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15/02/2021 | FRANCE | N°19PA04134

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 février 2021, 19PA04134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Mutuelle générale des cheminots venant aux droits du Centre de gestion mutualiste partagé (CGMP) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 31 octobre 2018 en tant que la ministre du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de Mme C... B....

Par jugement n° 1822083/3-2 du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 et

23 décembre 2019 et 21 juillet et

15 octobre 2020, la Mutuelle générale des cheminots vena...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Mutuelle générale des cheminots venant aux droits du Centre de gestion mutualiste partagé (CGMP) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 31 octobre 2018 en tant que la ministre du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de Mme C... B....

Par jugement n° 1822083/3-2 du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 et 23 décembre 2019 et 21 juillet et

15 octobre 2020, la Mutuelle générale des cheminots venant aux droits du Centre de gestion mutualiste partagé, représentée par la SELARL Enor avocats, demande dans le dernier état de ses écritures à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1822083/3-2 du 23 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 31 octobre 2018 en tant que la ministre du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de Mme C... B... ;

3°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision n'était pas entachée d'un vice de procédure alors que la ministre n'a réalisé aucune enquête contradictoire alors qu'elle avait l'obligation d'en faire une dès lors que l'enquête de l'inspecteur du travail était irrégulière ; ainsi, Mme B... n'a pas été assistée par un représentant de son syndicat, et le document du 1er mars 2006 qui aurait été signé par le directeur général ne lui a pas été communiqué ce qui est contraire au principe du contradictoire, l'enquête de l'inspecteur du travail ayant été menée uniquement à décharge ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail dès lors que, pour la vérification du respect du délai de 5 jours pour la convocation à l'entretien préalable, doit être prise en compte la date de première présentation au domicile du courrier ;

- les faits sont matériellement établis ;

- la sanction du licenciement est proportionnée aux faits ;

- il n'existe pas de lien entre la sanction et le mandat.

Par des mémoires en défense et des pièces, enregistrés les 24 février et 25 août 2020, Mme B... représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la Mutuelle générale des cheminots le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée au ministre du travail qui n'a pas produit d'observations en défense.

Par ordonnance du 21 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 octobre 2020 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- les observations de Me Doguet, avocat de la Mutuelle générale des cheminots,

- et les observations de Me D..., avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée le 23 octobre 2000 par la Mutuelle générale des cheminots en qualité de gestionnaire de dossiers adhérents puis a été mutée en avril 2016 au poste d'animateur du service gestion des contrats classification T2 au sein du centre de gestion mutualiste partagée jusqu'à sa dissolution et elle a ensuite été réintégrée dans les effectifs de la Mutuelle générale des cheminots en qualité d'animateur de gestion. Elle détient un mandat de déléguée du personnel titulaire depuis le 18 septembre 2014 prorogé jusqu'au 30 juin 2019. Par courrier du 25 janvier 2018, son employeur a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de la licencier pour motif disciplinaire. Par une décision du 5 mars 2018, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. Saisie par courrier du 26 mars 2018, reçu le 27 mars par la Mutuelle générale des cheminots d'un recours hiérarchique, la ministre du travail a, après avoir d'abord rejeté implicitement ce recours le 28 juillet 2018, retiré cette décision implicite par une décision du

31 octobre 2018, annulé la décision de l'inspecteur du travail précitée et refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressée. La Mutuelle générale des cheminots relève appel du jugement du

23 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 octobre 2018 en tant que la ministre du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de Mme B....

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, d'un part, en vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire. En revanche, aucune règle ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du même code, de procéder lui-même à cette enquête contradictoire.

3. La Mutuelle générale des cheminots soutient que la décision du 31 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de

Mme B... est entachée d'un vice de procédure dès lors que la ministre n'a pas procédé à une enquête contradictoire nonobstant les irrégularités qui affecteraient, selon elle, l'enquête diligentée par l'inspecteur du travail. Elle fait valoir que la décision de l'inspecteur du travail se réfère à " un document en date du 1er mars 2006 " qui est une réponse au comité d'entreprise et qui est " un engagement unilatéral de l'employeur ", document qui serait signé du directeur général dont elle n'a jamais eu connaissance et qu'elle n'a ainsi pas pu en étudier le contenu ni y répondre. Toutefois, s'il appartient au ministre du travail de mettre en oeuvre une procédure contradictoire notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels il entend fonder sa décision lorsque l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire et que le ministre a annulé sa décision, en l'espèce, dans la décision contestée du 31 octobre 2018, la ministre du travail ne s'est fondée, ni explicitement, ni implicitement, sur un document du 1er mars 2006 non communiqué à l'employeur.

4. D'autre part, si la Mutuelle générale des cheminots soutient que la décision contestée du 31 octobre 2018 serait entachée d'un vice de procédure dès lors que Mme B... n'a pas été assistée par un représentant de son syndicat, cette circonstance ne saurait entacher d'irrégularité la décision du ministre du travail ayant refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de Mme B.... Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision du

21 novembre 2018 de la ministre du travail n'est donc pas fondé.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. /La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ". Il résulte de ces dispositions que le délai minimal de cinq jours entre la convocation à l'entretien préalable au licenciement et la tenue de cet entretien constitue une formalité substantielle, dont la méconnaissance vicie la procédure de licenciement.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le pli envoyé en recommandé avec accusé de réception qui contenait la convocation à l'entretien préalable au licenciement qui s'est déroulé le jeudi 18 janvier 2018 a été présenté le jeudi 11 janvier 2018 au domicile de Mme B.... En l'absence de cette dernière, un avis de mise en instance lui a été délivré et le pli lui a ensuite été distribué le vendredi 12 janvier 2018 lorsqu'elle est allée le retirer auprès des services postaux munie de cet avis. Ledit avis ne comportant, par principe, aucune mention de l'identité de l'expéditeur ni a fortiori de l'objet du courrier, sa délivrance le 11 janvier 2018 par le préposé du service postal ne saurait dès lors être regardée comme ayant permis à l'intéressée de commencer à préparer sa défense. Ainsi, pour apprécier si le délai minimal de cinq jours fixé à l'article L. 1232-2 du code du travail a été respecté, doit être pris pour point de départ, non pas la date à laquelle le pli a été présenté au domicile de Mme B..., mais la date à laquelle le courrier lui a été effectivement remis par les services postaux, dès lors que l'intéressée est venue le retirer pendant le délai de mise en instance. Le décompte du délai de 5 jours ouvrables ayant ainsi commencé le lendemain du jour de remise effective, soit le samedi 13 janvier 2018, Mme B... a disposé seulement de 4 jours entre la notification de la convocation à l'entretien préalable et la tenue de cet entretien qui a eu lieu le jeudi 18 janvier 2018.

7. D'autre part, si la Mutuelle générale des cheminots fait valoir que Mme B... avait été informée oralement dès le 10 janvier 2018 de sa convocation à l'entretien préalable, une telle convocation orale par l'employeur ne peut, en elle-même, valablement déclencher le délai fixé par l'article L. 1232-2 du code du travail dès lors qu'elle ne peut pas garantir la délivrance des informations prévues par cet article, qui constituent des garanties substantielles.

8. Il résulte de ce qui précède que le délai de cinq jours ouvrables prévu par les dispositions précitées de l'article L. 1232-2 du code du travail, qui est une formalité substantielle, n'a pas été respecté. Ce vice entache dès lors d'irrégularité la procédure préalable au licenciement. En conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé des moyens de légalité interne de la requête de la Mutuelle générale des cheminots, c'est à bon droit que la ministre chargée du travail a, pour ce seul motif, refusé d'autoriser le licenciement de Mme B... par la décision du 31 octobre 2018.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la Mutuelle générale des cheminots n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par jugement n°1822083/3-2 du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la Mutuelle générale des cheminots la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Mutuelle générale des cheminots par application des mêmes dispositions, à verser à Mme B... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Mutuelle générale des cheminots est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la ministre du travail et à la Mutuelle générale des cheminots.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.

La présidente de la 8ème chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA04134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04134
Date de la décision : 15/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CABINET AWEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-15;19pa04134 ?
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