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03/02/2021 | FRANCE | N°20PA01949

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 03 février 2021, 20PA01949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le cabinet E... Magellan Paley-Vincent a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations de taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations mises à sa charge au titre des années 2013 et 2014 pour un montant de 245 250 euros.

Par un jugement n° 1809626/1-2 du 23 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 juillet et 22 o

ctobre 2020, le cabinet E... Magellan Paley-Vincent, représenté par Me C... A..., demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le cabinet E... Magellan Paley-Vincent a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations de taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations mises à sa charge au titre des années 2013 et 2014 pour un montant de 245 250 euros.

Par un jugement n° 1809626/1-2 du 23 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 juillet et 22 octobre 2020, le cabinet E... Magellan Paley-Vincent, représenté par Me C... A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 23 juin 2020 ;

2°) de prononcer la décharge et la restitution, majorée des intérêts moratoires, des impositions litigieuses.

Il soutient que :

- les revenus de l'article 62 du code général des impôts ne sont pas des revenus assimilés à des traitements et salaires ;

- la doctrine administrative BOI-RSA-GER-20-20120912 confirme que la taxation selon le régime de l'article 62 du code général des impôts n'a pas pour effet de transformer les rémunérations correspondantes en traitements et salaires ;

- les travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 2013 renvoient expressément à la notion de traitements et salaires au sens du code général des impôts et à la législation sociale ;

- le texte applicable, contrairement au texte préalablement en vigueur, ne fait pas référence aux revenus visés à l'article 62 du code général des impôts ;

- ces revenus trouvent leur source dans l'activité libérale de M. E... ;

- le cabinet d'avocat n'a pas la personnalité morale et n'a pas la qualité d'employeur à l'égard de M. E..., qui est responsable du passif du cabinet et qui n'est pas rémunéré en tant que mandataire social ;

- les premiers juges ont soulevé un moyen qui n'est pas d'ordre public en retenant un lien entre la qualité de dirigeant et les rémunérations litigieuses ;

- la rémunération en cause est exclue par l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ;

- la doctrine administrative BOI RSA n° 1 prévoit que les revenus dont s'agit se caractérisent par un lien étroit avec le droit du travail et la législation sociale ;

- la doctrine administrative publiée au BOI-RSA-10-10-10 n° 50 exclut toute qualification de salarié au bénéficiaire d'un revenu qui participe aux pertes de l'entreprise ;

- la doctrine administrative publiée au BOI-TPS-THR-20140430 n° 110 et la réponse du ministre du travail, de l'emploi et de la solidarité à une question parlementaire publiée au Journal officiel du Sénat du 14 avril 2011 sont également invocables ;

- la doctrine est opposable même lorsqu'elle est contraire à la loi.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le cabinet E... Magellan Paley-Vincent ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., membre du Cabinet E... Magellan

Paley-Vincent.

Considérant ce qui suit :

1. Le cabinet d'avocats E... Magellan Paley-Vincent a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, par une proposition de rectification du 27 juillet 2016, des rappels en matière de taxe sur les hautes rémunérations pour les années 2013 et 2014, selon la procédure de taxation d'office, pour un montant total de

245 250 euros. Le cabinet E... Magellan Paley-Vincent relève appel du jugement

n° 1809626/1-2 du 23 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels.

2. Aux termes de l'article 15 de la loi du 29 décembre 2013 : " I. - Les entreprises individuelles, les personnes morales et les sociétés, groupements ou organismes non dotés de la personnalité morale qui exploitent une entreprise en France acquittent une taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations attribuées en 2013 et 2014. / II. - La taxe est assise sur la part des rémunérations individuelles qui excède un million d'euros. / A. - La rémunération individuelle s'entend de la somme des montants bruts suivants susceptibles d'être admis en déduction du résultat imposable, avant éventuelle application du second alinéa du 1° du 1 et du 5 bis de l'article 39 et des articles 154 et 210 sexies du code général des impôts : / a) Les traitements, salaires ou revenus assimilés ainsi que tous les avantages en argent ou en nature ; / b) Les jetons de présence mentionnés à l'article 117 bis du même code ; (...) III. - Le taux de la taxe est de 50 % ".

3. Aux termes de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l'article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié ou dans celles prévues à l'article 239 bis AA ou à l'article 239 bis AB ; / Aux gérants des sociétés en commandite par actions ; /Aux associés en nom des sociétés de personnes, aux membres des sociétés en participation et aux associés mentionnés aux 4° et 5° de l'article 8 lorsque ces sociétés ou exploitations ont opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux. / Le montant imposable des rémunérations visées au premier alinéa est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l'article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires ".

4. L'administration a constaté que le cabinet E... Magellan Paley-Vincent, association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle, imposée selon les règles prévues pour les sociétés en participation et ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, avait déduit de son résultat fiscal les rémunérations relatives à ses associés, comptabilisées au compte " 644000000 ", " rémunération du travail de l'exploitant ", et que les rémunérations versées à Me E..., associé majoritaire, avaient excédé, au titre de chacune des deux années en litige, la somme d'un million d'euros. Elle a soumis cette somme à la taxe prévue par l'article 15 de la loi du 29 décembre 2013. Le cabinet E... Magellan Paley-Vincent soutient qu'il n'était pas redevable de ladite taxe dès lors que la rémunération versée à

Me E..., qui ne peut être regardée comme constituant un revenu assimilé à un salaire, n'entre pas dans son champ.

5. Il résulte de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté que les sommes perçues par M. E... rémunèrent son activité libérale d'avocat associé et lui ont été versées à ce titre par le cabinet E... Magellan Paley-Vincent, qui n'est pas son employeur et avec lequel il n'a aucun lien de subordination, selon la clé de répartition prévue par les statuts, qui fait expressément dépendre la rémunération de l'avocat associé concerné de la facturation de son travail personnel, du chiffre d'affaires géré par l'associé au titre des dossiers dont il est responsable et du chiffre d'affaires réalisé avec les clients de l'associé en cause. Il ne résulte en outre pas de l'instruction que tout ou partie de ces sommes aient pour objet de rémunérer une activité de dirigeant exercée par M. E... au sein du cabinet. Ces sommes doivent par suite être regardées comme des honoraires perçus par M. E..., alors même qu'en raison de l'option exercée par le cabinet E... Magellan Paley-Vincent pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, elles ont été taxées selon le régime prévu par les dispositions précitées de l'article 62 du code général des impôts. La circonstance que les travaux parlementaires relatifs à l'article 15 de la loi du 29 décembre 2013 indiquent que l'objectif poursuivi par le législateur, lorsqu'il a instauré la taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations, a été de saisir la capacité contributive des entreprises révélée par leur capacité à verser des rémunérations très élevées à leurs salariés et dirigeants et qu'il a entendu retenir pour la taxe exceptionnelle ainsi créée l'assiette la plus large possible afin de tenir compte des nombreuses modalités de rémunérations des dirigeants ne saurait en conséquence être utilement invoquée par le ministre pour justifier la prise en compte des rémunérations en cause dans l'assiette de la taxe. Par suite, alors même que l'intéressé ne perçoit pas ces sommes directement de la part de ses clients et que le cabinet les comptabilise en charges au compte 644 " rémunération du travail de l'exploitant ", les rémunérations litigieuses ne sauraient être regardées comme assimilées à des traitements et salaires au sens de l'article 15 de la loi du 29 décembre 2013.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que le cabinet requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a en conséquence lieu de prononcer la décharge des cotisations de taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations mises à sa charge au titre des années 2013 et 2014 pour un montant de 245 250 euros. En l'absence de litige né et actuel sur ce point, les conclusions en restitution des sommes versées majorées des intérêts moratoires sont prématurées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1809626/1-2 du 23 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le cabinet E... Magellan Paley-Vincent est déchargé des cotisations de taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations mises à sa charge au titre des années 2013 et 2014 pour un montant de 245 520 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au cabinet E... Magellan Paley-Vincent et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal

d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. D..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2021.

Le rapporteur,

F. D...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 20PA01949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01949
Date de la décision : 03/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET MENU SEMERIA BROC

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-03;20pa01949 ?
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