Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... G... et Mme A...-H... C... ont demandé à la commission départementale d'aide sociale des Landes d'annuler la décision du 14 mai 2018 par laquelle le président du conseil départemental des Landes a décidé de récupérer une partie de l'aide sociale accordée à Mme B..., leur mère décédée, sur le capital du contrat d'assurance vie souscrit par l'intéressée.
Par une décision du 10 décembre 2018, la commission départementale d'aide sociale des Landes a fait droit à leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire enregistrés les 11 février 2019 et 17 mai 2019, le département des Landes, représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler la décision de la commission départementale d'aide sociale des Landes du 10 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de I... G... et C... ;
3°) de mettre à la charge de I... G... et C... la somme de 3 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de la commission départementale d'aide sociale des Landes a été prise au terme d'une procédure irrégulière, violant le principe du contradictoire, dès lors qu'elle ne comporte ni la mention d'une lecture publique, ni la date de lecture ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- en application des dispositions de l'article L. 132-8 2°) du code de l'action sociale et des familles, il est fondé à récupérer l'aide sociale accordée dès lors que le caractère libéral de l'assurance vie de Mme B... est établi ; eu égard à l'âge de cette dernière lors de la souscription et au montant du placement, ladite assurance vie peut être requalifiée en donation, quand bien même son acceptation par les bénéficiaires est intervenue après le décès du souscripteur ;
- à titre subsidiaire, il était fondé à récupérer l'aide sociale versée à Mme B... sur le fondement de l'article L. 132-8 4°) du code de l'action sociale et des familles.
La procédure a été communiquée à I... G... et C..., qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a bénéficié d'une aide-ménagère prise en charge par le département des Landes entre le 31 mars 2004 et le 30 novembre 2011, à raison de quinze heures par mois, pour un montant total de 19 859,34 euros. L'intéressée étant décédée le 1er juillet 2016,
le président du conseil départemental des Landes a décidé, le 14 mai 2018, de récupérer l'aide sociale accordée sur le capital représentatif du contrat d'assurance vie qu'elle avait souscrit le 20 juillet 1999, dans la limite du montant de la donation. I... G... et C..., filles et héritières de la bénéficiaire, ont demandé à la commission départementale d'aide sociale des Landes d'annuler cette décision. Par une décision du 10 décembre 2018 dont le département des Landes relève appel, la commission a fait droit à leur demande.
Sur la régularité de la décision de la commission départementale d'aide sociale des Landes :
2. La décision de la commission départementale d'aide sociale des Landes mentionne la date de l'audience publique, le 10 décembre 2018, ainsi que la date à laquelle elle a été délibérée, ce même 10 décembre 2018. Elle n'indique pas en revanche si et à quelle date elle a été lue en audience publique, ni si elle peut, à défaut de lecture publique, faire l'objet d'une consultation au secrétariat de la commission départementale d'aide sociale. Elle a, par suite, été rendue en méconnaissance des règles générales de procédure qui s'appliquent, dans le silence des textes, à toute juridiction administrative, et est donc entachée d'irrégularité. Elle doit pour ce motif être annulée.
3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de I... G... et C....
Sur le bien-fondé de la décision de récupération du 14 mai 2018 :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles : " Des recours sont exercés, selon le cas, par l'Etat ou le département : / 1° Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; / 2° Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d'aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; / 3° Contre le légataire ; / 4° A titre subsidiaire, contre le bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie souscrit par le bénéficiaire de l'aide sociale, à concurrence de la fraction des primes versées après l'âge de soixante-dix ans. Quand la récupération concerne plusieurs bénéficiaires, celle-ci s'effectue au prorata des sommes versées à chacun de ceux-ci. / En ce qui concerne les prestations d'aide sociale à domicile, de soins de ville prévus par l'article L. 111-2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l'existence d'un seuil de dépenses supportées par l'aide sociale, en deçà duquel il n'est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. / Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l'aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s'exerce sur la partie de l'actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire. ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 894 du code civil : " La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte. ".
6. Un contrat d'assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, dans lequel il est stipulé qu'un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l'échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n'a pas en lui-même le caractère d'une donation, au sens de l'article 894 du code civil. Toutefois, la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit pour l'administration de l'aide sociale de
rétablir, s'il y a lieu, sa nature exacte, sous le contrôle des juridictions compétentes et sous réserve pour ces dernières, en cas de difficulté sérieuse, d'une question préjudicielle. À ce titre, un contrat d'assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l'essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation. L'intention libérale est établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l'importance des primes versées par rapport à son patrimoine, doit être regardé, en réalité, comme s'étant dépouillé de manière à la fois actuelle et irrévocable au profit du bénéficiaire à raison du droit de créance détenu sur l'assureur. Dans ce cas, l'acceptation du bénéficiaire, alors même qu'elle n'interviendrait qu'au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l'administration de l'aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l'application des dispositions relatives à la récupération des créances d'aide sociale.
7. Il résulte de l'instruction que Mme B... a bénéficié de prestations d'aide sociale prises en charge par le département des Landes, sous la forme de quinze heures mensuelles d'aide-ménagère entre le 31 mars 2004 et le 30 novembre 2011, pour un montant total de 19 859,34 euros. Le 20 juillet 1999, alors âgée de 74 ans, elle avait souscrit un contrat d'assurance vie désignant comme bénéficiaires ses deux filles, I... G... et C.... À la date de son décès, le 1er juillet 2016, le montant des primes de ce contrat s'élevait à la somme de 37 238 euros, et celui du capital à la somme de 45 672 euros, alors que l'actif net successoral de Mme B... s'élevait à la somme de 2 403,83 euros. Compte tenu de l'âge de cette dernière au moment de la souscription du contrat d'assurance vie ainsi que de l'importance des primes versées par rapport à son patrimoine, la souscription de ce contrat doit être regardée comme procédant d'une intention libérale. Par suite, c'est à bon droit que le département des Landes a estimé que I... G... et C... avaient bénéficié d'une donation de la part de leur mère et a, dans ces conditions, décidé de procéder à la récupération de l'aide sociale en application des dispositions précitées de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles.
8. Il résulte de ce qui précède que la demande de I... G... et C... devant la commission départementale d'aide sociale des Landes, tendant à l'annulation de la décision du 14 mai 2018 par laquelle le président du conseil départemental des Landes a décidé de récupérer une partie de l'aide sociale accordée à Mme B..., leur mère décédée, sur le capital du contrat d'assurance vie souscrit par l'intéressée, doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de I... G... et C... le versement d'une somme au titre des frais exposés par le département des Landes et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La décision de la commission départementale d'aide sociale des Landes du 10 décembre 2018 est annulée.
Article 2 : La demande de I... G... et C... devant la commission départementale d'aide sociale des Landes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du département des Landes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G..., à Mme A...-H... C... et au département des Landes.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. F..., premier vice-président,
- M. Bernier, président-assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 février 2021.
Le rapporteur,
G. E...Le président,
M. F...
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00699