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19/02/2021 | FRANCE | N°20PA02201-20PA02202

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 février 2021, 20PA02201-20PA02202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... G... épouse D... et M. I... D... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 avril 2019 par laquelle le chef de la mission de l'adoption internationale a refusé de leur délivrer l'accord à la poursuite de la procédure en application de l'article 17 de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, et d'enjoindre au chef de la mission de l'adoption internationale de leur délivrer cet accor

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Par un jugement n° 1912142/6-3 du 11 juin 2020, le tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... G... épouse D... et M. I... D... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 avril 2019 par laquelle le chef de la mission de l'adoption internationale a refusé de leur délivrer l'accord à la poursuite de la procédure en application de l'article 17 de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, et d'enjoindre au chef de la mission de l'adoption internationale de leur délivrer cet accord.

Par un jugement n° 1912142/6-3 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 11 avril 2019 et a enjoint au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de délivrer à M. et Mme D... l'accord à la poursuite de la procédure prévu par l'article 17 de la convention de La Haye dans le délai de deux mois à compter du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 août 2020 et 18 décembre 2020 sous le numéro 20PA02201, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères demande à la cour d'annuler le jugement du 11 juin 2020.

Il soutient que :

- la décision de refus du 11 avril 2019 est justifiée par le respect des règles de l'ordre public international ; l'adoption, qui est une mesure de protection de l'enfant, n'est envisageable que si celui-ci est privé de famille ou ne peut être laissé dans son milieu d'origine, en application des stipulations des articles 20 et 21 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- les stipulations de la convention de La Haye du 29 mai 1993 impliquent que l'adoption ne soit envisagée qu'à l'égard d'enfants déjà nés ; or, les époux D... ont conçu le projet d'adoption de la nièce de Mme D... dès les semaines suivant sa conception, plusieurs mois avant la naissance ;

- le projet d'adoption des époux D... méconnaît le principe de subsidiarité posé par les conventions de New York et de La Haye ; en effet, aucune recherche d'adoption par la famille élargie de l'enfant, ou par une autre famille résidant à E..., n'a été effectuée ; l'accord formel à l'adoption de l'enfant par les époux D... a d'ailleurs été donné par la mère de l'enfant quelques jours après sa naissance, bien avant l'étude d'adoptabilité ; or, le principe de subsidiarité implique que soit d'abord étudiée l'adoptabilité de l'enfant, avant un éventuel apparentement ;

- les risques allégués pour la santé de la mère durant la grossesse sont sans incidence sur la possibilité d'élever ensuite un enfant ; aucune difficulté particulière dans le milieu d'origine de l'enfant n'est établie ;

- le consentement des parents biologiques à l'adoption n'a pas été donné de manière éclairée, en méconnaissance de l'article 4 c) de la convention de La Haye ; la rupture des liens de droit avec la famille biologique, comme le prévoit la législation malgache relative à l'adoption, n'a pas été comprise par les parents biologiques.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 9 octobre 2020 et 22 janvier 2021,

M. et Mme D..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

II. Par une requête et deux mémoires enregistrés les 10 août 2020, 7 octobre 2020 et

18 décembre 2020 sous le numéro 20PA02202, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 11 juin 2020.

Il soutient que :

- les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies, dès lors que l'exécution du jugement attaqué aurait des conséquences difficilement réparables ;

- la décision de refus du 11 avril 2019 est justifiée par le respect des règles de l'ordre public international ; l'adoption, qui est une mesure de protection de l'enfant, n'est envisageable que si celui-ci est privé de famille ou ne peut être laissé dans son milieu d'origine, en application des stipulations des articles 20 et 21 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- les stipulations de la convention de La Haye du 29 mai 1993 impliquent que l'adoption ne soit envisagée qu'à l'égard d'enfants déjà nés ; or, les époux D... ont conçu le projet d'adoption de la nièce de Mme D... dès les semaines suivant sa conception, plusieurs mois avant la naissance ;

- le projet d'adoption des époux D... méconnaît le principe de subsidiarité posé par les conventions de New York et de La Haye ; en effet, aucune recherche d'adoption par la famille élargie de l'enfant, ou par une autre famille résidant à E..., n'a été effectuée ; l'accord formel à l'adoption de l'enfant par les époux D... a d'ailleurs été donné par la mère de l'enfant quelques jours après sa naissance, bien avant l'étude d'adoptabilité ; or, le principe de subsidiarité implique que soit d'abord étudiée l'adoptabilité de l'enfant, avant un éventuel apparentement ;

- les risques allégués pour la santé de la mère durant la grossesse sont sans incidence sur la possibilité d'élever ensuite un enfant ; aucune difficulté particulière dans le milieu d'origine de l'enfant n'est établie ;

- le consentement des parents biologiques à l'adoption n'a pas été donné de manière éclairée, en méconnaissance de l'article 4 c) de la convention de La Haye ; la rupture des liens de droit avec la famille biologique, comme le prévoit la législation malgache relative à l'adoption, n'a pas été comprise par les parents biologiques.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 9 septembre 2020 et 12 novembre 2020, M. et Mme D..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- la convention de La Haye du 29 mai 1993 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les observations de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... ont déposé le 28 novembre 2017 une demande d'agrément à l'adoption auprès des services compétents de la métropole de Lyon. Cet agrément leur a été délivré le 9 août 2018. Souhaitant adopter la nièce de Mme D..., née le 30 juillet 2018 à E..., ils ont sollicité la délivrance d'un accord à la poursuite de la procédure, document prévu par l'article 17 c) de la convention de La Haye du 29 mai 1993 s'agissant des adoptions internationales, et dont la délivrance est, le cas échéant, assurée en France par la Mission de l'adoption internationale placée auprès du ministre chargé des affaires étrangères. Le 11 avril 2019, le chef de la mission de l'adoption internationale a refusé de leur délivrer cet accord à la poursuite de la procédure. Par un jugement du 11 juin 2020 dont le ministre de l'Europe et des affaires étrangères relève appel et demande le sursis à exécution, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 11 avril 2019 et a enjoint au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de délivrer à M. et Mme D... l'accord à la poursuite de la procédure prévu par l'article 17 c) de la convention de La Haye dans le délai de deux mois à compter du jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées, enregistrées sous les numéros 20PA02201 et 20PA02202, ont fait l'objet d'une instruction commune et sont relatives à un même jugement. Il y a lieu par suite de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. D'une part, aux termes de l'article 20 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant : " 1- Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'État. / 2- Les États parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale. / 3- Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalah de droit islamique, de l'adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix entre ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d'une certaine continuité dans l'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. ". Et aux termes de l'article 21 de la même convention : " Les États parties qui admettent et/ou autorisent l'adoption s'assurent que l'intérêt supérieur de l'enfant est la considération primordiale en la matière, et : / a- veillent à ce que l'adoption d'un enfant ne soit autorisée que par les autorités compétentes, qui vérifient, conformément à la loi et aux procédures applicables et sur la base de tous les renseignements fiables relatifs au cas considéré, que l'adoption peut avoir lieu eu égard à la situation de l'enfant par rapport à ses père et mère, parents et représentants légaux et que, le cas échéant, les personnes intéressées ont donné leur consentement à l'adoption en connaissance de cause, après s'être entourées des avis nécessaires ; / b- reconnaissent que l'adoption à l'étranger peut être envisagée comme un autre moyen d'assurer les soins nécessaires à l'enfant, si celui-ci ne peut, dans son pays d'origine, être placé dans une famille nourricière ou adoptive ou être convenablement élevé ; (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 4 de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale : " Les adoptions visées par la Convention ne peuvent avoir lieu que si les autorités compétentes de l'Etat d'origine : / a- ont établi que l'enfant est adoptable ; / b- ont constaté, après avoir dûment examiné les possibilités de placement de l'enfant dans son Etat d'origine, qu'une adoption internationale répond à l'intérêt supérieur de l'enfant ; / c- se sont assurées / 1) que les personnes, institutions et autorités dont le consentement est requis pour l'adoption ont été entourées des conseils nécessaires et dûment informées sur les conséquences de leur consentement, en particulier sur le maintien ou la rupture, en raison d'une adoption, des liens de droit entre l'enfant et sa famille d'origine, / 2) que celles-ci ont donné librement leur consentement dans les formes légales requises, et que ce consentement a été donné ou constaté par écrit, / 3) que les consentements n'ont pas été obtenus moyennant paiement ou contrepartie d'aucune sorte et qu'ils n'ont pas été retirés, et / 4) que le consentement de la mère, s'il est requis, n'a été donné qu'après la naissance de l'enfant ; (...) ". Et aux termes de l'article 17 de la même convention : " Toute décision de confier un enfant à des futurs parents adoptifs ne peut être prise dans l'Etat d'origine que / a. si l'Autorité centrale de cet Etat s'est assurée de l'accord des futurs parents adoptifs ; / b. si l'Autorité centrale de l'Etat d'accueil a approuvé cette décision, lorsque la loi de cet Etat ou l'Autorité centrale de l'Etat d'origine le requiert ; / c. si les Autorités centrales des deux Etats ont accepté que la procédure en vue de l'adoption se poursuive ; / et d. s'il a été constaté conformément à l'article 5 que les futurs parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter et que l'enfant est ou sera autorisé à entrer et à séjourner de façon permanente dans l'Etat d'accueil. ".

5. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par M. et Mme D... que le projet d'adoption de ces derniers s'est porté, dès le mois de décembre 2017, sur l'enfant à naître attendu par la soeur de Mme D.... Quelques jours après la naissance de l'enfant le 30 juillet 2018 à E..., le juge des enfants du tribunal de première instance d'Antananarivo a, le 13 août 2018, constaté le consentement des deux parents biologiques à l'adoption plénière de leur enfant par M. et Mme D..., alors qu'il n'avait pas été établi que l'enfant était adoptable, et que les possibilités de placement de l'enfant dans son Etat d'origine n'avaient pas été dûment examinées, comme le prévoient pourtant l'article 4 précité de la convention de La Haye. Si les services malgaches compétents ont rédigé un rapport d'adoptabilité de l'enfant le 14 novembre 2018 et un rapport d'évaluation psychosociale des parents biologiques le 8 mars 2019, ces documents et les enquêtes psychosociales qu'ils traduisent sont postérieurs de plusieurs mois au consentement à l'adoption des parents biologiques et à l'apparentement de l'enfant avec M. et Mme D.... Ils n'établissent pas, au surplus, que celui-ci ne pouvait être convenablement élevé dans sa famille biologique ou, au moins, dans son pays d'origine ; les difficultés socio-économiques et médicales des parents biologiques qui y sont alléguées, tenant à des déplacements professionnels du père de l'enfant " de temps en temps dans les provinces ", et à des évanouissements de la mère, diabétique et hypertendue, ne suffisent pas, notamment, à établir qu'ils étaient dans l'impossibilité d'élever l'enfant, alors par ailleurs que le premier exerce la profession de pasteur, et la seconde d'institutrice, et que le couple bénéficie d'un logement dans l'enceinte de l'église. Dans ces conditions, le projet d'adoption internationale de M. et Mme D... méconnaissait le principe de subsidiarité posé par les stipulations précitées des articles 20 et 21 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant et de l'article 4 de la convention de La Haye du 29 mai 1993, dont il résulte, comme l'indique une note explicative du Bureau permanent de la Conférence de La Haye de droit international privé citée par le ministre, que des solutions alternatives telles que l'adoption ne doivent être recherchées que lorsqu'il n'est pas possible de maintenir l'enfant dans sa famille ou son pays d'origine, et que le principe de subsidiarité prévu par la convention ne saurait être considéré comme ayant été respecté si aucun effort n'a été fourni pour maintenir l'enfant dans sa famille d'origine. Par suite, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 11 avril 2019 portant refus de délivrance de l'accord à la poursuite de la procédure aux motifs que l'adoption de l'enfant pouvait être envisagée par les intéressés avant sa naissance et que le consentement des parents biologiques avait été régulièrement constaté après cette naissance, alors que la décision de refus était motivée par la violation de l'ordre public international, et notamment des stipulations précitées.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Paris.

7. En premier lieu, aux termes de l'article 370-3 du code civil : " (...) Quelle que soit la loi applicable, l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier, s'il est donné en vue d'une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant. ".

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères était fondé à refuser, en raison de la violation du principe de subsidiarité que traduisait le projet d'adoption des époux D..., la délivrance de l'accord de la France à la poursuite de la procédure d'adoption internationale, alors même que le consentement à l'adoption plénière donné par les parents biologiques a bien été recueilli par le juge malgache après la naissance de l'enfant, et qu'il n'est pas établi que ce consentement n'aurait pas été libre et éclairé, ledit juge ayant notifié aux parents les effets de l'adoption. Par suite, le moyen tiré de ce que le consentement des parents biologiques a été donné dans le respect des dispositions précitées de l'article 370-3 du code civil doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 de la convention de La Haye du 29 mai 1993 : " 1 Si l'Autorité centrale de l'Etat d'origine considère que l'enfant est adoptable, / a. elle établit un rapport contenant des renseignements sur l'identité de l'enfant, son adoptabilité, son milieu social, son évolution personnelle et familiale, son passé médical et celui de sa famille, ainsi que sur ses besoins particuliers ; / b. elle tient dûment compte des conditions d'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse et culturelle ; / c. elle s'assure que les consentements visés à l'article 4 ont été obtenus ; et d. elle constate, en se fondant notamment sur les rapports concernant l'enfant et les futurs parents adoptifs, que le placement envisagé est dans l'intérêt supérieur de l'enfant. / 2 Elle transmet à l'Autorité centrale de l'Etat d'accueil son rapport sur l'enfant, la preuve des consentements requis et les motifs de son constat sur le placement, en veillant à ne pas révéler l'identité de la mère et du père, si, dans l'Etat d'origine, cette identité ne peut pas être divulguée. ".

10. M. et Mme D... soutiennent que la délivrance de l'accord à la poursuite de la procédure ne pouvait leur être refusée dès lors que la procédure d'adoption a respecté les stipulations précitées de l'article 16 de la convention de La Haye. Toutefois, le rapport sur l'adoptabilité de l'enfant, prévu au point a. desdites stipulations, devant être établi " Si l'Autorité centrale de l'Etat d'origine considère que l'enfant est adoptable ", n'est intervenu qu'en novembre 2018, après le recueil, le 13 août 2018, du consentement des parents biologiques, prévu au point c. Ainsi, la chronologie de la procédure a traduit, comme il a déjà été dit au point 5 du présent arrêt, une violation du principe de subsidiarité. Le moyen susvisé doit donc être écarté.

11. En troisième lieu, les circonstances que, d'une part, l'Etat d'origine de l'enfant, E..., a délivré le 12 décembre 2018 son accord à la poursuite de la procédure d'adoption, et, d'autre part, que l'adoption plénière de l'enfant par les époux D... a été prononcée le 5 février 2019 par le tribunal de première instance d'Antananarivo, alors même que l'accord de l'Etat d'accueil, la France, n'avait pas été délivré, comme le prévoient pourtant les stipulations de l'article 17 c) de la convention de La Haye, ne sauraient imposer aux autorités françaises compétentes de délivrer leur accord à la poursuite de la procédure.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

13. M. et Mme D... soutiennent que la décision de refus de délivrance de l'accord à la poursuite de la procédure du 11 avril 2019 méconnaît les stipulations précitées. Toutefois, ils n'établissent pas que l'intérêt supérieur de l'enfant qu'ils souhaitent adopter serait méconnu dès lors qu'il n'est pas démontré que l'enfant ne pouvait être maintenu dans son milieu d'origine. Par ailleurs, cette décision n'a pas porté atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, la circonstance, à la supposer établie, qu'ils seraient dans l'impossibilité de se rendre en France, comme ils le souhaitent, en compagnie de l'enfant, étant postérieure à l'édiction de cette décision. En tout état de cause, les stipulations invoquées ne sauraient justifier qu'il soit porté atteinte à l'ordre public international, lequel imposait en l'espèce la décision de refus contestée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 11 avril 2019 et lui a enjoint de délivrer à M. et Mme D... l'accord à la poursuite de la procédure prévu par l'article 17 de la convention de La Haye dans le délai de deux mois à compter du jugement.

Sur les conclusions de la requête n° 20PA02202 :

15. Le présent arrêt statuant sur les conclusions de la requête du ministre de l'Europe et des affaires étrangères tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. et Mme D... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1912142/6-3 du 11 juin 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Paris ainsi que leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA02202 du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à Mme F... G... épouse D... et à M. I... D....

Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2021.

Le rapporteur,

G. B...Le président,

M. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°S 20PA02201, 20PA02202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02201-20PA02202
Date de la décision : 19/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

35-05 Famille. Adoption.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : LE FOYER DE COSTIL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-19;20pa02201.20pa02202 ?
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