Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités suédoises, responsables de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1915417 du 21 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris, auquel le dossier a été transmis par une ordonnance du 9 juillet 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 novembre 2019 et le 15 juillet 2020, Mme C... A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1915417 du 21 août 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2019 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une attestation de demandeur d'asile, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme C... A... soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté est entaché d'un vice d'incompétence ;
- les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnus ;
- le préfet de police a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un courrier du 23 septembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de l'existence d'un non-lieu à statuer, dans la mesure où l'arrêté du 3 juillet 2019 n'est plus susceptible d'exécution.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Le préfet de police soutient que :
- il y a lieu de statuer, le délai de six mois durant lequel l'arrêté de transfert doit être exécuté ayant été porté à dix-huit mois en raison de l'état de fuite de l'intéressée ;
- les moyens invoqués par Mme C... A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 27 janvier 2000, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme C... A... à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante somalienne, est entrée irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au bureau de la direction de la police générale en charge des demandeurs d'asile le 17 avril 2019. La consultation du système " Eurodac " a permis d'établir que Mme C... A... avait sollicité l'asile auprès des autorités suédoises le 21 mars 2015 et des autorités allemandes le 15 mars 2019. Le préfet de police a saisi les autorités suédoises le 19 avril 2019 d'une demande de reprise en charge de l'intéressée, laquelle a été explicitement acceptée le 30 avril 2019. Le préfet de police a alors décidé, par l'arrêté contesté du 3 juillet 2019, de remettre Mme C... A... aux autorités suédoises. L'intéressée fait appel du jugement du 21 août 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort du dossier de première instance que Mme C... A... n'a présenté aucun moyen contestant que sa situation relevait des dispositions du b) du 1) de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé, faute pour le premier juge d'avoir indiqué les motifs justifiant que sa situation relevait de ces dispositions.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, par un arrêté du 17 avril 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 18 avril 2019, le préfet de police a donné à Mme E... B..., attachée principale d'administration de l'État au 12ème bureau à la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer les décisions en matière de police des étrangers en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de cet arrêté. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire dudit arrêté manque ainsi en fait.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...). 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... A... s'est vue remettre le 17 avril 2019 les brochures " A " et " B " et la brochure Eurodac, rédigées en somali, langue qu'elle a indiqué comprendre et dans laquelle elle a entendu être auditionnée, et dont les copies versées au dossier comportent sa signature. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les brochures " A " et " B " n'auraient pas été communiquées dans une langue comprise, en méconnaissance des dispositions citées au point 5, doit être écarté comme manquant en fait.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... A... a bénéficié d'un entretien individuel le 17 avril 2019, mené par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, assisté d'un interprète en langue somali. Si cet agent n'est pas identifié sur le compte-rendu d'entretien, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'entretien n'aurait pas été mené par une personne " qualifiée en vertu du droit national " conformément aux dispositions du 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ayant reçu la formation nécessaire et disposant des connaissances appropriées. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 7 doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Par ailleurs, selon l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
10. Mme C... A... soutient qu'elle risque d'être renvoyée en Somalie en cas de transfert vers la Suède et qu'elle encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, compte tenu de la situation sécuritaire qui y règne. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Suède et non dans son pays d'origine. Or, la Suède est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et Mme C... A... n'allègue même pas que sa demande d'asile ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile en Suède. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, doit ainsi être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. F..., président de la formation de jugement,
- Mme Marion, premier conseiller,
- M. Sibilli, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.
Le président-rapporteur,
F. F...L'assesseur le plus ancien,
I. MARION
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03823