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11/02/2021 | FRANCE | N°20PA01460

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 février 2021, 20PA01460


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 juin 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 1914790/2-1 du 6 avril 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistr

ée le 15 juin 2020 et un mémoire complémentaire enregistré le 9 janvier 2021, Mme A... D... C......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 juin 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 1914790/2-1 du 6 avril 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 juin 2020 et un mémoire complémentaire enregistré le 9 janvier 2021, Mme A... D... C... E..., représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1914790 du 6 avril 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du préfet de police du 14 juin 2019 ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer en cette attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement n'a pas répondu au moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire :

- le préfet de police s'est estimé en situation de compétence liée par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est revêtu de signatures illisibles ne permettant pas d'en identifier les auteurs ;

- le traitement qu'elle suit n'est pas disponible au Brésil ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination :

- elles sont fondées sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;

- elles méconnaissent les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la même convention.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me F..., avocat de Mme A... D... C... E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... E..., ressortissante brésilienne, titulaire d'une carte de séjour temporaire, en a demandé le renouvellement. Par un arrêté du 14 juin 2019, le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... E... relève appel du jugement du 6 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Si Mme C... E... soutient que le jugement a omis de répondre au moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il ressort des pièces du dossier que ce moyen a été soulevé dans un mémoire enregistré le 14 novembre 2019, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 16 septembre 2019 par une ordonnance du 28 août 2019.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

4. Si la requérante soutient que les signatures des médecins ayant siégé au sein du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne sont pas lisibles, il est constant cependant que cet avis mentionne de façon lisible les noms de ces trois médecins et qu'ils peuvent ainsi être identifiés.

5. Il ne ressort pas des mentions de la décision attaquée que le préfet s'est estimé lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

6. Si Mme C... E... fait valoir que, postérieurement à l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il lui est désormais prescrit du Julucla en lieu et place de l'Atripla, et que ce nouveau médicament n'est pas disponible au Brésil, il ressort des pièces du dossier que cette modification dans sa prise en charge a été décidée, ainsi qu'en attestent le compte-rendu médical et l'ordonnance du même jour, le 26 juin 2019, soit postérieurement à la décision en litige. De même, si elle fait valoir, attestation du docteur Savannes à l'appui, qu'elle est suivie depuis 2018 et que son traitement est composé de Lamotrigine, Paroxétine et Imovanes, les ordonnances prescrivant ces médicaments sont également postérieures à la décision attaquée. Il est loisible à la requérante, si elle s'y croit fondée, de déposer une nouvelle demande de titre de séjour en faisant valoir ces circonstances nouvelles. Il ne ressort pas par ailleurs des pièces du dossier qu'en cas de retour au Brésil, elle n'aurait pas financièrement accès au traitement approprié à sa pathologie.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination :

7. Pour les motifs exposés ci-dessus, la décision de refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué au soutien des conclusions en annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, doit être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; ". Pour les motifs rappelés au point 6, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas méconnu les dispositions précitées.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Si Mme C... E... fait valoir que ses attaches familiales se trouvent désormais en France, dès lors que ses parents sont décédés et qu'y vit son fils et un de ses petits-enfants né en 2016 et avec qui elle entretient des liens de grande proximité, il ressort cependant des pièces du dossier qu'elle n'a quitté le Brésil, où ses parents sont décédés en 1994 et en 2011, qu'en 2015 à l'âge de 50 ans et qu'y vivent toujours ses frères et soeurs. Toutes les circonstances postérieures à la décision attaquée, telle que la nécessité de sa présence auprès de son fils qui a subi une agression ou la prise en charge de la pandémie au Brésil sont sans influence sur cette décision. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations précitées, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris son arrêté.

11. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont l'invocation n'est opérante qu'à l'encontre de la décision fixant le pays de destination : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Si Mme C... E... soutient que son retour au Brésil sera pour elle, compte tenu de l'impossibilité de s'y faire soigner, générateur de risques pour sa vie, il ressort de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus que ce risque n'est pas établi.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le président,

S. DIÉMERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01460
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : ABDOU-SALEYE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-11;20pa01460 ?
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