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16/03/2021 | FRANCE | N°18PA03718

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 16 mars 2021, 18PA03718


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 1608095, M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision du 20 avril 2016 par laquelle le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de l'académie de Créteil l'a informé que la somme de 37 470,30 euros bruts, soit 24 646,42 euros nets, correspondant à l'allocation d'invalidité temporaire durant 12 mois et aux demi-traitements durant 23 mois, lui serait versée et qu'un trop-perçu d'une somme de 9 750 euros serait recouvré, ense

mble la décision du 20 juillet 2016 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 1608095, M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision du 20 avril 2016 par laquelle le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de l'académie de Créteil l'a informé que la somme de 37 470,30 euros bruts, soit 24 646,42 euros nets, correspondant à l'allocation d'invalidité temporaire durant 12 mois et aux demi-traitements durant 23 mois, lui serait versée et qu'un trop-perçu d'une somme de 9 750 euros serait recouvré, ensemble la décision du 20 juillet 2016 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre au CROUS de lui verser les reliquats de demi-traitements dus pour un montant de 33 170,36 euros ;

2°) d'annuler la décision du 20 avril 2016 et celle du 20 juillet 2016 en tant qu'elles lui refusent le bénéfice du maintien du demi-traitement pour la période allant du 16 septembre 2013 au 26 avril 2016 et procèdent au recouvrement d'une créance prescrite, de condamner le CROUS à lui verser les reliquats de demis-traitements dus pour un montant brut de 35 860,2645 euros et de condamner le CROUS à lui verser la somme tardivement répétée pour un montant de 9 750 euros.

Sous le n°1703799, M. B... a demandé à ce tribunal :

1°) d'annuler la décision du 20 avril 2016 et celle du 20 juillet 2016 en tant qu'elles lui refusent le bénéfice du maintien du demi-traitement pour la période allant du 16 septembre 2013 au 26 avril 2016 et procèdent au recouvrement d'une créance prescrite ;

2°) de condamner le CROUS de l'académie de Créteil à lui verser les reliquats de demis-traitements dus pour un montant brut de 35 860,26 euros ;

3°) de condamner le CROUS de l'académie de Créteil à lui verser la somme tardivement répétée pour un montant de 9 750 euros ;

4°) de mettre à la charge du CROUS de l'académie de Créteil la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°s 1608095-1703799 du 2 octobre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces décisions, sauf en tant qu'elles poursuivent le recouvrement des avances versées entre décembre 2011 et septembre 2012, pour une somme totale de 8 250 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2018, le CROUS de l'académie de Créteil, représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de prononcer l'annulation des articles 1 et 2 du jugement du Tribunal administratif de Melun du 2 octobre 2018 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation des décisions du 20 avril 2016 et du 20 juillet 2016 en tant qu'elles poursuivent le recouvrement des avances versées depuis décembre 2011, pour une somme de 8 250 euros ;

3°) de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les avances versées à M. B... depuis le mois de septembre 2011 ne constituent pas une erreur de liquidation ;

- elles ne révèlent pas davantage une décision créatrice de droit au sens de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dès lors que cette décision est assortie de l'engagement de remboursement du bénéficiaire, une fois en possession de sa pension d'invalidité ;

- les premiers juges ont méconnu le champ d'application de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011, en estimant que les avances litigieuses présentaient le caractère d'avances de rémunération et étaient ainsi, pour la période de décembre 2011 à septembre 2012, atteintes par la prescription biennale instaurée par le premier article.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2019, M. B... conclut au rejet de la requête du CROUS de l'Académie de Créteil et au versement par cet établissement public d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, notamment son article 37-1 dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986, modifié, notamment par le décret n°2011-1245 du 5 octobre 2011 ;

- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocat du CROUS de l'académie de Créteil.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 25 février 2013, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a mis fin aux fonctions de M. B..., ingénieur d'études du CROUS de l'académie de Créteil pour cause d'invalidité à compter du 29 septembre 2011. Par arrêté du 3 juillet 2015, modifié par arrêté du 21 octobre 2015, elle lui a accordé l'allocation d'invalidité temporaire à titre rétroactif pour la période du 29 septembre 2011 au 30 septembre 2012. Par une décision du 20 avril 2016, confirmée le 20 juillet 2016, le CROUS a informé l'intéressé, d'une part, du versement de la somme de 37 470,30 euros bruts, soit 24 646,42 euros nets, correspondant à son allocation d'invalidité temporaire durant 12 mois et à ses demi-traitements durant 23 mois, d'autre part, du rappel des avances d'un montant total de 9 750 euros, dont l'agent avait bénéficié du 29 septembre 2011 au 30 septembre 2012, dans l'attente de la régularisation de sa situation. Estimant insuffisante la durée totale d'indemnisation et la base de calcul retenue pour fixer son demi-traitement mensuel, et prescrite l'action du CROUS en recouvrement des avances, M. B... a demandé l'annulation de ces deux décisions au Tribunal administratif de Melun. Par jugement du 2 octobre 2018, ce tribunal a admis la prescription de cette action pour les avances versées de décembre 2011 à septembre 2012, ordonné le reversement d'un montant correspondant de 8 250 euros, et rejeté le surplus des demandes de M. B.... Le CROUS relève appel de ce jugement en tant qu'il lui a ordonné le reversement des avances d'un montant de 8 250 euros.

Sur le fond du litige :

2. Aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Et aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. ". Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par cet article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. Enfin, en vertu des dispositions combinées du 3° de l'article 24 du décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics, et de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 modifié, relatif notamment au régime de congés de maladie des fonctionnaires, le fonctionnaire stagiaire reconnu inapte à reprendre ses fonctions est licencié, et ne peut se prévaloir du versement d'un demi-traitement dans l'attente de la décision mettant fin à ses fonctions pour cause d'invalidité et lui accordant une allocation temporaire d'invalidité.

3. Il est constant que la somme de 750 euros versée chaque mois par le CROUS à M. B... à compter du 29 septembre 2011 ne constitue pas un avantage statutaire auquel l'intéressé aurait eu droit en vertu des dispositions combinées du 3° de l'article 24 du décret du 7 octobre 1994 et de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 modifié. Bien que calculée sur la base de la rémunération antérieure au 29 septembre 2011, elle n'est ni une avance sur rémunération ni liée à un service fait ou à faire. Elle n'a été accordée à l'agent qu'à titre de subside gracieux dans l'attente de la régularisation de situation, sous condition d'un engagement signé par lui de remboursement une fois que l'intéressé serait en possession de sa pension d'invalidité. M. B... ne conteste pas sérieusement cet engagement. Ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'avance versée à partir du 29 septembre 2011 ne constitue pas davantage une décision créatrice de droit au sens de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000.

4. D'une part, lorsque l'indu résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des avances en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision. D'autre part, en application des principes du code civil dont s'inspire le juge administratif, la prescription ne court à l'encontre d'une personne, que du jour où le titulaire de la créance connaît ses droits. Par suite, la prescription de l'action du Crous a pour point de départ le fait générateur de ses droits à remboursement de ses avances, à savoir l'arrêté du 3 juillet 2015, modifié par arrêté du 21 octobre 2015, accordant à M. B... l'allocation d'invalidité temporaire à titre rétroactif. La décision litigieuse informant ce dernier de ce qu'un trop-perçu de 9 750 euros avait été déduit du montant de la somme qui lui serait verser pour tenir compte des avances dont il avait bénéficié dans l'attente de son admission à la retraite, a donc été prise le 20 avril 2016. A cette date, l'action du CROUS n'était prescrite ni au regard des règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ni, d'ailleurs, au regard de celles de l'article 2224 du code civil. C'est donc à tort que les premiers juges ont annulé la décision du 20 avril 2016 en tant qu'elle tient compte du trop-perçu d'un montant de 8 250 euros pour déterminer le montant devant être versé à M. B... au titre de l'allocation d'invalidité temporaire.

5. M. B... n'ayant soulevé aucun autre moyen en première instance contre cette action en recouvrement, il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, le CROUS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions litigieuses en tant qu'elles poursuivent le recouvrement des avances versées de décembre 2011 à septembre 2012, pour un montant total de 8 250 euros, et lui a enjoint de restituer cette somme.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge du CROUS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais liés à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... une somme de 500 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n°s 1608095-1703799 du 2 octobre 2018 du Tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le Tribunal administratif de Melun auxquelles le jugement mentionné à l'article 1er a fait droit sont rejetées.

Article 3 : M. B... versera au CROUS de l'académie de Créteil la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du CROUS de l'académie de Créteil est rejeté.

Article 5 : Les conclusions d'appel de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de l'académie de Créteil et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 2 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. D..., président-assesseur,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 16 mars 2021.

Le rapporteur,

J-E. D...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA03718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03718
Date de la décision : 16/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

18-03-02 Comptabilité publique et budget. Créances des collectivités publiques. Recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-16;18pa03718 ?
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