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24/02/2021 | FRANCE | N°19PA01086

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 24 février 2021, 19PA01086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Cognitis France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés d'un montant de 1 247 819 euros mise à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2009 du fait de la remise en cause d'un crédit d'impôt recherche dont elle estime être bénéficiaire.

Par un jugement n° 1703023/2-2 du 21 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 mars 2019 et le 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Cognitis France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés d'un montant de 1 247 819 euros mise à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2009 du fait de la remise en cause d'un crédit d'impôt recherche dont elle estime être bénéficiaire.

Par un jugement n° 1703023/2-2 du 21 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 mars 2019 et le 18 décembre 2019, la SAS Cognitis France, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703023/2-2 du 21 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a présenté des éléments techniques nouveaux dans le cadre de l'entretien du 25 avril 2013, lesquels n'ont pas été portés à la connaissance des deux nouveaux experts diligentés par l'administration, rendant les trois expertises réalisées peu probantes ;

- les travaux de recherche et développement réalisés en 2009 sont éligibles au crédit impôt recherche en application de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, dès lors qu'ils ont mis en oeuvre des tests, expérimentations et prototypes et ont permis des améliorations substantielles présentant un caractère de nouveauté certain au regard des règles de l'art ;

- ce caractère éligible est confirmé par les deux expertises réalisées, en évaluant les critères d'éligibilité au crédit d'impôt recherche, par l'organisme OSEO au titre de 2010 et 2011, années au cours desquels les travaux de 2009 se sont poursuivis ;

- l'administration a reconnu le caractère éligible des dépenses du projet " GRECCO " au titre des années 2011 et 2012.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 octobre 2019 et le 2 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la décharge de la somme de 154 730 euros au titre des intérêts de retard sont irrecevables, aucun intérêt de retard n'ayant été mis en recouvrement ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocate de la SAS Cognitis France.

Considérant ce qui suit :

1. La société de services en ingénierie informatique Cognitis France a bénéficié, par une décision de l'administration fiscale du 15 juin 2010, du remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche d'un montant de 1 247 819 euros au titre de l'année 2009, à raison des dépenses exposées pour trois projets. Un rapport du 7 janvier 2013 de l'expert désigné par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ayant conclu que ces trois projets n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt recherche, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés lui ont été notifiées selon la procédure contradictoire au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2009. La contestation de ce rehaussement par la société a conduit à une deuxième expertise des services du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, laquelle a également conclu le 10 juillet 2013 à l'inéligibilité des projets. La société ayant sollicité un réexamen de son dossier par la direction régionale de la recherche et de la technologie, une troisième expertise réalisée par un nouvel expert désigné par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a également conclu le 20 octobre 2014 à l'inéligibilité au crédit d'impôt recherche de l'année 2009 des travaux menés par la société. La SAS Cognitis France fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés d'un montant de 1 247 819 euros, maintenue par l'administration fiscale à l'issue de cette dernière expertise.

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...). II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, (...) ; b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; (...) ". L'article 49 septies F de l'annexe III au code précise que " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. "

3. L'article L. 45 B du livre des procédures fiscales sur les modalités d'exercice du droit de contrôle dispose que : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. Un décret fixe les conditions d'application du présent article. ". L'article R. 45 B-1 de ce même livre précise que " I. - La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce dernier. L'intervention des agents du ministère chargé de la recherche peut résulter soit d'une initiative de ce ministère, soit d'une demande de l'administration des impôts dans le cadre d'un contrôle ou d'un contentieux fiscal. II. - Dans le cadre de cette procédure, l'agent chargé du contrôle de la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses déclarées envoie à l'entreprise contrôlée une demande d'éléments justificatifs. L'entreprise répond dans un délai de trente jours, éventuellement prorogé de la même durée à sa demande. L'entreprise joint à sa réponse les documents nécessaires à l'expertise de l'éligibilité des dépenses dont la liste est précisée dans la demande d'éléments justificatifs, (...) L'agent chargé du contrôle peut envoyer à l'entreprise contrôlée une demande d'informations complémentaires à laquelle celle-ci doit répondre dans un délai de trente jours (...) ".

4. S'il n'est pas contesté par l'administration fiscale que le deuxième expert désigné par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche n'a pas tenu compte, pour établir son rapport du 10 juillet 2013, des éléments supplémentaires transmis par la requérante à l'occasion de l'entretien qui s'est tenu le 25 avril 2013 avec le chef de service, il ne résulte toutefois de l'instruction ni que ce second expert, qui a examiné l'ensemble des documents qui avaient été présentés par la société lors du dépôt de sa demande, ne disposait pas d'éléments suffisants pour porter une appréciation précise et pertinente sur la nature et la portée des travaux réalisés par la société au titre des trois projets en cause, ni que le document complémentaire produit le 25 avril 2013, qui consiste en une nouvelle présentation générale des activités de l'entreprise et une présentation détaillée des trois projets en cause, aurait comporté des éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause le contenu de cette appréciation. Enfin la circonstance que les experts aient pris connaissance de la teneur des expertises rendues par leurs prédécesseurs est sans incidence sur le caractère impartial des rapports qu'ils ont rédigés. Dans ces conditions la requérante, qui a par ailleurs bénéficié de deux entretiens le 25 avril 2013 puis le 2 septembre 2014 lui permettant de discuter les conclusions de cette expertise et de faire valoir tous les éléments qu'elle estimait utiles, n'est pas fondée à soutenir que les expertises diligentées par l'administration fiscale seraient intervenues dans des conditions irrégulières et se trouveraient de ce fait dépourvues de valeur probante.

5. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter, que les opérations réalisées par un contribuable remplissent ou non les conditions lui permettant de bénéficier du crédit d'impôt recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts.

6. Il résulte de l'instruction que le projet " Industrialisation des tests logiciels " consiste à proposer aux directions informatiques d'optimiser la fiabilité de leur système d'information grâce à une industrialisation des tests de logiciels. Les trois expertises menées à la demande de l'administration fiscale convergent pour relever que si les enjeux des tests logiciels sont importants et l'énoncé du projet QSI ambitieux, la requérante n'a toutefois pas fourni d'éléments permettant de tenir pour établi que les travaux menés sur ce projet au cours de l'année 2009 ont mis en oeuvre un savoir-faire particulier qui ne serait pas détenu par toute entreprise de services en ingénierie informatique, ni que ces travaux aient abouti à une avancée technologique en rupture avec l'existant. A cet égard les conclusions du rapport, en date du 29 octobre 2016, rendu par l'experte missionnée par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation, dès lors que l'avancée technologique qu'elles relèvent résulte essentiellement de travaux menés postérieurement à l'année 2009.

7. Il résulte de l'instruction que le projet " GRECCO " consiste en la réalisation de tests unitaires sur la brique GRECCO (gestion des comptes et contentieux) de l'application informatique " L'usine retraite " conçue et développée par les groupes paritaires de retraite. Les trois expertises précitées convergent pour relever que, malgré le volume des données traitées, ce projet n'apporte d'amélioration qu'à la seule brique GRECCO concernée, qu'il ne met en oeuvre que des savoir-faire classiques d'ingénierie et ne répond pas à des aléas ou incertitudes scientifiques. A cet égard l'expertise réalisée à la demande de la requérante ne relève pas d'enrichissement de l'état de l'art au-delà de la brique GRECCO, et ses conclusions ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce projet par les trois précédentes expertises.

8. Il résulte de l'instruction que le projet " FAF Propreté-Sirius/Dyna " consiste en une évolution du système informatique de l'organisme FAF Propreté, organisme collecteur et gestionnaire de fonds de formation des entreprises du secteur de la propreté. Là encore les trois expertises menées à la demande de l'administration fiscale, mais également l'expertise réalisée à la demande de la requérante, concordent pour considérer que ce projet, qui ne consiste qu'en la mise en oeuvre de savoir-faire d'ingénierie standards, consiste en une simple amélioration fonctionnelle d'un système informatique sans mise en oeuvre ni acquisition de nouvelles connaissances.

9. Si la société fait valoir, comme en première instance, que l'organisme OSEO a conclu à l'éligibilité des trois projets litigieux au titre des années 2010 et 2011, elle n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau à l'appui de ce moyen qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.

10. Enfin, s'il est constant que dans le cadre d'un recours hiérarchique exercé à l'occasion d'une autre procédure de contrôle portant sur les exercices clos en 2011 et 2012, le service a pris en compte une nouvelle expertise établie par l'expert missionné par la société et admis l'éligibilité de certaines dépenses du projet GRECCO au crédit impôt-recherche, cette décision est par elle-même sans incidence sur le litige, la seule circonstance que les opérations réalisées au cours de ces deux années ont été considérées comme des opérations de recherche ne permettant pas d'en déduire que les opérations réalisées en 2009 seraient également éligibles.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'action et des comptes publics, que la SAS Cognitis France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SAS Cognitis France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SAS Cognitis France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré).

Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme A..., président assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 février 2021.

Le rapporteur,

P. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01086
Date de la décision : 24/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : QUENTIN Eric

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-24;19pa01086 ?
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