Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1914588/1-3 du 13 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire de production de pièces enregistrés le 17 février et le
15 juillet 2020, Mme F..., représentée par Me B... D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1914588/1-3 du 13 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 du préfet de police contesté devant ce tribunal ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ou de celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que l'arrêté en litige a été pris par une autorité incompétente ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de cet article ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; le préfet de police, qui n'a pas pris en compte tous les éléments propres à sa situation, n'a pas fait usage de son pouvoir de régularisation ; si le préfet de police estimait qu'elle ne pouvait plus prétendre à un titre de séjour en qualité de membre d'un ressortissant de l'Union européenne, il pouvait lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou " vie privée et familiale " ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- ces décisions sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- ces décisions méconnaissent les dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 8 janvier 2020.
Par une ordonnance du 12 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
30 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les observations de Mme D..., avocat de Mme Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante camerounaise née le 30 mars 1998, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement, notamment, des dispositions de l'article L. 121-3 et L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de police a pris à son encontre, le 20 juin 2019, un arrêté par lequel il a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme F... relève appel du jugement du 13 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Mme F... soutient que la décision portant refus de séjour est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire français. Il ressort des pièces produites, et plus particulièrement du document de circulation pour mineur étranger délivré le 23 novembre 2011 et valable jusqu'au 22 novembre 2015, des certificats de scolarité établissant qu'elle a été scolarisée au collège André Malraux de 2010 à 2011, puis au lycée Léonard de Vinci de 2011 à 2015, enfin à l'Université Paris Nanterre de 2015 à 2020, de son dossier social établi par le ministère chargé de l'enseignement supérieur relatif à l'attribution d'une bourse de l'enseignement supérieur pour les années 2015-2016, 2017-2018, 2018-2019 et 2019-2020, des contrats d'occupation temporaire d'un logement universitaire meublé établi par le CROUS pour les années 2016-2017, 2017-2018,
2018-2019 et 2019-2020, de contrats de travail établis de 2016 à 2018 et d'ordonnances médicales, que Mme F... justifie résider en France depuis l'âge de douze ans. Il ressort également des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue de toutes attaches familiales en France où réside notamment son père, ressortissant néerlandais, qui l'a hébergée jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Si la requérante n'est pas dépourvue de toutes attaches familiales dans pays d'origine où demeure sa mère, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle entretienne avec cette dernière, qu'elle a quittée alors qu'elle n'était âgée que de douze ans, des liens affectifs durables et intenses. Il suit de là que dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard notamment à sa parfaite intégration scolaire et universitaire, Mme F... est fondée à soutenir que la décision en litige est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces conséquences sur sa situation.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Le jugement n° 1914588/1-3 du
13 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 20 juin 2019 du préfet de police doivent, par suite, être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Compte tenu des motifs d'annulation de l'arrêté en litige et en l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer à
Mme F..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur l'application les frais liés au litige :
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme F... demande en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1914588/1-3 du 13 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 20 juin 2019 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme F... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la demande présentée par Mme F... devant le Tribunal administratif de Paris et de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., au ministre de l'intérieur, au préfet de police et à Me B... D....
Délibéré après l'audience du 3 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 17 février 2021.
Le rapporteur,
S. E...Le président,
I. C...
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00600 2