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11/02/2021 | FRANCE | N°20PA01776

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 février 2021, 20PA01776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2005824 du 17 juin 2020, le magistrat désigné par

le président du tribunal administratif de Paris, auquel le dossier a été transmis par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2005824 du 17 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris, auquel le dossier a été transmis par une ordonnance du 12 mars 2020 du premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2005824 du 17 juin 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. C... soutient que :

- le premier juge a méconnu l'article L. 9 du code de justice administrative et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en écartant les pièces qu'il avait produites et en s'estimant lié par la décision de l'OFPRA rejetant sa demande d'asile ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est ni motivée ni justifiée et est illégale par voie de conséquence ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision du 12 janvier 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. C... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole relatif au statut des réfugiés, signé à New-York le 31 janvier 1967.

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant bangladais, a fait l'objet d'un arrêté du 14 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Il fait appel du jugement du 17 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. D'une part, l'appréciation portée par le premier juge sur la valeur probante des pièces produites par M. C... relève du bien-fondé du jugement attaqué et est ainsi sans incidence sur la régularité de sa motivation. D'autre part, contrairement à ce que soutient M. C..., il ressort des termes mêmes du point 4 de ce jugement que le premier juge n'a pas rejeté la demande en s'estimant lié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 16 juillet 2014, en méconnaissance de l'étendue de sa compétence juridictionnelle. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative et, en tout état de cause, de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent ainsi être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la motivation des décisions contestées :

4. D'une part, l'arrêté contesté comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit qui fondent l'obligation de quitter le territoire français, le refus d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit ainsi être écarté.

5. D'autre part, l'arrêté contesté vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. C... séjourne en France en situation irrégulière depuis 2017, ne justifie pas de l'ancienneté de liens personnels et familiaux en France et s'est soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'étant pas tenu de se prononcer sur chacun des critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais seulement sur ceux qu'il entendait retenir, la décision prononçant une interdiction de retour pour une durée d'un an est ainsi suffisamment motivée.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. L'obligation de quitter le territoire français n'ayant pas pour objet de fixer un pays de destination, M. C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions mentionnées au point 6. En tout état de cause, si le requérant soutient qu'il craint pour sa sécurité en cas de renvoi dans son pays d'origine compte tenu de son engagement dans le parti nationaliste du Bangladesh (BNP), son père ayant été assassiné en raison du même engagement, qu'il a fait l'objet pour ce motif d'agressions et son épouse d'une tentative d'enlèvement et de viol, ainsi que de condamnations pour des faits qu'il n'a pas commis à des peines d'emprisonnement de quatorze et trente ans, il n'a produit devant la Cour, pas plus qu'en première instance, d'éléments tendant à établir la réalité des persécutions personnelles dont il se prévaut, alors que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 16 juillet 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 18 janvier 2015. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés, ainsi que ceux tiré de la méconnaissance de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole relatif au statut des réfugiés, signé à New-York le 31 janvier 1967.

8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Si M. C... fait valoir qu'il est entré en France le 20 juin 2013, il s'est maintenu en France en situation irrégulière, en dépit du rejet de sa demande d'asile par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 18 janvier 2015 et d'une précédente obligation de quitter le territoire français du 17 mars 2017 prononcée par le préfet de police. S'il soutient qu'il est marié et père d'un enfant né en France le 9 septembre 2013 et scolarisé, à supposer même que son épouse et son enfant soient en situation régulière sur le territoire, il est constant que le requérant est séparé de son épouse depuis février 2019 et il ne justifie pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de son enfant. M. C... n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à justifier d'une intégration dans la société française, en se bornant à alléguer qu'il travaille et qu'il dispose d'amis d'enfance bangladais ayant obtenu le statut de réfugié. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. C..., le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de la décision fixant le pays de destination :

10. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

12. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. C... ne justifie pas de circonstances humanitaires de nature à faire obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. En outre, si l'intéressé ne constitue pas une menace pour l'ordre public, compte tenu des motifs précédemment exposés, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur d'appréciation. Enfin, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français serait illégale et que son signalement aux fins de non-admission dans le fichier Schengen devrait être supprimé.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

13. Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précède, M. C... n'est pas fondé à soutenir que chacune des décisions contenues dans l'arrêté attaqué serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, doit dès lors être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. D..., président de la formation de jugement,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le président-rapporteur,

F. D...L'assesseur le plus ancien,

I. MARION

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01776
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SELARL IVAN NASIO AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-11;20pa01776 ?
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