Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Grands Magasins de la Samaritaine Maison Ernest Cognacq a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations de taxe annuelle sur les bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage en Ile-de-France qui lui ont été assignées au titre des années 2014 et 2015, pour un montant total de 829 210 euros, à raison de locaux dont elle est propriétaire au 19 rue de la Monnaie, à Paris 1er.
Par un jugement n° 1717800/2-1 du 12 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 juin et 11 octobre 2019, la société Grands Magasins de la Samaritaine Maison Ernest Cognacq, représentée par Me C... B... et Me F... A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 avril 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les travaux engagés sur l'immeuble en cause ont affecté le gros-oeuvre et rendu l'immeuble inexploitable ;
- elle a obtenu de l'administration le dégrèvement des cotisations de taxe foncière pour les propriétés bâties au titres des années 2014 et 2015 pour les bâtiments en litige ;
- l'administration a reconnu que les travaux engagés équivalaient à une opération de démolition puis de reconstruction, de sorte que le bâtiment de l'ancien magasin 2 a effectivement perdu son classement en propriété bâtie ;
- un terrain à bâtir relevant de la taxe foncière sur les propriétés non bâties dans la catégorie des terrains à bâtir, seule catégorie cohérente dans la liste issue de l'article 18 de l'instruction générale sur l'évaluation des propriétés non bâties du 31 décembre 1908, ne saurait entrer dans le champ d'application de la taxe litigieuse ;
- un terrain à bâtir ne saurait être concerné par les dispositions de l'article 231 ter du code général des impôts qui vise notamment les locaux à usage de commerce ;
- la documentation administrative référencée BOI-IF-AUT-50-10, n° 530 à 550, qui vise expressément les surfaces d'une construction, mesurées au plancher entre murs et séparations, démontre clairement que la taxe annuelle sur les bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage en Ile-de-France ne peut concerner que les propriétés bâties ;
- les locaux ont nécessairement changé de destination pendant la durée des travaux dans la mesure où ils ont été détruits, comme le prouve le passage de l'ancien magasin 2 en propriété non bâtie, reconnu par l'administration du fait du prononcé des dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties ;
- pour l'application des dispositions afférentes à la taxe annuelle sur les bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage en Ile-de-France, la jurisprudence prévoit que seule doit être prise en compte l'utilisation effective des locaux au 1er janvier de l'année d'imposition soit comme bureaux, soit pour la réalisation d'une activité de commerce ;
- il y a eu changement de destination au regard des catégories prévues par le code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Grands Magasins de la Samaritaine Maison Ernest Cognacq ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 12 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au
14 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., substituant Me B... et Me A..., représentant la société Grands Magasins de la Samaritaine Maison Ernest Cognacq.
Considérant ce qui suit :
1. La société Grands Magasins de la Samaritaine Maison Ernest Cognacq est propriétaire de locaux anciennement à usage de grands magasins sis 19 rue de la Monnaie, dans le 1er arrondissement de Paris, qui ont fait l'objet de travaux de grande ampleur consistant en leur réhabilitation totale. Elle relève appel du jugement du 12 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe annuelle sur les bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage en Ile-de-France à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 pour une partie de ces locaux correspondant à l'ensemble immobilier constituant l'ancien magasin 2.
2. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement ". Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution d'une imposition qu'il a, comme en l'espèce, déclarée et spontanément acquittée conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le caractère exagéré.
3. Par ailleurs, aux termes de l'article 231 ter du code général des impôts : " I. - Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage est perçue, dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France, composée de Paris et des départements de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines. / II. - Sont soumises à la taxe les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables ou titulaires d'un droit réel portant sur de tels locaux. / La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction, l'emphytéote ou le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive d'un droit réel qui dispose, au 1er janvier de l'année d'imposition, d'un local taxable. / III. - La taxe est due : / 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes morales privées ou utilisés par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les organismes professionnels (...)/2°Pour les locaux commerciaux, qui s'entendent des locaux destinés à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros et de prestations de services à caractère commercial ou artisanal ainsi que de leurs réserves attenantes couvertes ou non et des emplacements attenants affectés en permanence à la vente ;(...)".
4. Il résulte de ces dispositions, issues de l'article 38 de la loi du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, et qui, en accroissant les ressources du fonds d'aménagement de la région Ile-de-France, visent à préserver la capacité d'intervention financière de l'Etat en IledeFrance afin de corriger les déséquilibres de cette région en matière de logement social, de transports collectifs et d'infrastructures de transports, que le propriétaire de locaux à usage de bureaux et de commerces situé en Ile-de-France au 1er janvier de l'année d'imposition est assujetti à la taxe qu'elles prévoient, quel que soit l'état de ces derniers, y compris dans le cas où ils sont rendus temporairement impropres à cet usage.
5. Il résulte de l'instruction que, si les locaux en litige ont fait l'objet de travaux de réhabilitation totale, impliquant des travaux de démolition partielle et de reconstruction affectant le gros oeuvre, et notamment les planchers et la grande verrière monumentale, une telle circonstance, ainsi qu'il vient d'être dit, n'est pas de nature à faire obstacle à l'assujettissement de ces locaux à la taxe litigieuse, alors même qu'ils auraient été rendus temporairement inexploitables, en l'absence d'un changement de destination de nature à les exclure du champ de ladite taxe. Contrairement à ce qui est soutenu, et en conséquence de ce qui précède, les opérations de démolition et reconstruction ne sauraient conduire à considérer les lieux concernés comme un terrain à bâtir échappant à cette taxe. Le changement de destination de certains locaux au regard des dispositions en vigueur du code de l'urbanisme ne saurait être valablement invoqué en l'absence de précisions de la part de la société requérante, qui ainsi qu'il a été dit ci-dessus, supporte la charge d'établir l'exagération des impositions, permettant d'identifier les surfaces taxées concernées par des travaux ayant pour effet de les faire échapper définitivement au champ d'application de la taxe.
6. Les moyens tirés de la situation des locaux en cause au regard des règles applicables en matière de taxe foncière et des décisions de dégrèvement prises par l'administration en ce qui concerne ladite taxe sont, s'agissant d'une législation distincte, sans influence sur les conditions d'assujettissement desdits locaux à la taxe annuelle sur les bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage en Île-de-France.
7. Les doctrines et prises de position administratives évoquées ne sont en tout état de cause pas invocables sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, en l'absence de rehaussement, la société requérante ayant été imposée conformément à ses déclarations.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Grands Magasins de la Samaritaine Maison Ernest Cognacq n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Grands Magasins de la Samaritaine Maison Ernest Cognacq est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Grands Magasins de la Samaritaine Maison Ernest Cognacq et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président,
- M. D..., premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2021.
Le rapporteur,
F. D...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01893