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11/02/2021 | FRANCE | N°19PA02133

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 février 2021, 19PA02133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Délices d'Antalya a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, ou à titre subsidiaire, la réduction de la cotisation supplémentaire et de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre respectivement des exercices clos au 31 décembre des années 2013 et 2014, ainsi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2013 au 31 dé

cembre 2014, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1801290 du 2 mai 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Délices d'Antalya a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, ou à titre subsidiaire, la réduction de la cotisation supplémentaire et de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre respectivement des exercices clos au 31 décembre des années 2013 et 2014, ainsi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1801290 du 2 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 juillet 2019, 14 mars 2020, 6 juin 2020, 3 juillet 2020 et 3 décembre 2020, la société Délices d'Antalya, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801290 du 2 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, ou à titre subsidiaire, la réduction de la cotisation supplémentaire et de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre respectivement des exercices clos au 31 décembre des années 2013 et 2014, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, et des pénalités correspondantes, ou, à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'a pas été portée à sa connaissance ;

- le compte rendu de l'entrevue avec le supérieur hiérarchique a été signé par le vérificateur alors qu'il aurait dû être signé par l'inspecteur principal ;

- sa demande d'entretien avec l'interlocuteur départemental formulée le 26 décembre 2016 est restée sans suite, en méconnaissance de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, la privant ainsi des garanties substantielles en matière de recours hiérarchiques prévues par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

- la méthode de reconstitution des recettes est radicalement viciée ; les moyens matériels et humains dont elle dispose sont insuffisants pour lui permettre de réaliser les chiffres d'affaires reconstitués par le service vérificateur, dont les montants sont irréalistes ;

- le coefficient de 17,40 retenu pour déterminer le montant des ventes de liquides dans son chiffre d'affaires total est exagéré ; il ne tient pas compte de l'incidence des variations saisonnières sur la consommation des boissons fraîches et ne prend pas en compte les boissons vendues " seules ", ses employés ayant oublié de les recenser ;

- l'extrapolation sur une année d'exploitation a été faite à partir d'une période de dix-sept jours, qui n'est pas représentative de son activité ;

- les résultats de la reconstitution n'ont pas été corroborés par une autre méthode ;

- les méthodes alternatives de reconstitution fondées sur les achats de viandes et sur les achats de pains permettent de déterminer un montant de chiffre d'affaires correspondant davantage à son activité ;

- les pénalités appliquées ne sont pas fondées.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 octobre 2019, 26 juin 2020, 3 septembre 2020 et 18 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à hauteur de 213 341 euros et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Délices d'Antalya ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Délices d'Antalya.

Considérant ce qui suit :

1. La société Délices d'Antalya a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 24 mars au 16 juin 2016 portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Après avoir écarté sa comptabilité comme entachée de graves irrégularités, le service lui a notifié une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au 31 décembre de l'année 2013, et une cotisation primitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au 31 décembre de l'année 2014, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, l'ensemble assorti des intérêts de retard et de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré instituée par le a) de l'article 1729 du code général des impôts. L'ensemble de ces impositions a été mis en recouvrement le 31 janvier 2017. La société Délices d'Antalya fait appel du jugement du 2 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 6 juillet 2020 postérieure à l'introduction de la requête, l'administratrice générale des finances publiques a prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme totale de 213 341 euros. Les conclusions présentées par la requérante aux fins d'obtenir la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, et des pénalités correspondantes sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes, d'une part, du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Aux termes, d'autre part, de la page 4 de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié remise à la société requérante : " En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur divisionnaire ou principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur. Leur rôle est précisé plus loin (voir page 16). Vous pouvez les contacter pendant la vérification. " et de la page 23 de la même charte : " En cas de désaccord avec le vérificateur / Vous pouvez saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal / Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. / Vous pouvez faire appel à l'interlocuteur / Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (voir page 4) ".

4. En premier lieu, si la société prétend que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'aurait pas été portée à sa connaissance, il résulte de l'instruction que l'avis de vérification qui lui a été adressé le 23 février 2016 mentionnait que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié pouvait être consultée sous forme dématérialisée sur le site internet " www.impots.gouv.fr " ou être remise sur simple demande. Il est constant que la SARL Délices d'Antalya n'a pas formulée une telle demande. Dans ces conditions, la requérante n'a pas été privée de cette garantie.

5. En deuxième lieu, les dispositions susmentionnées de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'imposent pas au service, à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, de remettre au contribuable un compte-rendu écrit de son entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur retraçant ses divergences avec l'administration fiscale.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les représentants de la société Délices d'Antalya ont pu exposer, le 8 novembre 2016, au supérieur hiérarchique leur désaccord sur les rectifications notifiées à la société. Si la requérante soutient que le compte-rendu de cet entretien daté du 12 décembre 2016 aurait dû être signé par le supérieur hiérarchique du vérificateur et non par ce dernier, cette formalité, de même que la remise au contribuable d'un compte-rendu d'entretien, ne sont prévues par aucun texte. Cette seule circonstance n'est pas, en tout état de cause, de nature à entacher la procédure d'imposition d'irrégularité.

7. Enfin, la société Délices d'Antalya a adressé, le 26 décembre 2016, au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris, un courrier de contestation de la réponse du 12 décembre 2016 faisant suite à son entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur. Dans ce courrier, la société requérante a contesté à nouveau la reconstitution de ses recettes, opérée par l'administration, et sollicité " une révision (des) chiffres (de l'administration), si possible dans le cadre d'un autre recours hiérarchique, afin d'aplanir les difficultés qui persistent malgré les précisions déjà fournies ". Cette demande, dont les termes sont imprécis et ambigus, ne saurait être regardée comme tendant à ce que le différend opposant la société Délices d'Antalya à l'administration fiscale soit porté devant l'interlocuteur départemental. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition, faute pour l'administration d'avoir donné suite à une demande de saisine de l'interlocuteur départemental, doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

8. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement ".

9. Il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisations d'impôt sur les sociétés des deux exercices clos au 31 décembre des années 2013 et 2014 résultent de la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire à l'issue de laquelle la requérante s'est opposée à la proposition de rectification par des observations présentées à l'administration dans les délais prévus par l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, la charge de la preuve du caractère non exagéré des impositions incombe à l'administration.

10. Il résulte des mentions de la proposition de rectification du 14 juin 2016, qu'à l'issue des opérations de contrôle, le vérificateur a écarté la comptabilité présentée par la société Délices d'Antalya comme entachée de graves irrégularités et a procédé à la reconstitution de ses recettes en faisant application de la méthode dite des liquides. En l'absence de pièces justificatives des recettes des exercices vérifiés, le service a d'abord déterminé le montant du chiffre d'affaires des seules ventes de boissons. Le montant des achats de boissons revendus a été déterminé en fonction des prix de vente communiqués par la gérante de la société le 12 avril 2016, auxquels a été appliquée une réfaction de 3,96 % pour 2013 et de 2 % pour 2014 afin de tenir compte de l'évolution des prix, et de distinguer les boissons destinées aux formules, celles consommées à la carte, les bières, et de tenir compte de la consommation du personnel. A partir de l'échantillon de tickets clients présenté par la société pour la période de 17 jours s'étendant du 30 mars au 18 avril 2016, le vérificateur a calculé le rapport " Recettes totales TTC / Recettes boissons TTC " pour déterminer un coefficient de 17,40. Le service a ensuite calculé le montant des recettes totales en multipliant les recettes des boissons par le coefficient de 17,40. Sur les recettes totales, le service a, en dernier lieu, appliqué un abattement de 10 % pour tenir compte des pertes. Le chiffre d'affaires hors taxes ainsi reconstitué s'élevait initialement à 536 560 euros pour l'exercice 2013 et 637 957 euros pour l'exercice 2014. En cours d'instance, le service a admis d'appliquer un coefficient de 12,52 au lieu de celui de 17,40 initialement utilisé tout en maintenant l'abattement pour pertes de 10 % et en tenant compte d'un stock nul, ce qui a conduit à un chiffre d'affaires hors taxes de 377 932,22 euros pour l'exercice 2013 et 451 416,11 euros pour l'exercice 2014.

11. En premier lieu, la société Délices d'Antalya conteste la pertinence du coefficient de 12,52 correspondant au rapport " Recettes totales TTC / Recettes boissons TTC ", retenu par l'administration, qui, selon elle, ne tiendrait pas compte des variations saisonnières de consommation des boissons fraîches, dès lors que l'échantillon utilisé par le vérificateur couvre une période de seulement 17 jours comprise entre le 30 mars et le 18 avril 2016, ni des ventes de boissons vendues seules. Toutefois, d'une part, le service a tenu compte des ventes de boissons seules dans son évaluation des recettes réalisées, dès lors que, pour évaluer le rapport entre le chiffre d'affaires des boissons et le chiffre d'affaires total, il s'est fondé sur un échantillon de notes fourni par la société entre le 30 mars et le 18 avril 2016, dont il n'est pas soutenu qu'elles ne traduiraient pas fidèlement la composition des commandes effectuées par les clients, ni établi que les employés de la société auraient omis de recenser les boissons acquises isolément. Au surplus, l'époux de la représentante légale de l'établissement a relativisé, lors du débat oral et contradictoire, l'importance de la vente des boissons fraîches hors restauration du fait de la présence de supérettes dans le quartier proposant des boissons à des prix plus bas.

12. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification, que le vérificateur a exploité les tickets clients présentés par la société lors du contrôle, qui couvrent la période de dix-sept jours retenue par le service, seules pièces exploitables en l'absence de bande de caisse et de notes clients relatives à la période vérifiée. Si la société Délices d'Antalya soutient que cette période de dix-sept jours n'est pas suffisamment représentative de son activité, le coefficient initial de 17,40 a été réduit à 12,52 en cours d'instance pour tenir compte d'une autre période d'échantillonnage sur une période de quinze jours du 15 au 30 juillet 2016 proposée par la société. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que l'échantillon de notes finalement retenu par le service ne reflèterait pas les conditions réelles d'exploitation. A cet égard, la requérante n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles le coefficient " Recettes totales TTC / Recettes boissons TTC " à partir de l'échantillon sur la période du 15 au 30 juillet 2016, faisant apparaître un coefficient de 7,65, serait représentatif de son activité annuelle, alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, le service a procédé à une moyenne des deux périodes précitées.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 12 que la méthode de reconstitution retenue par le service, qui ne repose pas sur une extrapolation des recettes réalisées entre le 30 mars et le 18 avril 2016 aux exercices vérifiées, n'est pas radicalement viciée dans son principe ni excessivement sommaire, circonstance qui ne saurait résulter des seules allégations générales de la société Délices d'Antalya selon lesquelles ses moyens matériels et humains et la localisation de son restaurant dans une rue où sont exploités de nombreux autres établissements concurrents vendant les boissons à des prix inférieurs ne permettraient pas la réalisation du montant des recettes reconstituées. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration n'avait pas l'obligation de recouper les résultats obtenus par la méthode des boissons avec d'autres méthodes de reconstitution.

14. En deuxième lieu, d'une part, alors que le service a retenu un taux de perte, d'offerts et de consommation de 10 %, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été appliqué de manière erronée, la société Délices d'Antalya n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, compte tenu de ses conditions réelles d'exploitation, selon lesquelles ce taux devrait être porté à 15 %. D'autre part, la société reproche à l'administration de ne pas avoir appliqué un abattement supplémentaire de 10 % sur les achats revendus pour tenir compte des stocks de boissons alors que les boissons achetées au titre des exercices 2013 et 2014 n'ont pas toutes été revendues au cours des mêmes exercices. Toutefois, en se fondant sur les factures d'achat de boissons, l'administration n'a pas considéré que la société n'avait pas de stocks, mais simplement estimé que le niveau des stocks de boissons était resté constant pendant les deux exercices en cause. En l'absence de tout inventaire de stocks, c'est à bon droit que le vérificateur a estimé que les stocks étaient demeurés constants au cours des deux exercices vérifiés et refusé de pratiquer un abattement supplémentaire. Dans ces conditions, la société Délices d'Antalya n'est pas fondée à soutenir que les résultats de la reconstitution seraient exagérés, faute d'avoir retenu les taux d'abattement dont elle se prévaut.

15. En troisième lieu, si la société Délices d'Antalya se prévaut d'une méthode alternative de reconstitution fondée sur les achats de viande, elle ne fournit aucune précision permettant d'étayer les paramètres qu'elle a retenus, notamment en ce qui concerne les quantités de viande entrant dans la composition des plats, les prix appliqués et les pourcentages de pertes à constater, l'administration faisant valoir à cet égard que le prix moyen de 6 euros toutes taxes comprises proposé par la société requérante est celui des sandwichs kebab alors que les plats vendus à base de viande incluent également les assiettes dont le prix est supérieur et que la vente de sandwich kebab ne représente, selon ses propres déclarations, que 60 % de son chiffre d'affaires. La requérante propose également une méthode alternative de reconstitution fondée sur les achats de pains de la période du 15 au 30 juillet 2016. Toutefois, il n'est pas contesté que les pains qui ne servent pas pour les sandwiches et viennent en accompagnement des plats sont consommés aléatoirement et sont donc plus difficilement quantifiables et que les achats de pains en 2018 n'ont pas suivi l'augmentation des recettes, alors que l'évolution des achats de bouteilles est plus conforme à l'augmentation générale de l'activité de la société. Dans ces conditions, les méthodes alternatives proposées ne sauraient être regardées comme reflétant plus exactement l'activité de la société, pas plus d'ailleurs que celle consistant à extrapoler le chiffre d'affaires de la période d'échantillonnage à l'ensemble des années vérifiées.

16. Il résulte de ce qui précède que l'administration établit le bien-fondé de la reconstitution de recettes de la société Délices d'Antalya à laquelle elle a procédé, cette société n'apportant enfin aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles le changement du taux de taxe sur la valeur ajoutée intervenu en 2016 aurait un effet sur le montant des recettes reconstituées au titre des exercices en litige.

Sur les pénalités :

17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

18. En invoquant les graves irrégularités entachant la comptabilité de la société Délices d'Antalya, l'importance des omissions de recettes en 2013 et en 2014, en dépit du dégrèvement prononcé en cours d'instance, et le caractère répété de ces manquements, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'existence des manquements délibérés reprochés à la société, et justifie ainsi l'application des pénalités au taux de 40 % prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la société Délices d'Antalya n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et le surplus de ses conclusions en décharge doivent dès lors être rejetés.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre des frais que la société Délices d'Antalya a exposés, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Délices d'Antalya à concurrence des dégrèvements de cotisations d'impôt sur les sociétés et de rappels de taxe sur la valeur ajoutée prononcées à hauteur de 213 341 euros par l'administratrice générale des finances publiques.

Article 2 : L'État versera à la société Délices d'Antalya la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Délices d'Antalya est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Délices d'Antalya et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris, pôle contrôle fiscal et affaires juridiques.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le rapporteur,

I. A...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02133
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition de la personne morale distributrice.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : JESSLEN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-11;19pa02133 ?
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