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11/02/2021 | FRANCE | N°20PA03188,20PA03662

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 février 2021, 20PA03188,20PA03662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 août 2020 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2013852 du 30 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 21 août 2020, enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de quinze jours et mis à la charge de l'État la so

mme de 800 euros au titre des frais d'instance.

Procédure devant la Cour :

I. Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 août 2020 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2013852 du 30 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 21 août 2020, enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de quinze jours et mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au titre des frais d'instance.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 novembre 2020 et le 16 novembre 2020 sous le n° 20PA03188, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2013852 du 30 septembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Le préfet de police soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;

- les moyens de première instance, tirés de l'incompétence du signataire de cet arrêté, de la méconnaissance des articles 4, 5, 15, 18, 19 et 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'erreur de droit et du défaut de base légale et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 17 de ce règlement ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État de la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté est entaché d'erreur de droit et de défaut de base quant à la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de la demande d'asile.

II. Par une requête enregistrée le 30 novembre 2020 sous le n° 20PA03662, le préfet de police demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2013852 du 30 septembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris.

Le préfet de police soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a fait droit au moyen tiré de l'insuffisance de motivation ;

- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés :

- les conditions pour que soit prononcé le sursis à exécution sont réunies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2021, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État de la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- l'arrêté contesté étant insuffisamment motivé, c'est à bon droit que le tribunal l'a annulé ;

- cet arrêté et entaché d'erreur de droit et de défaut de base quant à la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ;

- les conditions du sursis à exécution ne sont ainsi pas remplies.

Par des décisions du 22 décembre 2020 et du 10 février 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de judiciaire de Paris a admis M. B... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement n° 343/2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 9 juillet 2020. La consultation du système " Eurodac " a permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités hongroises le 15 mai 2016 et par les autorités allemandes le 19 juillet 2016. Le préfet de police a saisi les autorités allemandes le 10 juillet 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, laquelle a été explicitement acceptée le 15 juillet 2020. Le préfet de police a alors décidé, par un arrêté du 21 août 2020, de remettre M. B... aux autorités allemandes. Le préfet de police fait appel du jugement du 30 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de quinze jours et a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au titre des frais d'instance.

2. Les requêtes n° 20PA03188 et n° 20PA03662 présentées par le préfet de police tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

3. Selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'État, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre État membre, elle peut être transférée vers cet État, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre État membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet État, doit être regardé comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'État en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

4. En l'espèce, l'arrêté contesté vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M. B... a demandé l'asile en France le 9 juillet 2020 et que ses empreintes, comparées aux bases de données européennes, ont révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Allemagne le 19 juillet 2016. Cet arrêté mentionne également que les autorités allemandes ont été saisies le 10 juillet 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'elles ont accepté leur responsabilité par un accord du 15 juillet 2020 en application de l'article 18-1-d de ce même règlement. Il indique enfin qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. B..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et enfin, qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'État responsable de sa demande d'asile. Si l'arrêté n'expose pas que M. B... a été signalé en tant que demandeur d'asile auprès des autorités hongroises, qui ont décliné leur responsabilité, et les raisons pour lesquelles le préfet de police a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge et décidé la remise de l'intéressé aux autorités allemandes et non aux autorités hongroises, ni les motifs pour lesquelles la Bulgarie, pays d'entrée du requérant sur le territoire européen, n'a pas été désignée, sa motivation a été suffisante pour permettre à M. B... de contester utilement, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, le bien-fondé de l'État saisi et celui du critère retenus par le préfet de police. Dans ces conditions, l'arrêté satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il permet d'identifier le critère de responsabilité dont il est fait application. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 21 août 2020 pour insuffisance de motivation.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant la Cour et le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

6. En premier lieu, par un arrêté du 16 juin 2020, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 23 juin 2020, le préfet de police a donné à Mme D... A..., attachée principale d'administration de l'État au 12ème bureau à la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer les décisions en matière de police des étrangers en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de cet arrêté. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque ainsi en fait.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté litigieux que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation du requérant. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre contre signature, le 9 juillet 2020 le guide du demandeur d'asile ainsi qu'un document intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et un document intitulé " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B). Il n'est pas contesté que ces documents, délivrés en langue pachto que comprend le requérant, comportent l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions mentionnées au point 8, l'intéressé ayant par ailleurs déclaré lors de son entretien individuel avoir compris la procédure engagée à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...). 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un entretien individuel le 9 juillet 2020 dans les locaux de la préfecture de police, réalisé en langue pachto, au cours duquel il a eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'État responsable. L'intéressé ne fait état d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions mentionnées au point 10, notamment au regard des garanties de confidentialité. Si le résumé de l'entretien individuel, dont l'intéressé a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de M. B... a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors qu'elle n'a pas privé M. B... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles et, en l'espèce, n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013 ". Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

13. Il ressort des pièces du dossier que les autorités allemandes ont été saisies d'une demande de reprise en charge de M. B... ainsi qu'en atteste un accusé de réception électronique daté du 10 juillet 2020 délivré par l'application informatique " DubliNet ". Ce document mentionne en son intitulé la même référence FRDUB29930385963-750 que celle figurant sur le document émis par les autorités allemandes le 15 juillet 2020 par lequel elles reconnaissent explicitement leur responsabilité. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le délai de saisine prévu à l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'aurait pas été respecté doit être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable (...) 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend ".

15. Il ressort de l'examen de l'arrêté contesté que celui-ci a été notifié le 21 août 2020 à la suite d'un entretien réalisé en langue pachto avec l'assistance d'un interprète dont l'identité est mentionnée. M. B... n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles, en dépit des mentions de l'arrêté en cause, les principaux éléments de la décision ne lui auraient pas été communiqués, aucune disposition ni aucun principe n'imposant par ailleurs de mentionner l'identité de l'agent qui a procédé à la notification ou de faire signer cette notification par l'interprète. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la méconnaissance de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

16. En septième lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le chapitre III de ce règlement est intitulé " Critères de détermination de l'État responsable " et contient notamment l'article 13, selon lequel " lorsqu'il est établi (...) que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 18 du règlement, intégré dans le chapitre V, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable " : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) "..

17. Outre termes de l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'État mentionné au point 3, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt n° C-582/217 et C-583/17 du 2 avril 2019, au point 52, que les b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ne trouvent à s'appliquer que si l'État membre dans lequel une demande a été antérieurement introduite a achevé la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile en admettant sa responsabilité pour examiner cette demande et en a débuté l'examen, au point 58, que la procédure de reprise en charge est régie par des dispositions présentant des différences substantielles avec celles gouvernant la procédure de prise en charge et, aux points 65 à 72, que malgré le libellé " Obligations de l'État membre responsable " du chapitre V, l'interprétation selon laquelle une requête aux fins de reprise en charge ne pourrait être formulée que si l'État membre requis peut être désigné comme l'État responsable en application des critères de responsabilité énoncés au chapitre III du règlement est contredite par l'économie générale de ce règlement.

18. Il ressort de ces jurisprudences que les critères du chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont susceptibles de fonder une décision de transfert que s'il s'agit d'un transfert en vue d'une première prise en charge, et non en vue d'une reprise en charge. Il en ressort également que les dispositions de l'article 18-1, b) à d) de ce règlement doivent être regardées comme figurant au nombre des critères énumérés dans le règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté des demandes d'asile auprès d'un ou de plusieurs États membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre État membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet État de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b), c) ou d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, sa situation ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement, qui concernent le cas dans lequel aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement.

19. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les recherches effectuées par les services du ministère de l'intérieur dans le fichier " Eurodac " à partir des relevés décadactylaires de M. B..., comme le compte-rendu de l'entretien individuel de l'intéressé, qui a alors indiqué avoir traversé l'Iran, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la République tchèque et l'Allemagne, ont permis d'établir qu'il avait présenté, le 15 mai 2016, une demande d'asile aux autorités hongroises, puis, le 19 juillet 2016, une demande d'asile aux autorités allemandes, qui ont explicitement accepté, le 15 juillet 2020, de reprendre en charge M. B... sur le fondement de l'article 18-1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, mettant ainsi fin au processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile. Par suite, en vertu de la règle ci-dessus énoncée, la situation de M. B... ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 en application desquelles, lorsqu'aucun aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de cette demande, ni de celles de l'article de l'article 13 du même règlement. Il s'ensuit que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en désignant l'Allemagne comme État responsable de sa demande d'asile, le préfet de police aurait fait une application erronée des articles 3 et 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ni que la décision prononçant son transfert aux autorités allemandes serait dépourvue de base légale.

20. En huitième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Par ailleurs, selon l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

21. M. B... soutient qu'il sera renvoyé en Afghanistan en cas de transfert vers l'Allemagne, dès lors que les autorités de ce pays ont définitivement rejeté sa demande d'asile, qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine et que les autorités françaises octroient le bénéfice de la protection subsidiaire aux demandeurs d'asile afghans. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et non dans son pays d'origine. Par ailleurs, l'Allemagne, État membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas plus des pièces du dossier que les autorités allemandes, alors même que la demande d'asile de M. B... aurait été rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en prononçant son transfert aux autorités allemandes, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De même, M. B..., qui ne justifie pas d'une circonstance humanitaire, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

22. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 août 2020, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de quinze jours et a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au titre des frais d'instance. Les articles 2 à 4 de ce jugement doivent dès lors être annulés et la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Paris doit être rejetée.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

23. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du 30 septembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA03662 par laquelle le préfet de police sollicite de la Cour le sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au conseil de M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA03662.

Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2013852 du 30 septembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. E..., président de la formation de jugement,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le président-rapporteur,

F. E...L'assesseur le plus ancien,

I. MARION

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03188 - 20PA03662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03188,20PA03662
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-11;20pa03188.20pa03662 ?
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