activité la production de films pour le cinéma, a notamment demandé pour le film " Vent du Nord ", qu'elle a coproduit avec deux entreprises de production déléguée étrangères, la société tunisienne Propaganda et la société belge Helicotronc, a demandé au Tribunal administratif d'ordonner la restitution d'un crédit d'impôt d'un montant de 59 458 euros dont elle s'estime titulaire, au titre de son exercice clos le 31 décembre 2017, du fait des dépenses engagées pour sa production.
Sur la restitution demandée :
En ce qui concerne les conditions d'éligibilité au seuil majoré de 60 % :
2. Aux termes du VII de l'article 220 sexies du code général des impôts : " Les crédits d'impôt obtenus pour la production d'une même oeuvre cinématographique ou audiovisuelle ne peuvent avoir pour effet de porter à plus de 50 % du budget de production le montant total des aides publiques accordées. Ce seuil est porté à 60 % pour les oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles difficiles et à petit budget définies par décret. " et aux termes du décret n° 2014-794 du 9 juillet 2014 codifié à l'article D. 331-17 du code du cinéma et de l'image animée : " Pour l'application du VII de l'article 220 sexies : 1° Pour les oeuvres cinématographiques : a) Une oeuvre difficile est la première ou la deuxième oeuvre d'un réalisateur ; b) Une oeuvre à petit budget est celle dont le budget total est inférieur ou égal à 1 250 000 euros. 2° Pour les oeuvres audiovisuelles : a) Une oeuvre difficile est celle qui présente un caractère innovant, peu accessible ou délicat, en considération, notamment, du sujet, du format, de la dramaturgie, de la réalisation ou des conditions de production ; b) Une oeuvre à petit budget est celle dont le budget total est inférieur ou égal à 100 000 € par heure ", ainsi qu'aux termes de la communication du 22 mars 2006 C(2006)832 de la Commission européenne sur les aides d'État sur les régimes d'aide au cinéma et de l'audiovisuel notifiés par lettre du 24 mai 2004 par le Centre national de la cinématographie et de l'image animée à la Commission européenne : " L'ensemble des aides cumulées pour la production d'une oeuvre cinématographique de longue durée ne peut dépasser 50 % du budget de cette oeuvre14. Des dérogations peuvent être accordées uniquement pour des films difficiles et les films à petit budget. Sont considérés comme films difficiles la première et la deuxième oeuvre d'un réalisateur et comme films à petit budget les films dont le coût de production est inférieur à 1 million d'euros. Les autorités françaises ont assuré que dans la pratique les taux d'aide pour ces films ne dépassent pas 60 % ".
3. Les dispositions précitées du VII de l'article 220 sexies du code général des impôts énoncent deux critères pour déterminer l'éligibilité de la production d'oeuvres cinématographiques au seuil majoré d'aides publiques à 60 %. Ces conditions, " difficiles " et " à petit budget ", précisées par les dispositions réglementaires d'application précitées codifiées à l'article D. 331-17 du code du cinéma et de l'image animée, sont coordonnées par la conjonction copulative " et ", laquelle est susceptible de recevoir une acception aussi bien distributive, requérant seulement la satisfaction de l'une ou l'autre de ces conditions, que cumulative.
4. Il ressort des travaux parlementaires, comme des communications de la Commission européenne en réponse aux notifications de ces régimes d'aides par le Centre national de la cinématographie et de l'image animée, à la lumière desquels il convient de lire la norme à interpréter que les critères d'éligibilité y sont alternatifs. Il n'y a dès lors pas lieu pour le juge de l'impôt de se prononcer sur le sens de la doctrine administrative, laquelle ne viendrait que confirmer l'interprétation qu'il convient de retenir de la loi fiscale, et qui ne serait d'ailleurs pas opposable au service car postérieure au fait générateur du crédit d'impôt litigieux.
5. Le film " Vent du Nord " étant la première production de son réalisateur M. A... B..., conséquemment gratifié par la réglementation applicable de la qualité d'auteur d'une oeuvre cinématographique " difficile ", l'éligibilité au crédit d'impôt litigieux des dépenses de production engagées ne dépend plus, comme le fait valoir justement la société, du niveau global du budget de production du film " Vent du Nord ". La circonstance que ce budget excèderait le seuil des 1 250 000 euros propre aux oeuvres cinématographiques " à petit budget " n'est pas prohibitive.
6. Au contraire, la question de savoir si le montant des aides publiques, c'est-à-dire de tous les régimes de soutien, d'aide et financement public des oeuvres cinématographiques obtenus pour la production du film en cause, n'excède pas 60 % de son budget global est une condition dirimante du bénéfice du crédit d'impôt réclamé.
En ce qui concerne la proportion des aides publiques dans le budget de production du film " Vent du Nord " :
7. Il y a lieu, pour considérer que le niveau des aides publiques s'élève à 60,51 % et non 59,02 %, comme la société le soutient en appel sans pour autant y restreindre son argumentation à l'exclusion du montant des aides publiques retenu par l'administration à la seule somme versée par le fonds régional d'aide sélectif à la fiction cinématographique et audiovisuelle Pictanovo, d'adopter les motifs retenus par le tribunal aux points 13 à 19 inclus du jugement entrepris pour décompter les aides publiques du budget total et d'en estimer la proportion. Dès lors, le seul motif que le crédit d'impôt réclamé avait pour conséquence le franchissement de la proportion majorée d'aides publiques autorisées au sein du budget global de production du film " Vent du Nord " en interdisait la restitution.
8. Par ailleurs, une mesure d'aide accordée à une entreprise qui aurait pour conséquence le franchissement du seuil prévu par la loi doit, sur le fondement des dispositions légales applicables, conduire à écarter le montant total de l'aide et non pas seulement la fraction excédant ce plafond. En l'absence de rehaussement, la requérante ne peut opposer à l'administration la tolérance qu'elle a prévue par instruction.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Barney production n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, doit ainsi être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Barney production est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Barney production et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France. Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques. Service du contentieux d'appel déconcentré.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Marion, premier conseiller,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 18 mars 2021.
Le rapporteur,
B. C...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02368