Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Fédération nautique de pêche sportive en apnée (FNPSA) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 avril 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé le classement des arbalètes de pêche sous-marine au titre de la législation relative aux armes.
Par un jugement n° 1809650/3-1 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2020 et des mémoires, enregistrés les 29 mai et 6 septembre 2020, la Fédération nautique de pêche sportive en apnée, représentée par
Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1809650/3-1 du 10 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 12 avril 2018 du ministre de l'intérieur ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles L 311-2 et R. 311-2 du code de la sécurité intérieure et est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2020.
Par un courrier du 19 janvier 2021, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que le tribunal administratif de Paris avait retenu à tort sa compétence matérielle, le litige relevant de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat, conformément aux dispositions de l'article R. 311-1 2° du code de justice administrative, l'acte attaqué -par lequel le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de la FNPSA relatif au classement d'armes- présentant un caractère réglementaire.
Par un mémoire enregistré le 22 janvier 2021, en réponse au moyen d'ordre public, la Fédération nautique de pêche sportive en apnée conclut aux mêmes fins que sa requête en soutenant que la décision explicite de rejet de sa demande de classement ne constitue ni un acte réglementaire, ni une circulaire ou instruction de portée générale.
Par un mémoire enregistré le 27 janvier 2021, en réponse au moyen d'ordre public, le ministre de l'intérieur conclut à l'annulation du jugement n° 1809650 du 10 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris et au renvoi de l'affaire devant le Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort pour connaitre du litige, conformément aux dispositions du 2° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, en soutenant que les décisions portant classement ou refus de classement au titre de la législation sur les armes constituent des actes réglementaires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la Fédération nautique de pêche sportive en apnée.
Considérant ce qui suit :
1. La Fédération nautique de pêche sportive en apnée (FNPSA) a demandé au ministre de l'intérieur de classer les arbalètes de pêche sous-marine en catégorie C au titre de la législation sur les armes. Par une décision du 12 avril 2018, le ministre de l'intérieur a rejeté cette demande. La Fédération relève appel du jugement du 10 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre leurs circulaires et instructions de portée générale ".
3. Aux termes de l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Conformément aux dispositions de l'article
L. 2331-1 du code de la défense, les matériels de guerre, armes, munitions et éléments désignés par le présent titre sont classés dans les catégories suivantes : / 1° Catégorie A : matériels de guerre et armes interdits à l'acquisition et à la détention, sous réserve des dispositions des articles L. 312-1 à L. 312-4-3 du présent code. / Cette catégorie comprend : / -A1 : les armes et éléments d'armes interdits à l'acquisition et à la détention ; / -A2 : les armes relevant des matériels de guerre, les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu, les matériels de protection contre les gaz de combat ; / 2° Catégorie B : armes soumises à autorisation pour l'acquisition et la détention ; / 3° Catégorie C : armes soumises à déclaration pour l'acquisition et la détention ; / 4° Catégorie D : armes soumises à enregistrement et armes et matériels dont l'acquisition et la détention sont libres. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les matériels de guerre, armes, munitions, éléments, accessoires et opérations industrielles compris dans chacune de ces catégories ainsi que les conditions de leur acquisition et de leur détention. (...) / En vue de préserver la sécurité et l'ordre publics, le classement prévu aux 1° à 4° est fondé sur la dangerosité des matériels de guerre et des armes.(...)". Aux termes de l'article R. 311-2 du même code : " III. Armes de catégorie C : /Les armes soumises à déclaration pour l'acquisition et la détention, qui relèvent de la catégorie C, sont les suivantes : / (...) 4° Armes et lanceurs dont le projectile est propulsé de manière non pyrotechnique avec une énergie à la bouche supérieure ou égale à 20 joules ; / 5° Armes ou type d'armes présentant des caractéristiques équivalentes qui, pour des raisons tenant à leur dangerosité, à l'ordre public ou à la sécurité nationale sont classées dans cette catégorie par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et des ministres chargés des douanes et de l'industrie (...) ". Aux termes de l'article
R. 311-3 dudit code : " Les mesures de classement des armes dans les catégories définies à l'article R. 311-2, autres que celles prévues par arrêtés interministériels, sont prises par le ministre de l'intérieur, à l'exclusion de celles des matériels de guerre de la catégorie A2, prises par le ministre de la défense (...) ".
4. Le classement des armes en catégorie A, B, C ou D a pour effet de soumettre leur acquisition et leur détention à un régime d'interdiction de principe, d'autorisation, de déclaration ou de liberté, respectivement. Les décisions ministérielles de classement de types d'arme en fonction de leur dangerosité -y compris s'il s'agit de décisions de refus- ne se réduisent pas à intégrer -ou pas- un type d'arme dans une réglementation, catégorie ou sous-catégorie préexistante, mais participent à la définition même du champ d'application de la loi. Dans ces conditions, les décisions relatives au classement des armes en application de l'article L. 311-2 code de la sécurité intérieure revêtent un effet juridique général, à l'égard de l'ensemble des personnes susceptibles d'acquérir ou de détenir l'arme. Il s'agit, en conséquence, d'actes à caractère règlementaire.
5. La demande présentée par la FNSPA devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision du 12 avril 2018 du ministre de l'intérieur portant rejet de sa demande de classement des arbalètes de pêche sous-marine en catégorie C au titre de la législation sur les armes relevait ainsi, en vertu des dispositions précitées, de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort. Il y a lieu, par suite, en l'absence d'irrecevabilité manifeste de la demande de la FNSPA, d'une part, d'annuler le jugement du 10 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris s'est implicitement reconnu compétent pour connaître de cette demande et, d'autre part, de la renvoyer au Conseil d'Etat.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1809650/3-1 du 10 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Le dossier de la requête de la Fédération nautique de pêche sportive en apnée est transmis au Conseil d'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération nautique de pêche sportive en apnée et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. B..., premier vice-président,
M. Bernier, président assesseur,
Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.
Le rapporteur,
M-D. A...Le président,
M. B...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 20PA00513