La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2021 | FRANCE | N°19PA00583

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 12 février 2021, 19PA00583


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 février 2016 par laquelle la commune de Pontault-Combault a refusé de poursuivre la procédure de cession d'une partie du trottoir située au droit de leur propriété bâtie cadastrée AH 373, ensemble la décision du 18 juin 2016 rejetant leur recours gracieux formé le 20 avril 2016 et d'annuler la décision par laquelle la commune de Pontault-Combault a implicitement rejeté leur demande formulée le 20 avril 2016 tend

ant à la délivrance d'un arrêté d'alignement individuel de leur propriété par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 février 2016 par laquelle la commune de Pontault-Combault a refusé de poursuivre la procédure de cession d'une partie du trottoir située au droit de leur propriété bâtie cadastrée AH 373, ensemble la décision du 18 juin 2016 rejetant leur recours gracieux formé le 20 avril 2016 et d'annuler la décision par laquelle la commune de Pontault-Combault a implicitement rejeté leur demande formulée le 20 avril 2016 tendant à la délivrance d'un arrêté d'alignement individuel de leur propriété par rapport à la voirie publique.

Par un jugement n° 1607080 du 30 novembre 2018, le tribunal administratif de Melun a prononcé un non- lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision par laquelle la commune de Pontault-Combault a implicitement rejeté leur demande tendant à la délivrance d'un arrêté d'alignement individuel de leur propriété par rapport à la voirie publique et sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune d'adopter ledit arrêté et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 31 janvier 2019, 16 juin 2020 et 14 octobre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 novembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision en date du 17 février 2016 par laquelle la commune de Pontault-Combault a refusé de valider le projet et de poursuivre la procédure de cession d'une partie du trottoir située au droit de leur propriété bâtie cadastrée AH 373 ainsi que la décision du 18 juin 2016 rejetant leur recours gracieux formé le 20 avril 2016 ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, à la commune de Pontault-Combault de procéder à la cession d'une partie trottoir situé au droit de leur propriété, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, à la commune de Pontault-Combault de procéder à un nouvel examen de leur demande dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Pontault-Combault une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est recevable dès lors que des moyens ont été soulevés contre le jugement ;

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'est pas suffisamment motivé et qu'il n'a pas répondu au problème de sécurité invoqué en première instance ;

- les décisions, qui devaient être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'elles ont retiré ou abrogé des décisions créatrices de droits, sont insuffisamment motivées ;

- ils n'ont pas pu faire valoir leurs observations préalables, contrairement à ce que prévoit l'article L. 122-1 du même code ;

- ils ont été privés de leur droit de faire inscrire une délibération à l'ordre du jour du conseil municipal ;

- les décisions sont entachées d'erreur de droit dès lors qu'elles ont retiré ou abrogé des décisions créatrices de droits plus de quatre mois après leur édiction, en contravention aux dispositions de l'article L. 242-1 du même code ;

- elles sont grevées d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation en ce que la demande de cession du morceau de trottoir a été faite pour un motif d'intérêt général, la sécurité des passants et de la circulation automobile, et non pour régler un conflit de voisinage ;

- elles comportent une erreur de droit et une erreur de fait dès lors qu'il n'est pas établi que le terrain concerné soit la propriété de la commune.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 juin 2019, 23 septembre 2020 et 31 octobre 2020, la commune de Pontault-Combault, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle ne comporte pas de moyens dirigés contre le jugement attaqué ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été prononcée le 9 décembre 2020 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant M. et Mme A...,

- et les observations de Me E..., représentant la commune de Pontault-Combault.

1. M. et Mme A..., propriétaires d'une maison d'habitation située au 58, rue Lafayette à Pontault-Combault, ont demandé à la commune de leur céder une partie du trottoir jouxtant leur propriété et d'une surface de 18 m². Après divers échanges avec les services municipaux, l'adjoint au maire, chargé de l'urbanisme, les a informés, par un courrier du 17 février 2016, que l'exécutif de la commune n'avait pas souhaité soumettre le projet de cession au conseil municipal. M. et Mme A... ont formé un recours gracieux contre ce courrier le 20 avril 2016, qui a été rejeté par un courrier de la maire de la commune du 18 juin 2016. Ils ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 17 février 2016 et du 18 juin 2016 ainsi que la décision par laquelle la commune de Pontault-Combault a implicitement rejeté leur demande formulée le 20 avril 2016 tendant à la délivrance d'un arrêté d'alignement individuel de leur propriété par rapport à la voirie publique.

2. Par un jugement du 30 novembre 2018 le tribunal administratif de Melun a, d'une part, prononcé un non- lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision par laquelle la commune de Pontault-Combault a implicitement rejeté leur demande tendant à la délivrance d'un arrêté d'alignement individuel de leur propriété par rapport à la voirie publique et sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la commune d'adopter ledit arrêté et a, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions. Ils relèvent appel du jugement en ce qu'il a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des décisions du 17 février 2016 et du 18 juin 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense :

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Si les requérants soutiennent que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision contestée mentionnait à tort un différend de voisinage et non un souci de sécurité, il est constant que le jugement, en ce qu'il relève dans son considérant 8 que " quand bien même la cession envisagée n'aurait pas pour objet de régler des problèmes de voisinage, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du 5 février 2016, qui indique notamment que la ville souhaite garder la maîtrise de cette portion de trottoir qui appartient au domaine public et que la cession ne revêt pas un intérêt public, serait entachée d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation ", est ainsi suffisamment motivé, le caractère suffisant de la motivation d'une décision du juge administratif étant sans lien avec le bien-fondé de ses motifs.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... ont demandé à la commune, au début de l'année 2015, de leur céder une partie du trottoir bordant leur maison. Ils ont été reçus le 24 janvier 2015 par les services municipaux qui leur ont notamment expliqué les démarches à suivre et leur ont remis une note datée du 13 janvier 2015 intitulée " note à M. D... ". Ils ont donné leur accord sur cette note par un courrier du 29 janvier 2015. Le 5 février 2015, l'adjoint au maire en charge de l'urbanisme leur a indiqué que la commune n'était pas opposée à cette acquisition et que, dès avancement de la procédure exposée lors de leur rencontre et récapitulée par le courrier, le dossier pourrait être présenté au conseil municipal. Le 17 février 2016, l'adjoint au maire les a informés qu'après avoir étudié ce projet de cession, l'exécutif de la commune n'avait pas souhaité le soumettre au conseil municipal. M. et Mme A... ont formé un recours gracieux contre ce courrier le 20 avril 2016, qui a été rejeté par un courrier du maire de la commune du 18 juin 2016. M. et Mme A... soutiennent que les décisions du 17 février et du 18 juin 2016, abrogent et retirent illégalement des décisions créatrices de droit prises le 24 janvier et le 5 février 2015, en ce qu'elles ne sont pas motivées, en ce qu'elles ont été prises sans procédure contradictoire et en ce qu'elles ont été édictées en dehors du délai de quatre mois, en infraction aux dispositions respectives des articles L. 211-2, L. 122-1 et L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;(...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. ". Aux termes de l'article L. 242-1 du même code, qui a codifié sur ce point l'état du droit jurisprudentiel antérieur : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ".

7. D'une part, s'agissant de la rencontre du 24 février 2015, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'une décision verbale aurait été prise à cette occasion. Quand bien même la note du 13 janvier 2015 leur a été remise à cette occasion, et à laquelle ils ont donné leur accord le 29 janvier suivant, cette note se borne à rappeler la procédure à suivre et à préciser qu'il faudra " bien étudier la situation avec le voisinage et les problématiques qui peuvent être rencontrées par rapport aux différentes sorties de garage et à la dimension du trottoir conforme au passage des poussettes et des personnes à mobilité réduite. ". Elle ne saurait ainsi valoir décision ni, en tout état de cause, validation du projet de cession ou engagement à mener à terme la procédure de cession.

8. D'autre part, le courrier du 5 février 2015 qui se borne à relever que la commune n'est " pas opposée " à la vente et à rappeler les différentes étapes de la procédure, ne saurait davantage être interprété comme une décision créant des droits au bénéfice des époux A....

9. Enfin, et quand bien même les requérants ont entamé des démarches auprès d'entreprises et d'un géomètre-expert afin de procéder à des travaux et à l'arpentage du terrain, cette circonstance ne saurait être interprétée comme résultant d'une demande expresse de la commune, cette dernière s'étant bornée à leur conseiller d'effectuer cette démarche sans prendre en contrepartie aucune décision créatrice de droit.

10. M. et Mme A... ne pouvant utilement invoquer un droit à faire inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal le projet de cession de la parcelle concernée, ils ne sont pas fondés à soutenir qu'ont été méconnus les articles précités du code des relations entre le public et l'administration.

11. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que les décisions contestées sont entachées d'erreur de fait et d'erreur de qualification juridique des faits, en ce que la commune a, à tort, considéré que leur demande était motivée par des considérations de voisinage et non de sécurité, et que les problèmes de sécurité relevés sont d'intérêt général et justifiaient que la vente leur fût consentie.

12. La commune a fondé sa décision du 17 février 2016 sur sa volonté de garder la maitrise de cette portion de trottoir, pour des raisons liées à l'absence d'intérêt public de cette cession foncière, " les problèmes de voisinage invoqués " ne pouvant justifier par eux-mêmes une telle cession. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les époux A... aient expressément sollicité la cession des terrains pour des raisons de sécurité, la note du 13 janvier 2015 mentionnant que leur demande est présentée afin " d'augmenter leur surface de terrain et de favoriser le stationnement de leur véhicule ", et leur courrier du 29 janvier 2015, portant accord sur cette note, relevant que cette procédure permettra de " régler le problème de stationnement ". Par ailleurs, quand bien même des voitures stationneraient en infraction sur le trottoir, il n'est pas contesté que ces véhicules en sont enlevés par le service de la fourrière. Enfin, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de ce que la configuration de leur propriété ne leur permet pas de s'y garer sans créer un risque pour la sécurité de cette dernière. Dans ces conditions, le refus de procéder à la cession de la parcelle n'est entachée ni d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation.

13. En troisième lieu, à supposer même que, comme le soutiennent les requérants, la parcelle en litige n'appartiendrait pas à la commune, cette dernière était dès lors en tout état de cause tenue de refuser de procéder à la cession sollicitée.

14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. La commune de Pontault-Combault n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme A... en puissent invoquer le bénéfice. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme demandée par commune de Pontault-Combault sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Pontault-Combault présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A..., à M. A... et à la commune de Pontault-Combault.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. C..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 février 2021.

Le Président,

S. DIÉMERT

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

N° 19PA00583 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00583
Date de la décision : 12/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01 Domaine. Domaine public.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : GUEDJ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-12;19pa00583 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award