Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société RP Prague SRO a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période correspondant aux années 2007 à 2012.
Par un jugement n° 1715284/1-1 du 6 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 décembre 2019, 13 mai et 9 juillet 2020, la société RP Prague SRO, représentée par Me A... B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 novembre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société RP Prague SRO n'a pas en France d'établissement stable ;
- elle ne pouvait en conséquence faire l'objet d'une vérification de comptabilité, être tenue à la présentation d'une comptabilité en français, être regardée comme ayant en France une activité occulte, ou faire l'objet de procédures d'imposition d'office ;
- les résultats de la société RP Prague SRO n'ont pas été régulièrement imposés ;
- le tribunal a passé sous silence le moyen relatif à la vérification de comptabilité ;
- l'administration a pris ultérieurement une position tacite invocable sur le fondement de la loi 2018-727 du 10 août 2018 en ne l'imposant pas au titre des années 2014 à 2016;
- Mme F... épouse E... n'a pas sa résidence fiscale en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société RP Prague SRO ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2020.
Un mémoire accompagné de pièces a été produit le 19 novembre 2020 après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la société RP Prague SRO.
Considérant ce qui suit :
1. La société RP Prague SRO relève appel du jugement du 6 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période correspondant aux années 2007 à 2012.
2. Aux termes de l'article 283-1 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, sous réserve des cas visés aux articles 275 à 277 A où le versement de la taxe peut être suspendu./ Toutefois, lorsqu'une livraison de biens ou une prestation de services mentionnée à l'article 259 A est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui agit en tant qu'assujetti et qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Le montant dû est identifié sur la déclaration mentionnée à l'article 287 ".
3. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté que la société Prague SRO faisait commerce d'oeuvres d'art sur le territoire français, avec deux clients établis en France, la société Artecosa et la société E...-Petrenko, dirigée par M. E..., époux de la gérante de la société requérante. Les visites nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés de la société Prague SRO, qui a déclaré exercer une activité d'antiquaire à Prague, mais qui n'employait aucun salarié, ont permis de constater que de nombreux documents relatifs à son activité, et notamment sa comptabilité, étaient conservés en France, notamment dans l'ordinateur de M. E..., époux de la gérante de cette société, et qui est résident fiscal français. Aucune trace du transit par la République tchèque des oeuvres acquises et revendues par la société requérante n'a été retrouvée, les documents de transports fournis n'identifiant pas précisément les biens transportés. Les pièces produites au dossier ne permettent pas d'apprécier dans quelle mesure l'activité en cause a été effectivement déclarée auprès de l'administration fiscale tchèque. Mme E... rédigeait tant les factures de vente de la société Prague SRO que les factures correspondant aux achats en France de la société, émises par elle-même dans le cadre de l'activité individuelle qu'elle déclare exercer en République tchèque, les biens en cause ayant été directement livrés en France à la galerie E... Petrenko. Les pièces produites au dossier le 9 novembre 2020 ne sont pas de nature, compte tenu notamment de leur caractère épars, à remettre en cause les constatations qui précèdent, alors même qu'elles établiraient la possession par la société d'un compte bancaire en République tchèque et l'existence de voyages de
Mme E... entre la France et la République tchèque. La société Prague SRO doit en conséquence être regardée comme étant établie en France, alors même que Mme E... aurait exercé en République tchèque une réelle activité individuelle et y aurait sa résidence fiscale, et était par suite redevable de la taxe sur la valeur ajoutée à raison de son activité de livraisons de biens en France. L'administration était en conséquence fondée à procéder au contrôle de cette activité et au rehaussement des recettes en procédant. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés par la société requérante de ce qu'elle n'avait pas en France d'établissement stable et de ce qu'en conséquence, elle ne pouvait faire l'objet d'une vérification de comptabilité, être tenue à la présentation d'une comptabilité en français, être regardée comme ayant en France une activité occulte, ou faire l'objet de procédures d'imposition d'office ne peuvent par suite qu'être écartés.
4. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction invoquée : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Il en est de même lorsque, dans le cadre d'un examen ou d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et dès lors qu'elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l'administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification ". Les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales font obstacle à un rehaussement contraire à une prise de position antérieure tacite de l'administration prise dans le cadre d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle. Ces dispositions, issues de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, entrée en vigueur le 12 août 2018, sont applicables, conformément à l'article 9, II de la loi, aux contrôles dont les avis sont adressés à compter du
1er janvier 2019. La société requérante ne saurait par suite valablement s'en prévaloir à l'appui de sa contestation du rehaussement en litige, en invoquant les résultats d'une vérification de comptabilité engagée par un avis du 5 juillet 2017, à l'issue de laquelle l'administration aurait pris le 11 décembre 2018, une position tacite en ne l'imposant pas au titre des années 2014 à 2016.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante, qui ne saurait en tout état de cause utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, des moyens dirigés contre les modalités d'imposition de ses résultats, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, les premiers juges ayant statué sur l'existence d'une activité taxable et d'un établissement stable en France et par
là-même implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré de ce que, du fait de l'absence d'établissement stable, la vérification de comptabilité était dépourvue de fondement légal, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société RP Prague SRO est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société RP Prague SRO et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président,
- M. D..., premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2021.
Le rapporteur,
F. D...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA04074 2