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28/01/2021 | FRANCE | N°19PA03043

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 28 janvier 2021, 19PA03043


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 décembre 2017, la ministre d

u travail a reconnues représentatives " dans le champ couvert par l'ensemble des conventions collectives de la métallurgi...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 décembre 2017, la ministre du travail a reconnues représentatives " dans le champ couvert par l'ensemble des conventions collectives de la métallurgie " les organisations syndicales CGT, CFDT, CFE-CGC et CGT-FO et, dans ce champ, leur a reconnu un poids pour la négociation des accords collectifs prévue au titre de l'article L. 2232-6 du code du travail de 30,30 % pour la CGT, de 29,10 % pour la CFDT, de 22,02 % pour la CFE-CGC et de 18,58 % pour la CGT-FO.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2017 de la ministre du travail :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...). ".

3. Le délai de recours de deux mois ouvert contre l'arrêté de la ministre du travail du 22 décembre 2017, publié au Journal officiel du 30 décembre 2017, expirait le mercredi 28 février 2018 et était ainsi expiré à la date du 26 septembre 2019 à laquelle la requête de la CFTC Métallurgie a été enregistrée au greffe de la Cour. Ces conclusions sont donc tardives et, par suite, irrecevables.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de la ministre du travail rejetant sa demande d'abrogation de son arrêté du 22 décembre 2017 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la métallurgie :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2121-1 du code du travail : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : / 1° Le respect des valeurs républicaines ; / 2° L'indépendance ; / 3° La transparence financière ; / 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; / 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; / 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; / 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations. ". Aux termes de l'article L. 2122-5 du même code : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : / 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ; / 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités sociaux et économiques, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 2121-2 du code du travail : " S'il y a lieu de déterminer la représentativité d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle autre que ceux affiliés à l'une des organisations représentatives au niveau national, l'autorité administrative diligente une enquête. / L'organisation intéressée fournit les éléments d'appréciation dont elle dispose ". Aux termes de l'article L. 2122-11 de ce code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle (...) en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10. (...) ".

6. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées aux points 4 et 5 que, sans préjudice de l'application des règles d'appréciation de la représentativité des organisations syndicales propres aux accords interbranches ou aux accords de fusion de branches, le ministre chargé du travail est compétent pour, s'il y a lieu, arrêter, sous le contrôle du juge administratif, la liste des organisations syndicales représentatives et leurs audiences respectives dans un périmètre utile pour une négociation en cours ou à venir, y compris lorsque celui-ci ne correspond pas à une " branche professionnelle " au sens de l'article L. 2122-11 du code du travail.

7. Par suite, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le champ conventionnel de la métallurgie soit constitué de 76 conventions collectives locales, auxquelles se superpose une convention collective catégorielle nationale, applicable aux seuls salariés ingénieurs et cadres de la métallurgie (portant l'indicatif de convention collective n° 0650), et d'une convention collective propre aux entreprises de sidérurgie (portant l'indicatif de convention collective n° 2344), la ministre du travail était compétente, sur le fondement des dispositions précitées du code du travail, pour arrêter la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans le champ couvert par l'ensemble des conventions collectives de la métallurgie.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la proposition de la direction générale du travail du ministère du travail visant à agréger au niveau national l'ensemble des résultats de la représentativité syndicale recueillis dans les 76 conventions collectives locales de la métallurgie, en additionnant les suffrages recueillis dans l'ensemble des collèges (collège 1, 2 ou 3) dès lors que ces conventions collectives s'appliquent, en droit, également aux ingénieurs et aux cadres, avec les résultats de la représentativité syndicale recueillis dans la convention collective de la sidérurgie, a été soumise pour avis aux membres du Haut Conseil du dialogue social, comme il ressort du compte rendu de la séance du Haut conseil du 20 décembre 2017, préalablement à l'édiction de l'arrêté ministériel du 22 décembre 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que le périmètre retenu pour la mesure de l'audience dans la branche professionnelle de la métallurgie n'aurait pas été évoqué par les membres du Haut conseil manque en fait. Enfin, ni les dispositions précitées des articles L. 2121-11 et R. 2122-3 du code du travail, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposaient que ce périmètre de mesure de la représentativité syndicale soit entériné par les membres du Haut conseil, comme le soutient à tort le syndicat CFTC Métallurgie.

9. En troisième lieu, si la CFTC Métallurgie fait valoir que, lors des dernières élections de la branche professionnelle de la métallurgie, elle a recueilli 8,29 % des 217 924 votes exprimés dans le périmètre de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, portant l'identifiant de convention collective n° 0650, et qu'elle devait ainsi, en application de l'article L. 2122-5 du code du travail, être reconnue comme une organisation syndicale représentative, il ressort toutefois des pièces du dossier que la ministre du travail, après avoir constaté que les 76 conventions collectives locales de la métallurgie s'appliquaient également aux ingénieurs et aux cadres, a ainsi procédé à l'addition des suffrages recueillis dans l'ensemble des collèges (1er, 2ème et 3ème collèges), qui a été agrégée avec les résultats obtenus dans la convention collective de la sidérurgie pour déterminer, par l'arrêté du 22 décembre 2017, les organisations syndicales représentatives dans le champ couvert par l'ensemble des conventions collectives de la métallurgie et leur poids respectif. Il en a résulté que, d'une part, contrairement à ce que soutient le syndicat CFTC Métallurgie, les 217 924 votes exprimés dans le périmètre de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ont été pris en compte dans la détermination de l'audience des organisations syndicales représentatives dans le champ couvert par l'ensemble des conventions collectives de la métallurgie, et que, d'autre part, dès lors que les suffrages exprimés en faveur de la CFTC Métallurgie dans ce périmètre étaient inférieurs au seuil de 8 % fixé par le 3° de l'article L. 2122-5 du code du travail, elle ne pouvait être reconnue comme organisation syndicale représentative dans la branche de la métallurgie.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 2261-32 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté ministériel du 22 décembre 2017 : " I.- Le ministre chargé du travail peut, eu égard à l'intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, engager une procédure de fusion du champ d'application des conventions collectives d'une branche avec celui d'une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues : / 1° Lorsque la branche compte moins de 5 000 salariés ; / 2° Lorsque la branche a une activité conventionnelle caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociations couverts ; / 3° Lorsque le champ d'application géographique de la branche est uniquement régional ou local ; / 4° Lorsque moins de 5 % des entreprises de la branche adhèrent à une organisation professionnelle représentative des employeurs ; / 5° En l'absence de mise en place ou de réunion de la commission prévue à l'article L. 2232-9. / Cette procédure peut également être engagée pour fusionner plusieurs branches afin de renforcer la cohérence du champ d'application des conventions collectives. / Un avis publié au Journal officiel invite les organisations et personnes intéressées à faire connaître, dans un délai déterminé par décret, leurs observations sur ce projet de fusion. / Le ministre chargé du travail procède à la fusion après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective. / Lorsque deux organisations professionnelles d'employeurs ou deux organisations syndicales de salariés représentées à cette commission proposent une autre branche de rattachement, par demande écrite et motivée, le ministre consulte à nouveau la commission dans un délai et selon des modalités fixés par décret. / Une fois le nouvel avis rendu par la commission, le ministre peut prononcer la fusion. / II.- Le ministre chargé du travail peut, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, prononcer l'élargissement du champ d'application géographique ou professionnel d'une convention collective, afin qu'il intègre un secteur territorial ou professionnel non couvert par une convention collective. / Un avis publié au Journal officiel invite les organisations et personnes intéressées à faire connaître, dans un délai déterminé par décret, leurs observations sur ce projet d'élargissement du champ d'application. / Lorsque deux organisations professionnelles d'employeurs ou deux organisations syndicales de salariés représentées à cette commission proposent un projet alternatif d'élargissement du champ d'application, par demande écrite et motivée, le ministre consulte à nouveau la commission dans un délai et selon des modalités fixés par décret. / Une fois le nouvel avis rendu par la commission, le ministre peut prononcer l'élargissement du champ de la convention collective concernée. / III.- Pour les branches mentionnées au I, le ministre chargé du travail peut, eu égard à l'intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, refuser d'étendre la convention collective, ses avenants ou ses annexes, après avis de la Commission nationale de la négociation collective. / IV.- Pour les branches mentionnées au I, le ministre chargé du travail peut, eu égard à l'intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, après avis de la Commission nationale de la négociation collective et du Haut Conseil du dialogue social, décider de ne pas arrêter la liste des organisations professionnelles mentionnée à l'article L. 2152-6 ni la liste des organisations syndicales reconnues représentatives pour une branche professionnelle mentionnée à l'article L. 2122-11. / V.- Sauf dispositions contraires, un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. ", et aux termes de l'article L. 2261-34 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté ministériel du 22 décembre 2017 : " Jusqu'à la mesure de la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs qui suit la fusion de champs conventionnels prononcée en application du I de l'article L. 2261-32 ou de la conclusion d'un accord collectif regroupant le champ de plusieurs conventions préexistantes, sont admises à négocier les organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans le champ d'au moins une branche préexistant à la fusion ou au regroupement. / La même règle s'applique aux organisations syndicales de salariés. / Les taux mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 2261-19 et à l'article L. 2232-6 sont appréciés au niveau de la branche issue de la fusion ou du regroupement. ".

11. L'arrêté ministériel du 22 décembre 2017 n'ayant ni pour objet, ni pour effet de procéder à la fusion de plusieurs branches ou du champ d'application des conventions collectives d'une branche, ou à l'élargissement du champ d'application géographique ou professionnel d'une convention collective, la CFTC Métallurgie ne peut utilement soutenir que les dispositions précitées des articles L. 2261-32 et L. 2261-34 du code du travail auraient été méconnues.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la CFTC Métallurgie n'est pas fondée à soutenir que la décision implicite de la ministre du travail rejetant sa demande d'abrogation de son arrêté du 22 décembre 2017 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la métallurgie serait entachée d'illégalité.

Sur les frais liés à l'instance :

13. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la CFTC Métallurgie doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat CFTC Métallurgie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) Métallurgie et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie sera adressée à la Confédération générale du travail, à la Confédération française démocratique du travail, à la Confédération française de l'encadrement-confédération générale des cadres, à la Confédération générale du travail force ouvrière.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2021.

La présidente de la 8ème Chambre,

H. VINOTLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 19PA03043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03043
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-05-01 Travail et emploi. Syndicats. Représentativité.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : NIVAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-01-28;19pa03043 ?
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