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04/03/2021 | FRANCE | N°20PA03190,20PA03219

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 04 mars 2021, 20PA03190,20PA03219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 août 2020 par lequel le préfet de police l'a transféré aux autorités slovènes, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans les vingt-quatre heures suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du cod

e de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 août 2020 par lequel le préfet de police l'a transféré aux autorités slovènes, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans les vingt-quatre heures suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2013907 du 2 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 21 août 2020 et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans un délai de deux mois courant à compter de notification du jugement et mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2020, sous le n° 20PA03190, le préfet de police, demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2013907 en date du 2 octobre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A....

Le préfet de police soutient que :

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil en date du 26 juin 2013 en s'abstenant d'enregistrer la demande d'asile de M. A... en procédure normale et n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- Mme F... était bien compétente pour signer l'arrêté de transfert attaqué ;

- l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'un défaut de motivation ;

- l'arrêté n'a pas été pris en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- M. A... a bien reçu l'information prévu par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- M. A... n'a pas été privé des garanties prévues par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 lors de son entretien individuel ;

- l'arrêté n'a pas été pris en méconnaissance des articles 24 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté n'a pas été pris en méconnaissance de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2021, M. A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

- de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

- à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer et à titre subsidiaire de rejeter la requête en appel présentée par le préfet de police ;

- de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'État en contrepartie du renoncement de son conseil au bénéfice de l'aide juridictionnelle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/000834 du 11 janvier 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris.

II - Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2020, sous le n° 20PA03219, le préfet de police demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2013907 en date du 2 octobre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Le préfet de police soutient que :

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil en date du 26 juin 2013 en s'abstenant d'enregistrer la demande d'asile de M. A... en procédure normale et n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- Mme F... était bien compétente pour signer l'arrêté de transfert attaqué ;

- l'arrêté n'est pas entaché d'un défaut de motivation ;

- l'arrêté attaqué n'a pas été pris en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- M. A... a bien reçu l'information prévu par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- M. A... n'a pas été privé des garanties les garanties prévues par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 lors de son entretien individuel ;

- l'arrêté n'a pas été pris en méconnaissance des articles 24 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté n'a pas été pris en méconnaissance de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2021, M. A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

- de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

- à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer et à titre subsidiaire de rejeter la requête en sursis à exécution présentée par le préfet de police ;

- de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'État en contrepartie du renoncement de son conseil au bénéfice de l'aide juridictionnelle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/000835 du 11 janvier 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me D... pour M. B... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a déclaré être un ressortissant afghan né le 22 mai 1995 à Kunduz (Afghanistan). Il a présenté, le 19 février 2020, une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé avait déposé, le 21 janvier 2020, une demande d'asile auprès des autorités slovènes. Saisies le 20 février 2020 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18 1. b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités slovènes ont expressément fait connaître leur accord le 3 mars 2020. Par un arrêté du 21 août 2020, le préfet de police a décidé de transférer M. A... aux autorités slovènes. Par un jugement n° 2013907 du 2 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a admis M. A... à l'aide juridictionnelle provisoire et annulé l'arrêté du 21 août 2020 et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans un délai de deux mois courant à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par les requêtes n° 20PA03190 et n° 20PA03219 susvisées, le préfet de police demande à la Cour d'annuler et de surseoir à exécution des articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2013907 du 2 octobre 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris. Ces requêtes ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur l'objet du litige :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'État requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'État requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. La requête de M. A... devant le Tribunal administratif de Paris a interrompu le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par la Slovénie. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification au préfet de police du jugement de ce tribunal en date du 2 octobre 2020. A la date du présent arrêt, la Slovénie est toujours responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. A.... Les litiges n'étant dès lors pas privé d'objet, il y a lieu de statuer sur les requêtes d'appel et de sursis à exécution du jugement présentées par le préfet de police.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

5. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 26 juin 2013, établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du même règlement, " (...), chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. Pour annuler l'arrêté du préfet de police, le Tribunal administratif de Paris a estimé qu'en raison d'un rapport de l'organisation Amnesty International dénonçant sur la période 2017/2018 une loi relative aux étrangers autorisant les autorités slovènes à ne pas examiner les demandes d'asile des étrangers entrés irrégulièrement et le taux de rejet très important des demandes d'asile dans ce pays, il existait de fortes probabilités que les autorités slovènes rejettent la demande d'asile de M. A... et l'éloigne vers l'Afghanistan. Partant de ce constat, le tribunal a estimé que M. A... était fondé à soutenir qu'il y avait des raisons sérieuses de croire qu'il existe, en Slovénie, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant et que le préfet de police avait, dès lors, méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en refusant d'examiner la demande d'asile.

7. Cependant, le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des États y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que la Slovénie, État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux des droits des demandeurs d'asile. Cette présomption peut, il est vrai, être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Si M. A... produit un rapport de l'organisation Amnesty International dénonçant sur la période 2017/2018 une loi relative aux étrangers autorisant les autorités slovènes à ne pas examiner les demandes d'asile des étrangers entrés irrégulièrement, ce seul élément n'est pas suffisant pour établir qu'il existait, à la date de l'arrêté litigieux, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Slovénie, alors que, ainsi que le fait valoir le préfet de police, la commission européenne n'a pas recommandé de suspendre les transferts des demandeurs d'asile vers cet État. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 août 2020 au motif qu'il aurait méconnu les dispositions et stipulations rappelées au point 2.

9. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal :

10. En premier lieu, par l'arrêté n° 2020-0058 en date du 16 juin 2020, publié au bulletin municipal de la ville de Paris le 23 juin 2020, le préfet de police a donné délégation à Mme F..., attachée principale d'administration de l'État, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figurent les arrêtés de transfert. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " la décision de transfert d'un demandeur d'asile doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer1'application du critère de détermination de l'État responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ".

12. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 précité et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre État membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet État, doit être regardé comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'État en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

13. L'arrêté prononçant le transfert de M. A... aux autorités slovènes vise le règlement (UE) n° 604/2013 précité ainsi que deux règlements portant sur les modalités d'application du règlement (UE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. A..., et précise que la consultation du fichier " Eurodac " a montré que l'intéressé était connu des autorités slovènes auprès desquelles il avait sollicité l'asile le 21 janvier 2020 et mentionne que les autorités slovènes ont donné leur accord, le 3 mars 2020, à son transfert sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Enfin l'arrêté précise que la situation de M. A... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3, paragraphe 2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France et n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Slovénie. L'arrêté énonce ainsi les considérations de fait et de droit qui le fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté de transfert contesté doit être écarté.

14. En troisième lieu, M. A..., s'est vu remettre, le 14 août 2020, les brochures A, intitulée " J'ai demandé 1'asile dans 1'Union européenne - Quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B intitulée " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", éditées en langue farsi, langue qu'il a déclaré comprendre. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à l'information sur le traitement de sa demande de protection internationale qu'il tient des stipulations de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit être écarté.

15. En quatrième lieu, M. A... a bénéficié, le 14 août 2020, d'un entretien individuel réalisé par un fonctionnaire du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile dans les locaux de la préfecture de police, assisté d'un interprète en langue farsi. Il ne développe aucun élément de nature à établir que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que l'absence d'indication de l'identité de l'agent de préfecture ayant conduit cet entretien individuel n'a pas privé l'intéressé de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Par ailleurs, contrairement aux allégations de M. A..., aucune disposition n'exige que le préfet de police publie une délégation de signature pour habiliter ses agents à mener de tels entretiens. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 5 du règlement (UE) du 26 juin 2013 relatives à l'entretien individuel du demandeur d'asile doit être écarté.

16. En cinquième lieu, si M. A... soutient que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance du principe du contradictoire en ce qu'il n'aurait pas été en mesure de faire valoir ses observations, il est constant qu'il a bénéficié d'un entretien individuel le 14 août 2020 mené avec l'assistance d'un interprète en langue farsi. Dès lors, M. A... a été en mesure de présenter toute observation utile avant l'édiction de l'arrêté en litige. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut donc qu'être écarté.

17. En sixième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la preuve de la demande de reprise en charge adressée par la préfecture de police aux autorités slovènes ainsi que celle de la réponse de ces autorités est rapportée par le préfet de police, qui a produit en première instance la copie d'un courrier électronique daté du 20 février 2020 accusant réception d'une demande formulée au moyen de l'application " Dublinet " ainsi que la réponse explicite des autorités slovènes à cette demande, datée du 3 mars 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 24 et 25 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 susvisé doit être écarté.

18. En septième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable ".

19. M. A... soutient que le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 au motif que le préfet de police n'aurait pas porté à sa connaissance les informations relatives à la délivrance d'un laissez-passer dans l'hypothèse où il souhaiterait exécuter le transfert par ses propres moyens. Toutefois, d'une part, si les conditions de notification de l'arrêté litigieux peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours, elles sont sans incidence sur sa légalité. D'autre part, M. A... s'est vu remettre, le 21 août 2020, lors de la notification de l'arrêté portant transfert aux autorités slovènes un laissez-passer lui permettant de se rendre volontairement en Slovénie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de police de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 ne peut qu'être écarté.

20. En huitième lieu, M. A... n'établit pas qu'il serait exposé à un risque accru de contamination par le covid-19 en cas de transfert en Slovénie. Dans ces conditions, le préfet de police pouvait, sans illégalité, décider de le transférer vers ce pays, responsable de sa demande d'asile.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 août 2020 et lui a enjoint de délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 du ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

22. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA03190 du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 octobre 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA03219 par laquelle le préfet de police sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA03219.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du 2 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président-assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2021.

Le rapporteur,

I. C...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA03190-20PA03219 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03190,20PA03219
Date de la décision : 04/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : ANGLADE et PAFUNDI A.A.R.P.I

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-04;20pa03190.20pa03219 ?
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