Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Aéroport de Tahiti a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre la contribution des patentes des années 2012 à 2016.
Par un jugement nos 1800408, 1800409, 1800410 du 25 avril 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2019, la société Aéroport de Tahiti, représentée par Me D... A... et Me C... B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du
25 avril 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'aéroport de Tahiti n'entre pas dans le champ d'application du droit proportionnel à la patente selon l'article 214-1 du code des impôts de la Polynésie française puisqu'il est exonéré d'impôt foncier en tant que bien appartenant à l'Etat en application de l'article 222-1 du même code ;
- on ne saurait lui opposer que le bien n'est exonéré qu'en raison de son propriétaire ;
- l'administration ne l'a pas informée de l'origine et de la teneur des informations utilisées pour évaluer la piste d'atterrissage ;
- elle ne l'a pas informée de l'utilisation de renseignements en provenance de tiers ;
- la valeur locative de la piste d'atterrissage doit être calculée à partir du montant des redevances qui doivent être considérées comme des loyers ;
- l'administration aurait dû, à défaut, utiliser la méthode d'évaluation par comparaison ;
- la valeur d'acquisition de la piste d'atterrissage, à retenir en application de l'article 225-2 du code des impôts de la Polynésie française, est nulle ;
- il convient de retenir, à défaut, la valeur nette comptable ;
- la valeur locative des places de parking n'a pas été appréciée selon les règles prévues à de l'article 225-2 du code des impôts de la Polynésie française ;
- le calcul de l'administration aboutit à une double imposition des recettes ;
- les recettes ne proviennent pas d'une location verbale dûment enregistrée ;
- elle n'exerce pas l'activité de parc à voitures ;
- elle fait l'objet d'une discrimination et d'une rupture d'égalité.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2019, le Gouvernement de la Polynésie française conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Aéroport de Tahiti une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 21 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au
23 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 71-1028 du 24 décembre 1971 ;
- la loi n° 77-772 du 12 juillet 1977 relative à l'organisation de la Polynésie française ;
- la loi organique n° 97-1074 du 22 novembre 1997 ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code des postes et télécommunications en Polynésie française ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Aéroport De Tahiti (ADT) est bénéficiaire d'une convention de concession pour la construction, l'entretien et l'exploitation de l'aérodrome de Tahiti Faa'a. A ce titre elle occupe le domaine public appartenant à l'Etat situé sur la commune de Faa'a, qui comprend des locaux nus à usage commercial, des installations de service public aéroportuaire et des parkings payants. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2012 à 2016 à raison de rehaussements au titre de la contribution des patentes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. La société requérante fait valoir que la Polynésie française a méconnu les droits de la défense en exerçant son droit de communication à l'égard d'un tiers sans l'en avoir informée, et en utilisant les données ainsi obtenues sans l'informer de l'origine et de la teneur des documents les contenant. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des notifications de redressement en date des 22 décembre et 26 décembre 2016 que, pour déterminer la valeur locative de la piste aéroportuaire, la Polynésie française s'est fondée sur les documents publics annexés à la convention de concession de l'aéroport signée le 15 mars 2010 entre l'Etat et la société ADT et publiés au JOPF, consultables dans les services de l'aviation civile ainsi qu'il résulte de l'article 2 de l'arrêté du 25 mars 2010 portant concession de l'aérodrome de Tahiti Faa'a, qui indique que la convention et ses annexes sont consultables dans les services de l'aviation civile. En conséquence, l'annexe 1 de ladite convention, qui comportait la liste des biens, le plan parcellaire et l'état des immobilisations, lequel, ainsi qu'il résulte du document produit en appel par la Polynésie française et dont le contenu ne fait l'objet d'aucune contestation de la part de la société requérante, indiquait les valeurs d'acquisition reprises par les notifications de redressement, devait être regardée comme un document public, pour lequel l'exercice du droit de communication n'était pas nécessaire. Dès lors, la société requérante n'a été privée d'aucun droit ni d'aucune garantie attachée à la mise en oeuvre du droit de communication.
Sur l'exonération des installations aéroportuaires du droit proportionnel à la contribution des patentes :
3. Aux termes de l'article 214-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Le droit proportionnel est établi sur la valeur locative des magasins, boutiques, usines, ateliers, hangars, remises, chantiers et autres locaux servant à l'exercice des professions imposables, y compris les installations de toute nature passibles de l'impôt foncier des propriétés bâties (...) ". L'article 222-1 de ce code prévoit que sont exemptés de l'impôt foncier sur les propriétés bâties : " (...) 1°) Les immeubles propriété de l'Etat, de la Polynésie française, des communes, des districts, des établissements publics, lorsqu'ils sont affectés à un service public, ou s'ils sont reconnus d'utilité générale et improductifs de revenus (...) ".
4. La société requérante fait valoir que les locaux qu'elle occupe ne peuvent être regardés comme des biens passibles de l'impôt foncier au sens de l'article 214-1 précité servant de base au calcul du droit proportionnel de la contribution des patentes, dès lors qu'ils sont exemptés d'impôt foncier puisqu'ils sont la propriété de l'Etat.
5. Cependant, il résulte des termes mêmes des dispositions précitées de l'article 222-1 du code des impôts de la Polynésie française qu'il n'a ni pour objet, ni pour effet de placer les installations commerciales ou industrielles assimilables à des constructions hors du champ d'application de l'impôt foncier sur les propriétés bâties, alors même qu'il exonère certains propriétaires du paiement de cette taxe. Les biens visés à l'article 222-1 du code des impôts de la Polynésie française ont ainsi le caractère de biens passibles de l'impôt foncier au sens de l'article 214-1 du code pour le calcul du droit proportionnel à la patente, alors même que leur propriétaire est exempté d'impôt foncier. Dès lors, les biens occupés par la société ADT entraient dans le champ d'application de l'impôt foncier, même s'ils en étaient exonérés, et par conséquent devaient être soumis au droit proportionnel à la contribution de la patente.
Sur l'estimation de la valeur locative des installations aéroportuaires :
6. Aux termes de l'article 214-2 du code des impôts de la Polynésie française : " La valeur locative est déterminée soit au moyen des baux sous seing privé, soit, au moyen de baux authentiques ou de déclarations de locations verbales dûment enregistrées, soit par comparaison avec d'autres locaux dont le loyer aura été régulièrement constaté ou sera notoirement connu et, à défaut de ces bases, par voie d'appréciation ". Aux termes de l'article Lp 225-2 du même code : " (...) La valeur locative est déterminée au moyen des baux authentiques ou des locations verbales passées dans les conditions normales. En l'absence d'actes de l'espèce, la valeur locative est déterminée soit par la méthode par comparaison, soit par la méthode d'évaluation directe. La méthode de l'évaluation directe est mise en oeuvre selon la procédure suivante : / - évaluation de la valeur vénale foncière du bien ; / - détermination du taux d'intérêt, pour chaque nature de propriété dans la région considérée ; / - application du taux d'intérêt à la valeur vénale. (...)Pour l'application de la méthode d'évaluation directe définie à l'alinéa précédent et sous réserve du droit de contrôle de l'administration, la valeur vénale foncière est égale :- pour les constructions neuves, les adjonctions d'immeubles et les aménagements immobiliers, au coût réel de construction et de réalisation, en ce compris le prix de la main-d'oeuvre estimée au coût du marché dans l'hypothèse où les travaux sont directement réalisés par le propriétaire ;/-en cas de mutation à titre onéreux ou gracieux, ou en cas d'apport, au prix d'acquisition ou de l'apport diminué de la valeur vénale du terrain ;/- en ce qui concerne les terrains visés au 1° de l'article D. 221-1, à la valeur résultant des éléments figurant dans les actes d'origine de propriété, sous réserve que ces actes ne soient pas trop anciens et que les prix puissent être considérés comme normaux. A défaut de tels actes, la valeur est déterminée à partir de celle d'immeubles similaires ayant fait l'objet de transactions normales en tenant compte s'il y a lieu des conditions propres à chaque immeuble ;/- pour les installations commerciales ou industrielles assimilables à des constructions, à la valeur d'acquisition et de pose.(...)Pour l'application de la méthode d'évaluation directe, la valeur locative des immeubles, des adjonctions d'immeubles, des aménagements immobiliers, des terrains (...), et des installations commerciales et industrielles est déterminée en appliquant à la valeur vénale de ces biens les taux d'intérêt ci-après :-4 % pour ceux situés dans les îles du Vent (...) " .
7. En premier lieu, la société ADT fait valoir que la redevance domaniale qu'elle verse à l'Etat dans le cadre de la concession de l'aéroport doit être regardée comme un loyer et permettre l'application de la méthode des baux pour déterminer la valeur locative de l'aéroport.
8. Cependant, une redevance domaniale ne saurait être nécessairement assimilée à un loyer versé dans le cadre d'un bail commercial ou civil, en raison notamment de ce que l'occupant du domaine public a la charge de la construction et de l'entretien des équipements et peut être assujetti au paiement d'une redevance de moindre montant qu'un simple locataire. Tel est le cas en l'espèce, les redevances de loyers s'élevant respectivement pour les années 2012 à 2016, à des montants allant de 678 790 F CFP à 970 654 F CFP. De tels montants, particulièrement modestes au regard de l'importance des installations louées, ne sauraient être regardés comme des éléments de prix pertinents pouvant servir de base à l'estimation litigieuse. Le service des contributions n'était donc pas tenu de déterminer la valeur locative en se référant, comme en matière de bail, au montant de la redevance telle qu'elle figure dans la convention.
9. En deuxième lieu, et s'agissant de la piste d'atterrissage de l'aéroport de Tahiti-Faa'a, qui est le seul aéroport international de la Polynésie française et donc le seul à disposer d'une infrastructure de cette envergure, la société requérante ne saurait valablement soutenir qu'il convenait d'utiliser la méthode de comparaison. Seule la méthode de l'évaluation directe pouvait donc être appliquée en l'espèce, en l'absence de baux de référence ou de biens comparables.
10. En troisième lieu, la société ADT fait valoir que la valeur locative de la piste aéroportuaire devait être calculée sur la base de la valeur nette comptable de l'équipement ou de sa valeur d'acquisition estimée.
11. Contrairement à ce qui est soutenu, la valeur nulle retenue lors de la mise à disposition de la piste dans le cadre du contrat de concession ne saurait être regardée comme une valeur d'acquisition au sens des dispositions précitées de l'article 225-2 du code des impôts. Il ne résulte d'aucune disposition du code des impôts que la valeur à retenir serait, ainsi qu'il est également soutenu, la valeur nette comptable après prise en compte des amortissements. Par suite, la société requérante ne conteste pas utilement la méthode utilisée par la Polynésie française et consistant, pour déterminer la valeur locative servant de fondement au droit proportionnel de la contribution à la patente, à se référer à l'annexe 1 de la convention de concession de l'aérodrome qui fixe le montant des immobilisations en 2009.
12. La société ADT soutient enfin que la Polynésie française devait recourir à la méthode de l'évaluation directe des biens immobiliers constitués par les parkings et ne pouvait en conséquence les estimer à partir de la valeur à laquelle les places de stationnement sont louées, soit par abonnements mensuels, soit à l'heure. Il résulte toutefois de l'instruction que les prestations rendues dans ce cadre constituent des locations verbales, passées dans des conditions normales au sens des dispositions de l'article Lp 225-2 du code des impôts, matérialisées par l'émission de tickets de parkings qui permettent d'en enregistrer la réalité. Cette activité de locations de place de stationnement donne en outre lieu à la perception de recettes distinctes de celles perçues par ailleurs dans le cadre de l'exploitation de l'aéroport, même si les parkings en cause sont exploités en lien avec l'activité aéroportuaire. Par suite, la Polynésie française pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article 214-2 du code des impôts, et sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir du caractère excessif de l'évaluation, recourir à la méthode des baux pour apprécier la valeur locative des parkings en cause, et ne pouvait pas recourir à la méthode de l'évaluation directe, qui est une méthode subsidiaire à défaut de baux ou d'éléments de comparaison. La prise en compte des modalités de location pour la détermination de la valeur locative, qui est, ainsi qu'il vient d'être dit, conforme aux dispositions du code des impôts, ne saurait être regardée comme une double imposition des recettes. En l'absence de question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire distinct, la société requérante ne saurait valablement contester une imposition conforme aux dispositions législatives en vigueur en invoquant la méconnaissance du principe d'égalité devant l'impôt.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la SAS Aéroport de Tahiti une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société commerciale de la SAS Aéroport de Tahiti est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société commerciale de Taiarapu et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 3 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président,
- M. E..., premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2021.
Le rapporteur,
F. E...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02434